Question de M. BERSON Michel (Essonne - SOC-A) publiée le 09/10/2014

M. Michel Berson attire l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'avenir du réacteur nucléaire « Osiris » et le risque de pénurie de radioéléments à usage médical.

Installé à Saclay, le réacteur « Osiris » sert à l'étude des matériaux et combustibles des centrales nucléaires et produit des radio-isotopes utilisés à des fins médicales. À cet égard, le réacteur « Osiris » est l'un des rares réacteurs nucléaires au monde à produire un radionucléide, le technétium 99m, qui est utilisé pour des examens médicaux de scintigraphie nécessaires à la détection de tumeurs cancéreuses, de troubles neurologiques ou de pathologies osseuses, cardiaques, rénales ou pulmonaires.

Mis en service en 1966, le réacteur « Osiris » devait, initialement, être remplacé, en 2009, par le réacteur « Jules Horowitz » sur le site du Commissariat à l'énergie atomique de Cadarache. Des difficultés de construction ont retardé le démarrage de ce nouveau réacteur et ont entraîné des prolongations de fonctionnement du réacteur « Osiris », d'abord jusqu'en 2011, puis jusqu'en 2015, date au-delà de laquelle l'Autorité de sûreté nucléaire n'est pas favorable à une poursuite de fonctionnement de l'installation « Osiris », compte tenu du niveau de sécurité actuel de ce réacteur.

Eu égard à la mise à l'arrêt définitif du réacteur « Osiris » au 31 décembre 2015 et à l'importance capitale de la production de radioéléments pour des examens d'imagerie médicale, il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures retenues pour pallier le risque de pénurie de radioéléments indispensables au diagnostic de certaines pathologies.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 22/10/2014

Réponse apportée en séance publique le 21/10/2014

M. Michel Berson. En vérité, monsieur le président, ma question concerne également le ministère de la santé.

Le réacteur expérimental Osiris, implanté en Essonne, au centre de Saclay du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, le CEA, devrait être arrêté à la fin de l'année 2015.

Ce réacteur est le seul en France, et l'un des huit au monde, à produire des radio-isotopes utilisés en médecine nucléaire, notamment en imagerie médicale, lors d'examens scintigraphiques.

Ces examens, dont le nombre s'élève à plus d'un million par an dans notre pays, permettent de dépister des cancers, ainsi que des affections cardiaques, osseuses, rénales, pulmonaires ou neurologiques.

L'arrêt programmé du réacteur Osiris à la fin de l'année 2015 risque donc d'entraîner une pénurie de radio-isotopes indispensables au diagnostic de ces pathologies. L'Académie de médecine s'est d'ailleurs émue de cette situation inquiétante, considérant qu'il s'agissait là d'une question majeure de santé publique.

Mais pourquoi doit-on fermer le réacteur Osiris ? Pour des raisons parfaitement compréhensibles de sûreté nucléaire d'un réacteur exploité depuis plus de quarante ans !

Dès 2008, l'Autorité de sûreté nucléaire avait signifié que le réacteur devait être fermé, au plus tard, en 2015.

En 2008 et 2010, des travaux de rénovation ont été réalisés et, en 2013, le CEA a demandé le report de la fermeture du réacteur Osiris à 2018, afin d'attendre que le nouveau réacteur, dénommé « Jules Horowitz », en cours de construction au centre de Cadarache, prenne le relais.

Nous le savons aujourd'hui, les retards du chantier de construction, ainsi que la prise en compte des nouvelles normes de sécurité, très contraignantes, dites post-Fukushima, risquent de reporter encore l'ouverture du réacteur Jules Horowitz à l'horizon 2020.

Ma question est donc double. Le Gouvernement peut-il confirmer aujourd'hui à la représentation nationale la fermeture du réacteur Osiris à la fin de l'année 2015 ? Et si cette fermeture intervient effectivement au 31 décembre 2015, comment la demande française de radio-isotopes sera-t-elle satisfaite entre 2016 et 2018, voire 2020 ?

Cette dernière question se pose avec d'autant plus d'acuité que deux des sept autres réacteurs produisant des radio-isotopes dans le monde seront fermés entre 2016 et 2018.

Devant la grande inquiétude exprimée par le monde médical, quelle réponse le Gouvernement peut-il apporter aujourd'hui ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Geneviève Fioraso,secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Michel Berson, le réacteur expérimental Osiris de Saclay, exploité par le CEA, est utilisé majoritairement pour les besoins du parc électronucléaire, mais il contribue également, vous l'avez indiqué, à la production mondiale de radioéléments à usage pharmaceutique ou de diagnostic, tel que le technétium-99 métastable, ou Tc-99m.

À la suite d'un travail interministériel approfondi, le 9 décembre 2013, le comité de l'énergie atomique, où je représentais le Gouvernement, a décidé d'un arrêt programmé à la fin de l'année 2015, après avoir pris acte de l'analyse de la situation mondiale prévisible au cours des prochaines années en matière de production de radionucléides à usage pharmaceutique et des moyens de substitutions pressentis par le ministère de la santé.

Compte tenu de l'importance du sujet et des enjeux que vous avez très bien décrits, et à ma demande, la décision du comité a été prise sous deux réserves, qui ont été clairement exprimées au directeur général de la santé, alors présent.

Premièrement, ainsi que vous l'avez rappelé, dans son avis du mois de février 2014, l'Académie de médecine souligne la nécessité d'une continuité d'approvisionnement en technétium-99 métastable pour répondre à des indications médicales en nombre limité, six précisément, pour lesquelles ce radionucléide est jugé indispensable.

Deuxièmement, la mission de l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, et de l'Inspection de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, l'IGAENR, confiée à MM. Déroche et Lavigne, a rappelé qu'Osiris devait être considéré à sa juste place dans la filière d'approvisionnement.

La production de technétium doit être examinée dans une perspective mondiale. Neuf réacteurs sont actuellement en activité au niveau mondial et Osiris représente 8 % de la capacité annuelle de production de ces réacteurs.

À court terme, il est prévu d'ici à 2016 d'arrêter deux de ces neuf réacteurs, mais de faire monter en puissance deux autres réacteurs et, entre 2017 et 2020, d'en mettre six nouveaux en service, dont le réacteur Jules Horowitz.

En outre, il est possible d'augmenter temporairement la capacité de production standard d'un ou plusieurs réacteurs ; ainsi, le doublement de production d'un réacteur comme le réacteur belge BR2 peut, en cas de besoin, permettre d'atteindre 40 % à 65 % de la production mondiale nécessaire chaque semaine.

À moyen terme, d'ici à 2020, ce sont douze réacteurs qui devraient être mis en service dans le monde.

La conclusion a donc été que le maintien en activité du réacteur Osiris n'était pas déterminant pour éviter un éventuel risque de pénurie de radiopharmaceutiques pendant la période critique 2016-2018.

La mission qui avait été demandée par le comité de l'énergie atomique a par ailleurs formulé des recommandations pour les différentes indications substituables, soit 90 % des indications actuelles du technétium-99 métastable, afin de consolider les pratiques ne faisant pas appel au technétium ou en réduisant l'usage.

Ces pratiques, qui permettent un rendu médical équivalent, existent déjà. Elles ne sont pas encore généralisées, pour des raisons réglementaires ou de mode de gestion des équipements. La mise en place d'un comité de pilotage national pour traiter de la question avec l'ensemble des parties prenantes, et notamment les médecins prescripteurs, permettra de développer ces pratiques, à l'instar de ce qui a été fait concernant la radiothérapie.

Dans l'hypothèse d'un maintien de l'activité du réacteur Osiris, le risque de sécurité nucléaire inhérent à la non-conformité de l'installation se serait d'ailleurs substitué au risque sanitaire supposé. L'investissement destiné à favoriser l'évolution des pratiques professionnelles, et donc la réorganisation de l'offre de l'imagerie pour les indications substituables, apparaît bien plus efficace que celui qui aurait été nécessaire pour le maintien en conformité d'Osiris.

M. le président. La parole est à M. Michel Berson.

M. Michel Berson. Je remercie Mme la secrétaire d'État de nous avoir apporté des réponses très précises et circonstanciées sur le risque, qui est devant nous, d'être victimes d'une pénurie de production de radioéléments indispensables à un certain nombre d'examens médicaux.

Madame la secrétaire d'État, votre réponse me rassure : vous avez évoqué des moyens de substitution, des conditions précises... Le panel d'autres solutions devrait permettre de tenir jusqu'en 2018, voire 2020.

Cependant, le remplacement de l'utilisation du technétium-99 métastable par d'autres moyens ou technologies n'est pas possible pour 30 % des examens très pointus qui sont réalisés aujourd'hui. Certes, on peut recourir à des examens en tomographie par émission de positons, le fameux TEP, mais de tels examens ont un coût extrêmement élevé et leur nombre est nécessairement fort limité, car le parc français de TEP est, vous le savez, aujourd'hui très insuffisant.

Enfin, j'ai bien compris que, si le risque sanitaire se révélait avéré en raison d'une réelle pénurie de production de radio-isotopes Tc-99 m, l'Autorité de sûreté nucléaire ainsi que le comité de l'énergie atomique, au sein duquel vous siégez, prendraient les mesures appropriées.

Malgré votre réponse précise, tout n'est donc pas réglé et le problème demeure. Nous serons bientôt en 2015 ; or il nous faudra tenir jusqu'en 2020. Nous devrons par conséquent nous montrer très vigilants afin d'éviter tout risque sanitaire. Nous ne saurions choisir entre le risque sanitaire et le risque nucléaire !

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