Question de M. PAUL Philippe (Finistère - Les Républicains) publiée le 29/10/2015

M. Philippe Paul appelle l'attention de M. le ministre des finances et des comptes publics sur les distorsions fiscales induites par le commerce électronique.
Le rapport de la mission d'expertise sur la fiscalité de l'économie numérique, conduite par M. Pierre Collin, conseiller d'État et M. Nicolas Colin, inspecteur des finances, remis au ministre de l'économie et des finances, au ministre du redressement productif, au ministre délégué chargé du budget et à la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique, constatait que « la fiscalité peine à évoluer au rythme des mutations de l'économie numérique ».
Les auteurs faisaient état d'une « optimisation fiscale par les multinationales du numérique intense, décuplée dans ses effets et concernant une part grandissante du produit intérieur brut (PIB) en se diffusant progressivement à tous les secteurs de l'économie ».
Ils dénonçaient une gravité et une urgence particulière à agir, pour les États de l'Union européenne pour trois raisons : le manque à gagner concernant l'ensemble des pays développés ; la situation opposant les États-Unis, qui concentrent la plupart des sociétés dominantes de l'économie numérique, au reste du monde ; enfin, les montants en jeu, quoique difficiles à mesurer, étant énormes. Le conseil national du numérique estimait, dans un avis du 14 février 2012, que les entreprises Google, Apple, Amazon, et Facebook, payent moins de 1 % de ce dont elles pourraient être redevables en France, au titre de l'impôt sur les sociétés.
Il lui demande, en conséquence, quelles suites il compte réserver à ce rapport.

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Transmise au Ministère de l'économie et des finances


Réponse du Ministère de l'économie et des finances publiée le 22/09/2016

L'importance croissante des technologies numériques conduit des entreprises à développer de nouveaux modèles économiques, qui leur permettent d'agir sur un marché sans avoir besoin d'y être présentes physiquement. Cette situation conduit à des pratiques d'optimisation, porte un fort préjudice aux finances des États et occasionne, de surcroît, des distorsions de concurrence entre entreprises. Forte de ce constat, et faisant de l'objectif de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales une priorité, la France s'est fortement impliquée pour que le plan d'action contre l'optimisation fiscale des entreprises (Base Erosion and Profit Shifting - BEPS) du G20 et de l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) traite des défis spécifiques posés par le développement de l'économie numérique. Dans cette perspective, la task force sur l'économie numérique (TFDE), co-présidée par les États-Unis et la France, s'est attachée à proposer des pistes à même de relever ces derniers. Les travaux de la TFDE ont d'abord conduit à ce que le plan d'action issu du projet BEPS, dont les résultats ont été approuvés par les leaders du G20 au sommet d'Antalya des 15 et 16 novembre 2015, tienne compte de cette dimension. À cet égard, avec plusieurs partenaires européens, la France a défendu une modification de la notion actuelle d'« établissement stable », définie par le modèle de convention fiscale de l'OCDE concernant le revenu et la fortune, afin de tenir compte de la substance économique de l'activité plus que de la structure formelle adoptée par les entreprises pour la réaliser. Dans le même temps, la TFDE a convenu que certaines caractéristiques des modèles économiques reposant sur les technologies numériques sont susceptibles de conduire à des situations d'optimisation inédites qui nécessitent que les règles de territorialité et de répartition des bénéfices imposables entre juridictions fiscales soient rénovées. Elle poursuit maintenant sa réflexion à travers des discussions sur les évolutions des standards internationaux qui pourraient éventuellement être reconnues comme nécessaires dans l'avenir. Dans cette perspective, la France insiste sur le rôle prédominant joué par les internautes via les données qu'ils transmettent dans la création et la localisation de la valeur tel qu'il a été mis en évidence par le rapport de 2013 de la mission d'expertise sur la fiscalité de l'économie numérique. Au vu des modèles d'affaires en cours, la collecte massive et systématique de ces données constitue manifestement une fonction importante qui doit être prise en compte pour aménager les règles de rattachement territorial des bénéfices d'entreprises. Elle pourrait caractériser ce qu'il convient d'appeler une « présence fiscale numérique » de l'entreprise non-résidente, suffisamment significative pour donner à l'État de ces internautes un droit d'imposition. De même, au niveau de l'Union européenne, la France défend la mise en œuvre d'un plan d'action ambitieux permettant, à l'image du projet BEPS, de lutter contre l'optimisation fiscale dans le contexte spécifique du marché intérieur où prévalent les libertés de circulation.

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