Question de M. ROUX Jean-Yves (Alpes de Haute-Provence - Socialiste et républicain) publiée le 21/12/2016

Question posée en séance publique le 20/12/2016

M. Jean-Yves Roux. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Depuis maintenant une semaine, nous assistons à un mouvement de grève particulièrement difficile opposant des chauffeurs de VTC à certaines plateformes internationales.

Depuis une semaine surtout, nous entendons des témoignages de chauffeurs qui décrivent l'évolution de leur quotidien de travail.

Au départ, le chant des sirènes était mélodieux : la perspective d'un emploi – et on les comprend –, d'un travail indépendant, intéressant et valorisant. Au final, en peu de temps, le registre a changé et ces chauffeurs ont fait entendre une tout autre complainte, dans un silence parfois assourdissant : des changements de rémunération au gré du vent, des rémunérations minimales tendant au travail à perte, un temps de travail considérablement allongé pour espérer compenser le revenu final et payer les crédits engagés.

Ce mouvement de chauffeurs, nous devons en être conscients, est tout à fait révélateur de ce qui pourrait dans un avenir proche se généraliser, faire modèle.

Ce modèle-là, c'est la paupérisation légalisée, avec des femmes et des hommes qui ne peuvent s'en sortir. Ce modèle-là, c'est la négation de la régulation la plus élémentaire, du droit du travail, du dialogue social préalable. Ce modèle-là, c'est la loi du plus fort.

Mes chers collègues, ce n'est pas une loi que notre République peut cautionner.

Monsieur le Premier ministre, depuis plusieurs jours et plusieurs nuits, vous avez proposé votre médiation dans ce conflit. Vous avez souhaité avant tout engager un dialogue social. Preuve si l'en est que l'État n'est pas que l'empêcheur de faire vivre un secteur en plein essor. Preuve si l'en est que la puissance publique est très utile, surtout quand il s'agit d'organiser un secteur en pleine expansion.

Monsieur le Premier ministre, où en sont ces négociations ? Quel signal le Gouvernement entend-il donner au secteur des VTC, à ces chauffeurs qui veulent continuer à travailler dans des conditions décentes ? À celles et ceux qui voudront embrasser, et à juste titre, ces carrières ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 21/12/2016

Réponse apportée en séance publique le 20/12/2016

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Monsieur le sénateur, votre question appelle une réponse très claire sur le conflit entre la plateforme Uber et les VTC.

Tout d'abord, le développement de l'économie numérique est une chance extraordinaire pour notre économie. Quelque 30 000 entreprises ont été créées au cours de cette année – ce qui correspond à une augmentation de plus de 5 % du taux de création des entreprises –, dont beaucoup dans le secteur numérique.

Ce secteur a attiré près de 1 milliard d'euros d'investissements privés, ce qui place la France en situation de recueillir près de 16 % des fonds de l'Union européenne.

Cela montre le dynamisme de ce secteur.

Mais la numérisation de l'économie ne peut rimer avec dérégulation, recul des droits sociaux, régression de la protection sociale et mépris des salariés. Je le dis très clairement, ce n'est tout simplement pas possible. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)

Au travers du mouvement engagé par les VTC, – pour une minorité d'entre eux, celui-ci s'est manifesté avec une violence que nous avons condamnée –, ces derniers expriment des revendications qui doivent être entendues concernant le droit à la formation, la nécessaire protection sociale et les conditions de rémunération de la plateforme face au travail extrêmement difficile qu'ils accomplissent.

C'est la raison pour laquelle j'ai demandé au secrétaire d'État Alain Vidalies de réunir hier l'ensemble des parties pour engager une discussion sur toutes ces questions. Il a fait un travail remarquable, dont nous souhaitons ardemment qu'il permette d'aboutir à un bon compromis d'ici à la fin du mois de janvier.

Nous y travaillons, et cela suppose que la plateforme comprenne que si elle ne s'engage pas dans la voie du progrès, elle aura face à elle un gouvernement absolument déterminé.

La proposition de loi relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes du député Grandguillaume doit permettre de créer les conditions d'une concurrence plus équitable entre les différents acteurs et de régler un certain nombre de questions qui ont été longtemps sur le métier sans trouver de réponse, notamment celle de la formation.

Enfin, permettez-moi d'insister en réponse à votre question sur mon refus absolu des modes modernes d'exploitation. Mon gouvernement sera en première ligne, y compris sur le plan européen dans le cadre de la renégociation de la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs, pour défendre les droits de ces travailleurs.

Nous prendrons des initiatives sur ce sujet de manière extrêmement forte, parce que la protection sociale, la protection de ceux qui donnent le meilleur d'eux-mêmes dans leur travail ne doit donner lieu à aucune exploitation. Le gouvernement que je conduis sera sur ce sujet intraitable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

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