Question de M. VASPART Michel (Côtes-d'Armor - Les Républicains) publiée le 25/02/2016

M. Michel Vaspart attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la désertification médicale, s'agissant des médecins généralistes, qui touche non seulement les communes rurales mal desservies par les services publics et, particulièrement, les transports mais qui touche aussi, désormais, les villes moyennes, même éventuellement desservies par une ligne ferroviaire à grande vitesse et a priori attractives.
La Bretagne est fortement touchée par le phénomène et, tout spécialement, le département des Côtes-d'Armor.
Les élus tentent, tant bien que mal, par des initiatives collectives, de s'organiser, en créant des maisons de santé pluridisciplinaires ou maisons médicales, susceptibles d'attirer les professionnels de santé mais les financements manquent. Si ces maisons constituent une solution qui a, depuis l'origine, en 2005, contribué à préserver un tissu de médecins, force est de constater que cela ne suffit pas pour toutes les situations.
Il souhaiterait connaître le bilan coût/efficacité de la création du statut de praticien territorial de médecine générale annoncé par la ministre dans le pacte territoire-santé à la fin de 2012 et, précisément, pour le département des Côtes-d'Armor.
Il souhaiterait savoir quels ont été les effets de l'augmentation, depuis 2013, de la proportion, à l'examen classant national, de postes d'internes en médecine générale qui avait été annoncée.
Il souhaiterait, par ailleurs, connaître le bilan de l'accueil en France de médecins étrangers.
Il souhaiterait enfin connaître sa position sur la piste de la délégation de soins, qui permettrait à d'autres professionnels de santé, tels les infirmiers, de réaliser certains actes prédéfinis en lieu et place du médecin généraliste, par hypothèse dans une zone sous-dotée.
Plus généralement, il lui demande son avis sur l'efficacité réelle de toutes les mesures incitatives, dans le contexte budgétaire très contraint qui prévaut, à l'échelle nationale comme à l'échelle des collectivités locales.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales et de la santé, chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion publiée le 22/06/2016

Réponse apportée en séance publique le 21/06/2016

M. Michel Vaspart. Madame la secrétaire d'État, si la désertification médicale touche depuis des années et de façon de plus en plus préoccupante les communes rurales mal desservies par les services publics, particulièrement par les transports, elle frappe aussi désormais les villes moyennes, même éventuellement celles qui sont desservies par une ligne ferroviaire à grande vitesse et dotées d'infrastructures permettant à un médecin et à sa famille de s'installer de manière pérenne.

Ainsi, dans la commune de Lamballe, dans les Côtes-d'Armor, où passe le TGV, les six généralistes partent à la retraite les uns après les autres sans être remplacés.

La Bretagne est fortement touchée par le phénomène. C'est tout spécialement le cas du département des Côtes-d'Armor.

Les élus tentent tant bien que mal de s'organiser en créant des maisons de santé susceptibles d'attirer les professionnels de santé.

Depuis leur création, en 2005, sur l'initiative de Xavier Bertrand, ministre de la santé de l'époque, ces maisons constituent une solution qui a contribué à préserver un tissu de professionnels de santé relativement homogène sur notre territoire. Maire d'une commune de 2 500 habitants, j'ai installé une maison de professionnels de santé qui permet de couvrir les besoins de la population de ma commune, mais aussi des deux communes limitrophes.

Toutefois, force est de constater que cela ne suffit pas à répondre à toutes les situations, sans compter que les financements ne suivent pas toujours. Ainsi, il est des zones isolées où personne ne souhaite s'installer. Il est aussi des horaires auxquels les médecins ne veulent plus se soumettre et des déplacements chez les patients qu'ils ne veulent plus faire !

Face à cette situation, le Gouvernement avait annoncé, voilà près de quatre ans, à la fin de l'année 2012, la création, dans le cadre du pacte territoire-santé, d'un statut de praticien territorial de médecine générale.

Madame la secrétaire d'État, je souhaiterais connaître le bilan coût-efficacité de la création de ce statut, notamment pour mon département.

Je souhaiterais aussi connaître le bilan de l'accueil des médecins étrangers, que l'on nous présente comme une autre solution à la désertification, ainsi que les effets de l'augmentation, depuis 2013, de la proportion, à l'examen classant national, de postes d'internes en médecine générale qui avait été annoncée.

Plus généralement, je souhaiterais connaître l'avis de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé et du Gouvernement sur l'efficacité concrète de toutes les mesures incitatives engagées dans le contexte budgétaire très contraint qui prévaut autant à l'échelon national qu'à celui des collectivités locales.

Subsidiairement, quelle est la position du Gouvernement sur la piste de la délégation de soins qui permettrait à d'autres professionnels de santé de réaliser certains actes prédéfinis, en lieu et place des médecins généralistes, dans les zones sous-dotées ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, améliorer l'accès aux soins et réduire les inégalités en termes de santé sont bel et bien des priorités du Gouvernement et du pacte territoire-santé que la ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, a mis en œuvre dès 2012.

À elle seule, votre question résume l'une des particularités du sujet : pour résoudre le problème de la désertification médicale, une mesure ne suffit pas. Il faut un ensemble de mesures.

Prenons l'exemple, que vous avez cité, du numerus clausus. Voilà un peu plus de vingt ans, dans les années 1990, entre 3 500 et 4 000 étudiants étaient sélectionnés chaque année. Ce chiffre est aujourd'hui passé à 8 000 ! Depuis le début des années 2000, le numerus clausus n'a cessé d'augmenter. Au reste, les étudiants qui ont fait partie des promotions du début des années 2000 ont aujourd'hui terminé leurs études.

Pour autant, on voit bien que de grandes inégalités ont subsisté.

Dès lors, nous avons souhaité, depuis 2013, assouplir le numerus clausus de manière ciblée, dans les régions les plus déficitaires. En effet, de façon générale, les étudiants restent dans la région où ils ont fait leurs études.

Toutefois, j'y insiste, il ne s'agit là que d'une mesure parmi celles qui devaient être prises et que je veux à mon tour évoquer.

Par exemple, à l'échelon national, 1 750 jeunes ont signé le contrat d'engagement de service public, ce qui dépasse l'objectif que nous nous étions fixé. Je vous rappelle que ce dispositif s'adresse aux médecins ou dentistes en formation ; il leur permet de bénéficier d'une bourse, en contrepartie d'une installation dans un territoire manquant de professionnels, pour une durée équivalant à celle de l'aide qu'ils ont reçue pendant leurs études.

Par ailleurs, 600 praticiens territoriaux de médecine générale se sont installés dans des territoires déficitaires, et 800 maisons de santé maillent désormais le territoire national.

En Bretagne, au travers du contrat d'engagement de service public, le CESP, 52 étudiants se sont engagés à exercer dans un territoire manquant de professionnels de santé, 9 d'entre eux ayant exprimé le souhait de s'installer spécifiquement dans les Côtes-d'Armor.

Grâce au dispositif PTMG, Praticien territorial de médecine générale, 35 médecins se sont installés dans la région, dont 5 dans les Côtes-d'Armor.

Par ailleurs, 77 maisons de santé pluridisciplinaires sont actuellement en fonctionnement dans la région, dont 15 dans les Côtes-d'Armor.

Ces données montrent bien que nous pouvons inverser la tendance, avec une implication de tous les acteurs locaux aux côtés de l'agence régionale de santé. Ainsi, 15 communes du département des Côtes-d'Armor ont participé à l'opération Généraliste dating, une manifestation originale organisée par l'ARS avec les facultés de médecine de Rennes et de Brest pour favoriser l'installation des étudiants dans les territoires les plus en difficulté.

Monsieur le sénateur, c'est donc bien la diversité des mesures et la concertation des acteurs qui permettra d'agir efficacement. Bien évidemment, cela prendra plusieurs années, le temps que les étudiants aient achevé leurs études et que les professionnels s'approprient pleinement ces mesures et s'installent dans les territoires sous-dotés.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaspart.

M. Michel Vaspart. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'État.

Quand les maires en sont réduits à passer des annonces sur le site Le Bon Coin pour tenter d'attirer un généraliste dans leur commune, comme c'est le cas du maire de la commune de Fréhel, qui n'est pas très éloignée de la mienne, cela signifie qu'il existe un sérieux problème !

Vous avez évoqué l'opération organisée dans les Côtes-d'Armor, qui est intéressante et à laquelle je me suis associé. Je participe également à plusieurs tables rondes créées dans le département des Côtes-d'Armor. Malgré les incitations, on a le sentiment qu'il est difficile de résoudre le problème.

Le Sénat, notamment la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, s'était ému de la situation et avait proposé de ne plus accepter l'installation de médecins conventionnés dans les secteurs sur-dotés, ces derniers ayant été définis avec les professionnels et non pas de manière unilatérale. De mon point de vue, c'est le moins que l'on puisse faire !

Lorsque des personnes âgées de 86 ans vivant dans un secteur souffrant de désertification médicale demandent à leur maire ce qu'il fait pour résoudre la situation, celui-ci ne peut pas leur répondre que le numerus clausus a augmenté et qu'ils devront attendre huit ans avant de pouvoir disposer d'un médecin !

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