Question de M. PLACÉ Jean-Vincent (Essonne - ECOLO) publiée le 21/02/2013

M. Jean-Vincent Placé attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le retard de la France en matière de lutte contre la corruption.

La France accuse un retard majeur en matière de lutte contre la corruption indigne d'une démocratie comme la nôtre. En effet, au rang des pays perçus comme les moins corrompus, la France est classée 9e en Europe et 22e dans le monde selon le rapport de 2012 effectué par Transparency International, derrière les pays scandinaves, les Pays-Bas, l'Allemagne, la Belgique et le Royaume-Uni.
Cette défiance des citoyens à l'égard de nos institutions a été confirmée par le dernier rapport d'octobre 2012 du groupe de travail de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur la corruption, dénonçant le faible nombre de condamnations prononcées (seulement cinq en douze ans), le laxisme à l'égard des entreprises françaises soupçonnées d'affaires à l'étranger et le caractère peu dissuasif des sanctions. Conflits d'intérêts, opacité des activités de lobbying, manque d'indépendance du parquet, cumul des mandats sont autant d'obstacles à la lutte contre la corruption que le Gouvernement doit combattre.
La corruption, bien que difficilement quantifiable puisque par définition permise par l'opacité, reste une charge pesant sur les finances publiques, intolérable eu égard au contexte de rigueur budgétaire dans lequel nous évoluons actuellement.
Il lui demande qu'elles sont les mesures envisagées pour organiser efficacement la lutte contre la corruption en France.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 12/03/2015

L'engagement du gouvernement dans la lutte contre la corruption, et plus particulièrement contre la corruption transnationale, est total. La France est ainsi présente au sein des différentes instances qui traitent de ces questions (OCDE, G20, ONUDC, GRECO) et est particulièrement active pour défendre la mise en place de mécanismes permettant d'accroître la transparence et la coopération internationale. S'agissant plus particulièrement de la mise en œuvre de la convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, le gouvernement français a tiré profit de nombre des recommandations qui avaient été adressées à la France dans le rapport du groupe de suivi de la convention en 2012. En témoignent la progression très nette du nombre de procédures judiciaires initiées depuis 2012 et les réformes d'ampleur qui sont intervenues en 2013, qui traduisent les efforts menés par le ministère de la justice ces dernières années pour développer une politique pénale déterminée en la matière. Aux termes des lois du 6 décembre 2013, l'autorité judiciaire s'est en effet dotée d'un procureur national spécialisé en matière économique et financière disposant plus particulièrement d'une compétence propre en matière de corruption d'agent public étranger. Le traitement de ce contentieux de très haute technicité est ainsi confié à un interlocuteur aisément identifiable et doté d'une compétence spécialisée, gage d'une meilleure efficacité des poursuites ainsi diligentées de manière homogène sur l'ensemble du territoire. Ce nouveau procureur, interlocuteur privilégié des services d'enquête nationaux et des autorités judiciaires étrangères, doit par ailleurs permettre de conférer un cadre d'échange stable et pérenne à l'entraide pénale internationale, favorisant ainsi davantage d'efficacité et de célérité dans les échanges d'informations nécessaires à la lutte contre la corruption transnationale. Pour assurer son fonctionnement, des moyens spécifiques lui ont été alloués. Situé à Paris, le parquet national financier dispose de locaux qui lui sont propres et d'une équipe de 10 magistrats du parquet. À terme, il est prévu que ce nombre soit progressivement porté à 22. 13 juges d'instruction parisiens ont par ailleurs d'ores et déjà reçu une habilitation pour connaitre de dossiers suivis par ce nouveau parquet. Le nouveau président du tribunal de grande instance de Paris vient par ailleurs d'annoncer qu'une nouvelle chambre correctionnelle dédiée au traitement des affaires du Parquet financier serait créée en 2015. Enfin, le procureur de la République financier peut s'appuyer sur un nouveau service d'enquête spécialisé là aussi doté de moyens renforcés : l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales. Au-delà, la France a considérablement fait évoluer son dispositif depuis 2012 dans la droite ligne de la plupart des recommandations adressées par le groupe de suivi. En premier lieu, concernant les conditions de déclenchement des enquêtes, la France a abrogé les dispositions du code de procédure pénale qui posaient le principe du monopole des poursuites réservé au parquet en matière de corruption d'agent public étranger. Il est donc désormais possible à toute personne s'estimant victime de tels faits de saisir un juge d'instruction d'une plainte avec constitution de partie civile. En outre, afin de favoriser l'implication de la société civile dans la détection de ce type d'agissements, la loi du 6 décembre 2013 a consacré la possibilité pour les associations de lutte contre la corruption agréées de se constituer partie civile quand bien même elles ne seraient pas directement victimes des faits de corruption. En second lieu, concernant le déroulement des enquêtes, la loi du 25 juillet 2013 consacre le principe de la prohibition de toute intervention du pouvoir exécutif dans le déroulement des procédures judiciaires. Sont ainsi désormais formellement interdites toutes formes d'instructions individuelles adressées par le Garde des sceaux aux parquets concernant le déroulement d'une enquête, y compris concernant celles diligentées aux fins d'exécuter une demande d'entraide internationale émanant d'une autorité judiciaire étrangère. Concernant la coopération judiciaire justement, la loi du 6 décembre 2013 est venue modifier le cadre juridique existant afin d'amplifier la pratique des saisies du produit des infractions au stade de l'enquête. Ont ainsi été adoptées des dispositions destinées à faciliter la communication d'informations entre les bureaux de recouvrement des avoirs français - PIAC et AGRASC - et les bureaux de recouvrement étrangers. Au stade du prononcé de la sanction, la loi du 6 décembre 2013 a considérablement augmenté le quantum des peines d'amende pouvant être prononcées par les tribunaux. L'amende encourue a ainsi été portée de 150.000 € à 1 million € pour les personnes physiques et de 750.000 € à 5 millions € pour les personnes morales. La réforme de 2013 prévoit par ailleurs que le juge aura désormais la possibilité de porter le montant de l'amende encourue au double du produit tiré de l'infraction pour les personnes physiques et au décuple du produit tiré de l'infraction pour les personnes morales. Ces lois s'inscrivent dans un mouvement législatif plus global de moralisation de la vie publique avec les lois du 11 octobre 2013 grâce auxquelles les responsables publics sont tenus de déclarer leur patrimoine et leurs intérêts à la « Haute Autorité pour la transparence de la vie publique » qui est chargée de les contrôler.

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