Question de M. BOCKEL Jean-Marie (Haut-Rhin - UDI-UC) publiée le 28/07/2016

M. Jean-Marie Bockel attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation des prisons en France.

En effet, avec 69 375 personnes incarcérées (pour une capacité d'accueil des établissements pénitentiaires au 1er juillet de seulement 58 311 places opérationnelles), le nombre de détenus dans les prisons françaises a atteint au 1er juillet 2016 un nouveau et triste record. Les prisons françaises n'ont jamais été aussi peuplées et depuis plusieurs mois les statistiques frôlaient le précédent record historique de nombre de détenus établi en avril 2014 avec 68 859 personnes incarcérées.

Parmi les détenus, plus de 1 600 doivent se contenter d'un matelas posé sur le sol dans leur cellule. Les conséquences de cette surpopulation sont connues : tensions et violences entre détenus et contre les surveillants, épuisement du personnel administratif, diminution des activités, moindre disponibilité des conseillers d'insertion, risque de radicalisations accru, risque de récidive favorisé, sans oublier l'abandon d'un des objectifs premiers de la détention : la préparation à la réinsertion.

La construction de nouvelles prisons est une solution mais elle demande un délai de plusieurs années (cinq à six ans). Il est ainsi nécessaire notamment de développer les alternatives à la détention et d'améliorer la sortie des détenus. Par exemple, par la mise en place progressive du dispositif de prison ouverte ou encore l'application de la contrainte pénale (ni emprisonnement, ni sursis avec mise à l'épreuve permettant un contrôle et un suivi renforcés), créée par la précédente ministre de la justice, qui n'a quasiment jamais été prononcée dans les tribunaux depuis sa mise en place, il y a maintenant deux ans.

Aussi, il souhaite connaître les mesures envisagées par le Gouvernement pour sortir enfin de cette situation insupportable.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat, chargé de la biodiversité publiée le 16/11/2016

Réponse apportée en séance publique le 15/11/2016

M. Jean-Marie Bockel. Madame la secrétaire d'État, j'attire à nouveau l'attention du garde des sceaux, par votre intermédiaire, sur la situation des prisons en France.

Avec plus de 69 000 personnes incarcérées pour quelque 58 000 places, le nombre de détenus dans nos prisons a atteint en juillet dernier un triste et nouveau record. Les prisons françaises n'ont jamais été aussi peuplées. Dans certaines prisons, le taux d'occupation dépasse 200 %. Certains détenus vivent à trois ou quatre par cellule et sont désœuvrés.

Les conséquences de cette surpopulation sont bien connues : tensions et violences entre détenus et envers les surveillants, épuisement du personnel administratif, diminution des activités, moindre disponibilité des conseillers d'insertion, risques accrus de radicalisation et de récidive, enfin abandon de l'un des objectifs premiers de la détention, à savoir la préparation de la réinsertion.

Si l'annonce, le 25 octobre dernier, de la fin des unités de déradicalisation en prison et de la création de six quartiers d'évaluation de la radicalisation mérite d'être saluée, le plan de cinquante-cinq mesures annoncé le même jour par le garde des Sceaux et axé sur la construction de places de prison est nécessaire, mais non suffisant.

En effet, les fonds budgétaires figurant dans ce plan sont essentiellement affectés à la construction de places. Or le délai de construction d'une prison est de dix ans en moyenne. Il me semble donc essentiel de développer les options alternatives à l'enfermement.

Ainsi, j'avais déjà émis en avril 2010, lorsque j'étais secrétaire d'État à la justice, des propositions en vue de la mise en place d'un régime ouvert de détention dans le champ pénitentiaire français.

Le dispositif de « prison ouverte » ou de « prison sans barreaux » amorcé après la Seconde Guerre mondiale avec la création de l'établissement de Casabianda, en Corse, représente une réponse concrète en vue de l'humanisation des prisons et de la facilitation de la réinsertion. Cet établissement reste, encore aujourd'hui, le seul en France d'un type qui s'est beaucoup développé ailleurs. La France se situe en bas de l'échelle européenne sur ce plan. Dans la plupart des pays qui nous entourent, entre 8 % et 30 % des personnes incarcérées purgent leur peine dans de telles prisons.

Or les résultats sont probants : le coût des infrastructures et de la détention est moindre, le taux de récidive est très bas et celui de réinsertion est élevé, grâce notamment à l'occupation systématique des détenus à des travaux de nature agricole ou artisanale.

Je regrette sincèrement que ce dispositif ne suscite pas davantage l'intérêt des gouvernements successifs, de droite comme de gauche, et j'espère que vous allez m'annoncer qu'un travail de réflexion a enfin été engagé sur ce sujet.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, comme vous l'avez souligné, notre pays compte actuellement plus de 69 000 personnes détenues, pour une capacité d'accueil de 58 311 places.

Cette situation particulièrement problématique est l'objet d'une constante attention de la part du Gouvernement.

Le 6 octobre dernier, un plan très ambitieux de construction de nouveaux établissements – trente-deux maisons d'arrêt et un centre pénitentiaire – a été lancé. Quarante préfets ont été missionnés pour effectuer une recherche foncière dans leur département. Le résultat de cette recherche sera connu au mois de décembre prochain. Avec ce plan, le Gouvernement entend résorber de manière significative la surpopulation carcérale, particulièrement dans les maisons d'arrêt.

Mais, comme vous l'avez rappelé, la construction de nouvelles places en détention ne doit pas être la seule réponse à la surpopulation carcérale.

C'est pourquoi sont également prévus des programmes d'aménagement et de réalisation de quartiers de préparation à la sortie, une meilleure exploitation des places inoccupées en établissements pour peine, notamment par l'accélération de la procédure d'orientation et d'affectation des personnes détenues, mais aussi la mise en œuvre d'une politique pénale conjuguant le développement des peines alternatives à l'incarcération et une politique active d'aménagement des peines.

À ce titre, le développement de la contrainte pénale, que vous avez évoquée, participe également de la lutte contre la surpopulation carcérale.

Le Gouvernement a remis au Parlement, le 21 octobre dernier, un rapport sur l'application de la loi de 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales.

Depuis l'entrée en vigueur de celle-ci, 2 287 mesures de contrainte pénale ont été prononcées. Seulement 15,3 % des personnes condamnées à cette peine ont été à nouveau écrouées durant son exécution. Cela montre que cette solution alternative à l'emprisonnement est efficace et qu'elle doit être promue.

Par ailleurs, grâce à cette loi, ce sont aussi de nouvelles méthodes de travail qui ont été mises en œuvre par les professionnels, afin d'améliorer la prise en charge des personnes placées sous main de justice.

En outre, 930 personnels ont été recrutés pour assurer une prise en charge pluridisciplinaire et, surtout, adaptée à la situation et à la personnalité des personnes condamnées.

Au-delà de la contrainte pénale, la libération sous contrainte vise à éviter les sorties « sèches » de détention et favorise un retour progressif à la liberté, via les aménagements de peine. Elle permet donc d'anticiper et de mieux préparer les sorties de prison, quelques mois avant la fin de la peine.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, de nombreuses alternatives à l'emprisonnement sont à la disposition de l'autorité judiciaire afin de permettre aux personnes condamnées de préparer au mieux leur réinsertion dans la société et de prévenir la récidive.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.

M. Jean-Marie Bockel. Madame la secrétaire d'État, vos propos sont très intéressants et positifs à bien des égards, mais ils ne répondent absolument pas à ma question !

J'observe d'ailleurs une espèce de blocage sur le sujet. Vous vous félicitez des actions entreprises, mais vous n'évoquez même pas mon idée de prisons ouvertes… Peut-être celle-ci vous paraît-elle farfelue ! Pourtant, les prisons sans barreaux sont bien de vraies prisons, et non, contrairement au bracelet électronique ou à la contrainte pénale, une alternative à celles-ci.

Les prisons ouvertes existent pourtant partout chez nos voisins. Il y en a même une en France, qui fonctionne bien ! Dès lors, je ne comprends pas ces résistances. J'ignore si le frein est d'ordre administratif, politique ou idéologique. Je déplore cette situation et j'espère qu'un jour on osera évoquer cette possibilité. Quoi qu'il en soit, je continue le combat !

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