Question de M. ROGER Gilbert (Seine-Saint-Denis - Socialiste et républicain) publiée le 18/05/2016

Question posée en séance publique le 17/05/2016

M. Gilbert Roger. Ma question s'adressait à M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur.

J'attire l'attention du Gouvernement sur la dette de la France à l'égard des tirailleurs sénégalais, qui souhaitent que l'État français leur reconnaisse la nationalité française.

Depuis le début du siècle, les unités de tirailleurs coloniaux, improprement appelés « tirailleurs sénégalais », ont combattu pour la France en participant aux côtés de leurs frères d'armes français à tous les conflits dans lesquels était engagé notre pays. Ces anciens combattants d'outre-mer ont mérité la reconnaissance de la France. Or, en fait de reconnaissance, ils se sont vu priver de la nationalité française au moment de l'indépendance de leur pays d'origine.

La possibilité a cependant été donnée, par la loi de 1960, aux personnes originaires des pays de l'Afrique noire et de Madagascar de faire reconnaître leur nationalité française par déclaration. Mais cette possibilité a été supprimée en 1973, puis remplacée par la procédure de réintégration par déclaration, qui, elle-même, a été supprimée en 1993.

Désormais, les anciens ressortissants de ces territoires désirant reprendre la nationalité française doivent recourir à la procédure de droit commun de la réintégration.

Beaucoup d'anciens combattants ont ainsi perdu leur nationalité française sans s'en rendre compte : ils s'en sont aperçus à l'occasion d'une démarche de renouvellement de leurs documents d'identité. Leur déception fut alors particulièrement vive.

Les conditions de résidence en matière de nationalité exigent que l'intéressé fixe en France le centre de ses intérêts. Elles ont ainsi écarté de la reconnaissance de la nationalité française un grand nombre de personnes qui ne souhaitaient pas faire venir en France leur famille ou n'en avaient pas les moyens financiers, alors même qu'elles y résidaient et manifestaient pour la France un réel attachement.

Aussi, je souhaiterais savoir si le Gouvernement est prêt à reconnaître à ces quelques centaines de tirailleurs sénégalais la nationalité française. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mmes Corinne Bouchoux et Sophie Primas ainsi que MM. Alain Bertrand et Michel Bouvard applaudissent également.)

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire publiée le 18/05/2016

Réponse apportée en séance publique le 17/05/2016

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur Gilbert Roger, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. le ministre de l'intérieur, le code de la nationalité relevant de son ministère.

Vous avez attiré l'attention du Gouvernement sur la dette de la France à l'égard de ceux qu'il est convenu d'appeler « les tirailleurs sénégalais ».

Je souhaite avant tout affirmer que ces anciens combattants, à l'instar de tous les anciens combattants ayant consacré une partie de leur jeunesse et, souvent, versé leur sang, au nom de la liberté, en portant l'uniforme militaire de notre pays, bénéficient des droits liés à cette situation. Notre pays leur est éternellement reconnaissant.

Vous évoquez plus précisément le vœu de quelques-uns de se voir reconnaître la nationalité française qu'ils ont perdue lors de l'indépendance de leur pays d'origine où ils résident. En fait, votre question porte en elle-même, monsieur le sénateur, les éléments de réponse.

Vous avez rappelé à juste titre les décisions de la Cour de cassation et les précisions apportées par le législateur. Notre droit de la nationalité prend aujourd'hui en compte ces situations particulières.

En effet, le code de la nationalité française prévoit une voie d'accès spécifique pour toute personne ayant eu la nationalité française. Ainsi, l'accomplissement de services militaires dans une unité combattante de l'armée française peut justifier une dérogation à la condition de stage posée par les procédures de naturalisation.

En revanche, la condition de résidence en matière de nationalité exige que l'intéressé fixe en France le centre de ses intérêts. Cette disposition relève du code précité, qui ne souffre aucune interprétation. Déroger à cette règle, même dans le cas des personnes ici visées et dont les mérites sont avérés, suppose de mesurer tous les enjeux, car cela touche à la cohérence d'un droit qui s'est façonné au fil de notre histoire.

Tels sont les éléments de réponse que je pouvais vous apporter, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)

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