Question de M. MADEC Roger (Paris - Socialiste et républicain) publiée le 04/02/2016

M. Roger Madec attire l'attention de Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité sur les mesures qu'elle compte prendre pour donner une application concrète au droit au logement opposable dans tous les départements. La loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite loi DALO, fait en effet obligation à l'État de trouver un logement décent aux personnes résidant en France qui ne peuvent y parvenir elles-mêmes. Dans son rapport de mai 2015, le comité de suivi de la loi DALO constate que, une fois réservés, les logements sociaux disponibles du contingent préfectoral ne sont pas toujours utilisés pour reloger les ménages prioritaires DALO. Malgré l'absence de statistiques au niveau national, les observations du comité de suivi font apparaître des disparités importantes selon les départements. Les statistiques de la direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement (DRIHL) en Île-de-France en sont une illustration. Ainsi, les logements du contingent préfectoral sont de 75 % en Seine-et-Marne, 42 % dans les Yvelines, 54 % dans l'Essonne, 76 % en Seine-Saint-Denis, 76 % dans le Val-de-Marne, 43 % dans le Val-d'Oise, 90 % à Paris. En revanche, le faible taux de mobilisation (23 %) des Hauts-de-Seine qui est délégué aux municipalités apparaît préjudiciable pour le relogement des ménages prioritaires DALO. Il permet de s'interroger sur la vocation des attributions du contingent préfectoral dans ce département. Il attire son attention sur le caractère urgent d'une solution pérenne pour une mise en œuvre efficace, générale et juste de ce droit fondamental.

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Réponse du Ministère du logement et de l'habitat durable publiée le 11/05/2016

Réponse apportée en séance publique le 10/05/2016

M. Roger Madec. Madame la ministre, la situation du logement en France est une préoccupation majeure pour un grand nombre de nos concitoyens.

Dans un rapport qu'elle a publié en janvier dernier, la Fondation Abbé Pierre précise que plus de 15 millions de personnes sont touchées par le mal-logement. Elle considère même qu'il y a une aggravation de ce phénomène, qui touche avant tout les ménages aux revenus modestes.

Des mesures ont été prises par le Gouvernement pour répondre à cette crise, avec notamment l'ambition de construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, mais on peut regretter que cet objectif n'ait pas été totalement atteint.

La loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite « loi DALO », fait obligation à l'État de trouver un logement décent aux personnes résidant en France qui ne peuvent parvenir elles-mêmes à se loger correctement. On ne peut donc que déplorer, au vu de la faiblesse de l'offre, que des résultats tangibles se fassent toujours attendre.

Pourtant, des solutions existent. Dans le rapport, rendu public en 2015 par le comité de suivi de la loi DALO, il est ainsi constaté qu'une fois réservés les logements sociaux disponibles du contingent préfectoral ne sont pas toujours utilisés pour reloger les ménages prioritaires.

Malgré l'absence de statistiques au niveau national, les observations du comité de suivi font apparaître des disparités importantes selon les départements. Ces différences peuvent s'expliquer par le choix opéré par les représentants de l'État entre les différents modes de gestion du contingent préfectoral : la gestion en direct, une gestion en stock déléguée aux bailleurs sociaux, ou une gestion en flux, elle aussi déléguée aux organismes d'HLM. Pour ce dernier cas, la gestion du contingent préfectoral peut être confiée au maire.

Si l'intérêt de la délégation peut présenter des avantages dans le traitement des demandes à l'échelle d'un territoire, elle peut être utilisée par certains pour limiter la venue de ménages reconnus éligibles au titre du DALO sur leur territoire. On peut ainsi déplorer que la gestion déléguée devienne un obstacle à l'application du droit au logement.

Dans la région Île-de-France, que vous connaissez très bien, madame la ministre, puisque vous y avez exercé avec talent des fonctions en matière de logement, les statistiques de la DRIHL, la Direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement, en sont l'illustration.

Ainsi, les logements relevant du contingent préfectoral sont affectés aux ménages prioritaires à hauteur de 90 % à Paris, de 75 % en Seine-et-Marne, de 76 % en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne, de 42 % dans les Yvelines, de 43 % dans le Val-d'Oise, de 54 % dans l'Essonne. Dans le département des Hauts-de-Seine, ce taux n'est plus que de 23 %.

Le taux de mobilisation, extrêmement faible dans ce dernier département, met en évidence, selon le comité de suivi de la loi DALO, un détournement de la vocation du contingent préfectoral. Le fait que le contingent des Hauts-de-Seine soit délégué aux municipalités apparaît préjudiciable pour le relogement des familles prioritaires DALO. La sous-utilisation du contingent préfectoral dans les départements possédant un faible taux de relogement met en évidence les progrès qui pourraient être réalisés simplement en ayant recours à l'offre existante.

Il apparaît urgent d'engager une mobilisation efficace de ce contingent, qui serait suffisant pour reloger les ménages prioritaires.

Si je ne suis pas partisan d'une remise en cause de la gestion en flux délégué, dont le mode est d'ailleurs appelé à se généraliser, je considère que les contrôles du représentant de l'État sont perfectibles.

Madame la ministre, vous avez présenté au conseil des ministres du 13 avril dernier un projet de loi ambitieux intitulé « Égalité et citoyenneté », dont le volet relatif au logement social aura pour ambitieux d'atténuer la ghettoïsation de certains territoires, en imposant aux bailleurs sociaux des pratiques plus transparentes et équitables, et aux maires récalcitrants le respect de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU ».

Les mesures annoncées vont dans le bon sens. Je souhaite donc attirer votre attention sur ces difficultés dans la mobilisation du contingent préfectoral, afin de rendre le droit au logement opposable, qui est un droit universel, réellement efficace. Ces mesures permettront sans aucun doute d'accroître le volontarisme du Gouvernement dans le cadre de sa politique plus globale en matière de logement et de répondre en partie au million de nos concitoyens en attente d'un logement social.

Enfin, je tiens à vous remercier, madame la ministre, d'être venue en personne pour me répondre. Cette question était destinée à votre prédécesseur, à qui j'avais posé trois questions écrites sur le sujet et qui ne m'avait jamais répondu...

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable. J'ai souhaité venir vous répondre, monsieur le sénateur, car vous aussi êtes très impliqué dans le domaine du logement, et vous posez des questions tout à fait justes sur la mise en œuvre du droit au logement opposable.

Il me semble que nous devons aujourd'hui faire mieux et plus, et vous avez eu raison, à cet égard, de rappeler les chiffres.

Je souhaite revenir, tout d'abord, sur la création du droit au logement opposable en 2007. Il s'agissait d'une évolution majeure pour les personnes mal logées, pour celles qui vivent dans un habitat insalubre, qui n'ont pas de logement, ou qui connaissent des situations de suroccupation. Elles avaient besoin de voir leur situation ainsi que l'urgence de leur relogement reconnues au niveau constitutionnel.

Depuis l'entrée en vigueur de cette loi, de nombreux ménages se sont engagés dans la procédure du droit au logement opposable. Aujourd'hui, à peu près 55 000 ménages sont concernés par la question du relogement lié au DALO, dont 40 000 en Île-de-France, région dans laquelle la pression est très forte en la matière.

Il a fallu du temps pour que cette loi entre dans les mœurs et pour que les préfets portent attention à ce problème.

Aujourd'hui, les choses sont très claires : le Gouvernement a demandé à ces derniers d'utiliser tous les pouvoirs liés au contingent préfectoral dont ils disposent pour reloger les publics concernés par le DALO, mais aussi l'ensemble des ménages prioritaires, et de poursuivre constamment cet effort afin que les choses avancent. En Île-de-France, où le nombre de bénéficiaires reconnus est le plus élevé, 12 000 ménages ont ainsi été relogés - ce qui ne signifie pas que ce soit suffisant.

La loi de 2007 a aussi permis que les préfets, en lien avec les collectivités territoriales, délèguent leur contingent aux communes. Cela explique le chiffre que vous avez cité pour les Hauts-de-Seine. Dans ce département en effet, la délégation a empêché que les publics prioritaires soient relogés comme ils auraient dû l'être.

C'est pour cette raison que j'ai présenté dans le cadre du projet de loi « Égalité et citoyenneté » des dispositions, dont nous débattrons ensemble ici, qui redonnent aux préfets l'entièreté de l'utilisation de leur contingent.

Je tiens à vous préciser quel est mon état d'esprit : l'État doit s'engager totalement dans la mise en œuvre du DALO et assumer les responsabilités qui en découlent. Il doit donc utiliser l'ensemble de son contingent pour loger les bénéficiaires du DALO.

Cela signifie aussi que l'État travaille avec les collectivités. Il doit donc être possible, dans le cadre d'une négociation avec l'ensemble des élus locaux, de réfléchir aux solutions pour reloger toujours mieux, et de façon prioritaire, les publics concernés.

C'est pour cette raison que nous avons signé avec Action Logement, les représentants du 1 % logement, un accord pour l'Île-de-France dans lequel nous lui demandons de reloger sur son contingent 25 % de bénéficiaires du DALO. Il faut en effet savoir qu'un tiers des bénéficiaires franciliens relèvent du 1 % logement.

Je souhaite donc que les préfets se mobilisent davantage, qu'ils reprennent leur contingent, ce qui est l'objet de la disposition précitée du projet de loi que nous vous soumettrons. Par ailleurs, nous poursuivons l'effort sans précédent engagé en matière de construction de logements, de captation de logements dans le parc privé, de sollicitations de mobilisation auprès des élus locaux qui s'engagent en faveur du logement sur l'ensemble du territoire, afin que le DALO demeure un droit intangible, impartial, et surtout qu'il soit mis en œuvre totalement pour les ménages qui connaissent des conditions de logement difficiles.

M. le président. La parole est à M. Roger Madec.

M. Roger Madec. Je serai plus bref que Jean Louis Masson : je n'ai rien à ajouter, si ce n'est que la réponse de Mme la ministre me satisfait entièrement et que les éléments de réponse qu'elle a apportés vont dans le bon sens.

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