Question de Mme DEBRÉ Isabelle (Hauts-de-Seine - UMP) publiée le 17/01/2014

Question posée en séance publique le 16/01/2014

Concerne le thème : Devenir des élections prud'homales

Mme Isabelle Debré. Monsieur le ministre, vous avez récemment annoncé aux partenaires sociaux votre intention de supprimer les élections prud'homales.

L'ancienne majorité avait elle-même décidé d'engager une réflexion sur un mode de désignation des conseillers prud'hommes plus pertinent et à la fois moins complexe à organiser, moins coûteux et susceptible de mobiliser les salariés comme les employeurs.

Ma question portera sur le contenu et la mise en place de la réforme que vous avez retenue.

Alors qu'un rapport remis au gouvernement précédent préconisait l'élection au suffrage universel indirect des conseillers prud'hommes par un collège composé de délégués du personnel et des employeurs, vous semblez faire le choix d'une désignation par les organisations de salariés et d'employeurs en tenant compte de leur représentativité mesurée.

Or cette solution présente un risque élevé d'inconstitutionnalité en raison de l'impossibilité pour les candidats non syndiqués de constituer une liste, créant de fait un monopole de présentation syndicale.

Par ailleurs, le Conseil supérieur de la prud'homie doit rendre ses conclusions sur la suppression des élections prud'homales, alors même que vous allez nous demander de nous prononcer sur cette suppression dans le cadre du projet de loi sur la formation professionnelle, dont vous souhaitez l'adoption en urgence avant les élections municipales. Le Gouvernement préciserait ensuite le nouveau dispositif par voie d'ordonnance.

Nous confirmez-vous vos annonces, ainsi que la procédure et le calendrier retenu, qui impliqueraient que nous nous prononcions sur le principe de suppression des élections sans pouvoir étudier le dispositif à venir ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

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Réponse du Ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social publiée le 17/01/2014

Réponse apportée en séance publique le 16/01/2014

M. Michel Sapin, ministre. Madame la sénatrice, vos propos attestent de votre grande expertise de la question des élections prud'homales. Je suis moi-même ce dossier avec attention. Vous avez rappelé quelles étaient les orientations suivies par le Gouvernement, et nous aurons l'occasion d'en débattre de nouveau dans cet hémicycle.

Je ne reviens pas sur ma volonté de renforcer la légitimité des conseils de prud'hommes, laquelle, c'est ma crainte, pourrait être altérée par l'affaiblissement de la participation aux élections prud'homales.

Monsieur Hue, j'ai non seulement écouté l'ensemble des organisations syndicales, mais je les ai également toutes consultées. La proposition que je fais aujourd'hui tient compte des opinions qui ont été exprimées par une majorité d'entre elles. Certes, l'une de ces organisations est opposée à cette réforme - ce n'est pas la moindre d'entre elles, puisqu'il s'agit de la CGT -, mais je vous invite aussi à prendre connaissance des avis qu'ont exprimés les autres. Si vous souhaitez que j'entre davantage dans le détail, monsieur le sénateur, je le ferai bien volontiers.

Quel est le meilleur mode de désignation ? D'autres voies ont été proposées - vous en avez d'ailleurs cité une, madame la sénatrice -, qui peuvent être versées au débat. Cela étant, les organisations syndicales ne souhaitent pas un mécanisme de désignation à deux étages ; elles préfèrent un mécanisme plus simple, qui renforce de surcroît leur légitimité.

Vous prétendez que ce mode de désignation pourrait être anticonstitutionnel. Nous aborderons ce sujet au cours du débat. En tout cas, ce n'est pas ce que nous dit le Conseil d'État, qui est actuellement consulté sur le sujet, et ce n'est pas ce qu'a posé le Conseil constitutionnel lui-même, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, au sujet d'une autre juridiction dont les membres étaient naguère élus, mais, aujourd'hui, ne le sont plus. Le Conseil constitutionnel a très clairement répondu que ce mode de désignation était conforme à la Constitution. À tout le moins, le débat juridique vaut d'être mené et nous le mènerons.

Le plus important, c'est de définir les modalités de désignation des conseillers prud'homaux par les organisations syndicales en fonction de leur représentativité sur le territoire concerné. Pourquoi procéder par ordonnance ? Non parce que nous avons quoi que ce soit à vous cacher, mais parce que la multitude d'articles extrêmement techniques nécessaires à la mise en œuvre de cette réforme ne vous aurait sans doute pas véritablement passionnée.

En définitive, le principe - il peut être contesté -, c'est la désignation par les organisations syndicales ; la modalité, c'est la représentativité sur le ressort du tribunal concerné.

Telles sont les grandes lignes de la réforme dont nous aurons à débattre ici même, madame la sénatrice.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour la réplique.

Mme Isabelle Debré. Notre groupe s'oppose à ce que cette réforme soit menée au moyen d'un projet de loi qui, d'une part, est examiné selon la procédure accélérée, et, d'autre part, habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance, dessaisissant ainsi totalement le Parlement.

Je persiste et je signe, monsieur le ministre : pour moi, comme pour d'autres d'ailleurs, le fait que seuls les salariés pourraient constituer une liste contreviendrait, je le crains, au principe constitutionnel d'égal accès aux emplois publics.

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