Question de M. BONNECARRÈRE Philippe (Tarn - UC) publiée le 10/08/2017

M. Philippe Bonnecarrère attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte donnant aux collectivités notamment des objectifs ambitieux en matière de gestion des déchets ménagers.

La valorisation matière des déchets doit atteindre 65 % à l'horizon 2025 et l'enfouissement des déchets doit être réduit de 50 % à même échéance. Les collectivités intègrent la nécessité d'agir à la source en accordant la priorité à la prévention et à la réduction de la production des déchets pour parvenir à l'objectif de réduction de 10 % des quantités de déchets en 2020 par rapport à 2010.

Partout en France, des réflexions sont conduites pour adapter les unités de traitement de nos territoires pour répondre à ces enjeux.

Les investissements à prévoir engagent l'avenir de nos concitoyens qui assument le coût du service de collecte et de traitement des déchets au travers de la taxe ou de la redevance dédiée. Il importe pour faire les choix technologiques les plus performants que le Gouvernement donne ses intentions.

Dans un avis de mars 2017 intitulé « quel avenir pour le traitement des ordures ménagères résiduelles ? », l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) semble faire la part belle aux usines d'incinération et restreindre le champ des possibilités des modes de traitement à la seule valorisation thermique.

Pris à la lettre, cet avis conduit in fine à condamner les installations de pré-traitement des ordures ménagères résiduelles et les si fameuses unités de traitement mécano-biologiques sans pour autant laisser d'opportunité aux collectivités et aux opérateurs d'innover et de proposer des unités de traitement alternatives.

On ne peut se résoudre à la seule incinération pour traiter les ordures ménagères résiduelles quels que soient le territoire considéré et le contexte. Il ne comprend pas que les réticences soient aussi fortes envers les unités de pré-traitement des ordures ménagères alors qu'il s'agit d'installations capables de valoriser de 50 à 90 % des ordures ménagères entrantes.

Plusieurs opérateurs sont en mesure aujourd'hui de proposer des unités s'appuyant sur les technologies existantes et en prenant le parti de produire du combustible solide de récupération (CSR).

Il lui semble que l'esprit de la loi de transition énergétique est d'encourager les initiatives innovantes plutôt qu'à les limiter.

Il lui demande également des éclaircissements sur la trajectoire de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) que vous prévoyez dans les années qui viennent.
La présente question vise à un éclaircissement de la conduite à tenir par nos collectivités.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire publiée le 25/10/2017

Réponse apportée en séance publique le 24/10/2017

M. Philippe Bonnecarrère. Quelle est la stratégie du Gouvernement en matière de traitement des déchets ménagers ? Quelles sont les clés de lecture qui permettraient aux collectivités locales de prendre des décisions pertinentes sur le long terme ? Nous nous inscrivons dans le cadre de l'application de la loi dite de transition énergétique. Nous savons que la valorisation matière des déchets doit atteindre 65 % à l'horizon de 2025 et que l'enfouissement des déchets doit être réduit de 50 % à la même échéance.

Les collectivités intègrent la nécessité d'agir à la source en accordant la priorité à la prévention et à la réduction de la production de déchets pour parvenir à l'objectif de réduction de 10 % des quantités de déchets en 2020 par rapport à 2010.

Partout en France, monsieur le secrétaire d'État, des réflexions sont conduites pour adapter les unités de traitement de nos territoires et répondre à nos enjeux. Les investissements à prévoir engagent l'avenir de nos concitoyens qui assument le coût du service de collecte et de traitement des déchets au travers de la taxe ou de la redevance dédiée. Il importe, pour faire les choix technologiques les plus performants, que le Gouvernement donne ses intentions, sa position.

Dans un avis de mars 2017 intitulé Quel avenir pour le traitement des ordures ménagères résiduelles ?, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, semble faire la part belle aux usines d'incinération. Je ne comprends pas, monsieur le secrétaire d'État, que les réticences soient aussi fortes envers les unités de prétraitement des ordures ménagères, alors qu'il s'agit d'installations capables de valoriser de 50 % à 90 % des ordures ménagères entrantes.

Plusieurs opérateurs sont en mesure aujourd'hui de proposer des unités s'appuyant sur les technologies existantes et en prenant partie de produire du combustible solide de récupération, CSR, ou d'utiliser la méthanisation.

Il me semble que l'esprit de la loi de transition énergétique est d'encourager les initiatives innovantes plutôt que de les limiter.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Philippe Bonnecarrère. Je vous demande également de nous éclairer sur la trajectoire de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP. Prévoyez-vous de l'augmenter dans les années à venir ? À quel rythme ? Pouvez-vous nous donner des objectifs chiffrés qui permettront ainsi aux collectivités d'apprécier la conduite à tenir ?

Technologie, innovation, trajectoire financière : quelle est la visibilité pour nous permettre de prendre des décisions pertinentes ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, deux minutes trente pour la stratégie sur les déchets, c'est court ! Je vais tenter d'être concis et efficace.

Quels sont nos objectifs ? C'est la continuité de la loi que le Parlement a votée sur la transition énergétique, comme la continuité dans la volonté de diminuer nos gaz à effet de serre. Vous savez à quel point la question du recyclage permet d'y parvenir. C'est l'un des axes forts du plan Climat qui a été dévoilé par Nicolas Hulot, vous le savez, au mois de juillet dernier.

Au moment même où nous nous parlons dans cet hémicycle, monsieur le sénateur, Brune Poirson est en train de présenter la méthode qui permettra l'élaboration de la feuille de route sur l'économie circulaire, afin de lancer une grande période de concertation avec l'ensemble des acteurs, y compris les élus locaux très fortement engagés dans les syndicats de traitement des ordures ménagères pour lesquels nous devons avoir le plus grand respect et la plus grande écoute.

Comment allons-nous atteindre les objectifs ? C'est la vraie question, monsieur le sénateur.

Tout d'abord, nous devons beaucoup progresser dans notre pays, vous l'avez dit, en termes de déploiement du tri des déchets. C'est un enjeu majeur. Sur ce sujet, les intentions du Gouvernement sont claires, notamment sur la trajectoire prévue de la TGAP. Conformément à l'engagement du Président de la République pendant sa campagne, nous augmenterons cette taxe collectée sur la mise en décharge et l'incinération d'ici à la fin du quinquennat. C'est là une condition indispensable ! Pour rendre le recyclage plus compétitif que la mise en décharge, il faut créer l'effet de levier.

Nous le savons, il est néanmoins nécessaire que cette évolution soit soutenable pour les entreprises et les collectivités territoriales. Cela signifie deux choses : d'une part, monsieur le sénateur, les augmentations ne doivent pas avoir lieu trop tôt, pour laisser le temps aux investissements, conformément à un devoir de prévisibilité, pour ne prendre personne en otage ; d'autre part, nous devons réfléchir en parallèle aux mesures d'incitation et d'accompagnement aux financements de projets pour les parties prenantes. Brune Poirson souhaite d'ailleurs que le Parlement soit associé à cette réflexion.

Vous m'interpellez également sur les installations de tri mécano-biologique, qui permettent d'extraire la fraction fermentescible des ordures ménagères collectées en mélange.

L'expérience française a montré les limites de ces installations. En effet, les procédés utilisés ne permettent généralement pas la production d'un compost de qualité pure : les composts produits contiennent encore, notamment, des morceaux de plastique. C'est pourquoi la loi privilégie explicitement la mise en place du tri à la source des biodéchets et indique, dans ce cadre, que la création d'installations de tri mécano-biologique est désormais non pertinente et doit être évitée.

Je tiens néanmoins à vous rassurer. L'ADEME, dans son avis technique de mars 2017, que vous citez, ne se montre absolument pas opposée au développement d'installations innovantes, à la seule condition qu'elles soient compatibles avec le déploiement du tri à la source, qui est nécessaire pour assurer un recyclage ou un compostage de qualité.

Ces questions très techniques sont parfois difficiles à expliquer à nos concitoyens et même aux élus locaux. Le Gouvernement est donc preneur de vos conseils, monsieur le sénateur, et note votre souhait d'enrichir la trajectoire de traitement des déchets dans notre pays.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

M. Philippe Bonnecarrère. La question posée n'est pas aussi technique que vous voulez bien le dire, monsieur le secrétaire d'État. Les mesures à prendre sur l'ensemble des territoires pour tenir les objectifs nécessitent de mettre en œuvre des investissements à l'échelle d'une génération. On ne peut donc se tromper ni sur les choix financiers ni sur les choix techniques. Nous comprenons bien que le Gouvernement veuille assurer la continuité de l'application de la loi – il n'y a pas de débat sur ce point –, mais pour cela il faut une feuille de route.

Sur la TGAP, vous m'avez indiqué que vous prévoyez son augmentation d'ici à la fin du quinquennat, mais nous avons besoin de savoir quel sera le niveau d'arrivée, à quel rythme se fera l'augmentation… Sans ces éléments, nous ne pouvons pas faire de projections financières.

Vous m'avez également précisé que vous laissez une place à l'innovation. Je me permets d'insister pour qu'elle soit la plus large possible. Cela va au-delà du tri mécano-biologique ; se pose, par exemple, la question de la constitution d'une filière pour le combustible solide recyclable. Le CSR est-il, à vos yeux, une filière d'avenir ? Nous encouragez-vous en ce sens, en complément de l'utilisation de techniques telles que la méthanisation ? Quelle est la part d'innovation que vous nous laissez ?

Vous venez aussi de m'indiquer que le Gouvernement réfléchissait à un accompagnement au projet. Cela signifie des perspectives de subventions. Cela se fera-t-il par la voie de l'ADEME, ou d'une autre manière ? Dans le cadre de ces subventionnements, aurons-nous la liberté des choix technologiques, qui peuvent bien sûr être examinés avec les conseils utiles ? Peut-on combiner financement, subventions et innovation ?

Il vous appartiendra de nous donner ces réponses d'une manière un peu plus précise dans les semaines et les mois qui viennent, faute de quoi nous ne pourrons pas prendre de décisions cohérentes d'investissement.

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