Question de M. BOUTANT Michel (Charente - Socialiste et républicain) publiée le 21/12/2016

Question posée en séance publique le 20/12/2016

M. Michel Boutant. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, l'attentat commis hier soir à Berlin est un événement tragique. Je veux dire ici l'horreur qu'il m'inspire et la tristesse que nous partageons avec nos amis allemands.

Après Madrid, Londres, Bruxelles, Paris, Nice, mais aussi Ankara, Djakarta et bien d'autres villes encore, c'est le cœur de l'Allemagne, sa capitale, qui a été visé sur un marché de l'avent, cette période durant laquelle on fête le retour espéré de la lumière.

C'est l'obscurantisme qui a frappé, avec un mode opératoire rappelant l'attentat de Nice du 14 juillet dernier – survenu un jour de fête, également – : un camion lancé dans la foule pour tuer et s'en prendre à des symboles.

Dans le climat de tension que connaît l'Allemagne à propos de la question des réfugiés, cet attentat a une portée considérable. Après avoir provoqué de la stupéfaction, du chagrin et de l'indignation, il soulève beaucoup de questions, en Allemagne, mais aussi chez nous, où se déroulent de nombreuses manifestations avant les fêtes de Noël et de fin d'année.

Nous savons tous ici, monsieur le Premier ministre, les mesures que vous avez prises comme ministre de l'intérieur à la suite des attentats de janvier et de novembre 2015 et de juillet 2016 : le recrutement de gendarmes et de policiers ; le renforcement de Vigipirate ; le déploiement de l'armée, avec l'opération sentinelle ; la constitution d'une garde nationale ; et toutes les opérations lancées par le chef de l'État à l'extérieur du pays.

Pouvez-vous nous dire, monsieur le Premier ministre, si les mesures prises dans notre pays permettent à toutes les manifestations en cours ou prévues de se tenir ou si celles-ci doivent être annulées ?

Dans la mesure où c'est l'Europe de l'Ouest tout entière, et même davantage, qui est dans le viseur des intégristes, le travail de coopération entre les services de sécurité et de renseignement de tous ces pays donne-t-il aujourd'hui satisfaction ? Est-il efficacement et sincèrement organisé ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 21/12/2016

Réponse apportée en séance publique le 20/12/2016

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Monsieur le sénateur Boutant, vous m'interrogez sur les mesures qui doivent être prises, qui ont été prises, qui pourraient être prises, compte tenu du très haut niveau de menace auquel notre pays et l'Union européenne se trouvent confrontés. La tragédie de Berlin doit nous amener à en faire un constat lucide.

Avec le Président de la République, nous avons souvent évoqué le niveau de menace très élevé auquel la France doit faire face. Il se traduit d'ailleurs par l'intensité de l'activité des services de renseignement. Depuis le début de l'année, près de 430 personnes ont été interpellées et fait l'objet d'une procédure judiciaire en raison des liens qu'elles entretenaient avec des réseaux terroristes et en raison du risque qu'elles représentaient pour la sécurité de notre pays.

Dix-sept attentats ont été évités depuis le début de l'année 2016. En 2013, un attentat avait été évité, quatre en 2014, sept en 2015. On voit bien la progression considérable de la menace et de l'activité des services de renseignement pour y faire face.

Je veux rendre hommage à ces services, comme à l'ensemble de nos forces de sécurité intérieure pour leur mobilisation exceptionnelle pour protéger nos concitoyens du risque terroriste.

Que devons-nous faire ? Nous devons d'abord conforter ce que nous avons déjà engagé. Nous avons voté plusieurs lois antiterroristes et une loi sur le renseignement, qui contiennent des mesures que nous n'avions pas à notre disposition, pour nous permettre d'être efficaces face à la menace terroriste. Il s'agit de l'interdiction administrative des sites internet qui appellent ou provoquent au terrorisme ; de l'interdiction de sortie du territoire ; de l'interdiction de retour sur le territoire pour ceux de nos compatriotes qui ont été engagés dans les zones de combats dès lors qu'ils disposent de la double nationalité. Bref, nous faisons tout cela.

Nous avons également décidé de mettre en place l'incrimination pour entreprise individuelle terroriste, de manière à mieux cibler ceux qui ne sont pas en lien avec des groupes, mais peuvent passer à l'acte tous seuls. C'est ce que l'on appelle la menace endogène.

Nous avons aussi conforté considérablement les moyens de nos services de renseignement. Avec l'Allemagne, nous avons multiplié les chantiers européens : nous avons fait aboutir le PNR, ou Passenger Name Record ; nous avons engagé la réforme du code Schengen avec l'article 7–2 du code frontière ; nous avons fait monter en puissance FRONTEX ; nous avons décidé de réformer le système d'information Schengen, le SIS, que nous avons demandé aux services de renseignement d'alimenter afin de garantir le bon échange des informations entre les services de l'Union européenne ; nous avons connecté les fichiers criminels. Nous avons donc multiplié les initiatives sur le plan européen pour être davantage efficaces.

Tout cela doit s'amplifier et s'approfondir. Nous devons chaque jour aller plus loin en Europe, parce que l'Europe n'est pas un problème dans la lutte antiterroriste, c'est une solution ! Pour aboutir, l'axe franco-allemand doit jouer un rôle déterminant.

Au moment où se déroulent les marchés de Noël, les fêtes de fin d'année, il faut que les Français sachent que, depuis de nombreux mois, des instructions été données pour que la mobilisation des forces sécurité intérieure soit totale.

Aujourd'hui, presque tous les effectifs de sécurité publique sont, dans les villes, mobilisés dans la lutte contre les organisations criminelles et le terrorisme. Soixante-dix unités de forces mobiles assurent chaque jour le contrôle aux frontières et la protection des marchés de Noël et des grands événements, qui doivent susciter la plus grande vigilance de la part des autorités locales de l'État, notamment des préfets de zone et des préfets de département et de région, mais aussi des collectivités locales.

J'ai demandé au ministre de l'intérieur, qui l'a fait dès hier, de rappeler par circulaire que toutes les mesures que nous avons déjà prises et qui nous mettent à haut niveau d'engagement nos forces doivent être confortées, que la vigilance doit être absolue et l'attention constante, pour assurer dans cette période particulière la protection de nos concitoyens.

Cette mobilisation, si elle est totale, ne garantit pas le risque zéro. On connaît les modalités de passage à l'acte et nous devons rester conscients et lucides. L'absence de mobilisation ouvrirait notre pays à tous les risques, mais toute la mobilisation ne garantit jamais le risque zéro. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)

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