Question de Mme ROSSIGNOL Laurence (Oise - SOC) publiée le 22/11/2012

Mme Laurence Rossignol attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les perspectives de développement du prêt hypothécaire viager.

Instauré en France en 2006 dans le cadre de la réforme des sûretés, le prêt hypothécaire viager est une forme de crédit qui s'inspire du droit anglo-saxon et permet à des personnes âgées, propriétaires de leur logement, de convertir leur capital immobilier en liquidités. L'objectif visé est de faciliter l'accès aux crédits des personnes âgées dont les ressources ou l'état de santé ne permet plus ou pas l'accès à l'emprunt. Ces personnes reçoivent un prêt, sous la forme d'un capital ou d'une rente immédiatement disponible, dont le montant est estimé par l'organisme bancaire et limité à une partie de la valeur du bien. Le remboursement du capital et des intérêts est différé et payable au terme, c'est-à-dire soit au décès de l'emprunteur, soit lors de la vente du bien.

Le prêt hypothécaire viager n'a pas connu d'essor en France. Entre 2007 et 2010, moins de 5 000 prêts de ce type ont été souscrits. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce manque d'engouement : seuls quelques établissements de crédits spécialisés comme le Crédit Foncier ou le Crédit Immobilier de France proposent ce mode de financement ; les banques traditionnelles n'ont pas investi ce marché considérant ce produit risqué. Arguant de la durée aléatoire du prêt et du plafonnement de la dette à la valeur du logement, ils jugent le risque mal maîtrisé. On peut s'étonner de la frilosité des banques pour ce type de financement puisqu'il repose sur une garantie hypothécaire et par la mise à disposition d'un capital ne représentant qu'une partie de la valeur du bien hypothéqué. Pour les emprunteurs, à défaut de concurrence entre les banques, le coût effectif global du crédit reste très élevé.

Pourtant, ce dispositif présente bien des avantages : les personnes âgées qui ont besoin de liquidités peuvent bénéficier d'un emprunt dont ils ne remboursent aucune échéance. Ce système octroie une source de financement pour réaliser des projets qui n'auraient pas été envisageables : financer des dépenses médicales, le maintien à domicile, l'entretien ou la réhabilitation du logement, réaliser des donations sans perdre la jouissance du bien.

Beaucoup de personnes âgées pourraient avoir accès à ce type de crédit qui relancerait leur consommation : l'incidence macroéconomique n'apparaît pas négligeable : 40 % de la population est propriétaire de sa résidence principale sans avoir à rembourser d'emprunt à ce titre (propriétaires non accédants), 65 % de ces propriétaires ont plus de 65 ans. Ce sont donc plus de 6 millions de propriétaires de leur résidence principale qui sont concernés par le prêt hypothécaire viager.

Autre point, selon le dernier rapport de l'Observatoire des crédits aux ménages, publié en janvier 2012, lorsqu'en 2008, les ménages avaient pleinement intégré les conséquences que la crise financière et économique allait faire peser sur eux, ils ont nettement revu à la baisse leurs projets et par voie de conséquence le recours aux crédits. Comme le révèlent les résultats de l'étude, jamais depuis sa création, l'Observatoire n'avait eu à connaître une aussi grande prudence de la part des ménages concernant la souscription de crédits.

Compte tenu de ces éléments, elle souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur le dispositif financier du prêt hypothécaire viager et savoir si des mesures pourraient être engagées pour développer le recours à ce mode de financement.

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Réponse du Ministère des droits des femmes publiée le 30/01/2013

Réponse apportée en séance publique le 29/01/2013

Mme Laurence Rossignol. Instauré en France en 2006 dans le cadre de la réforme des sûretés, le prêt hypothécaire viager est une forme de crédit qui s'inspire du droit anglo-saxon et permet à des personnes âgées, propriétaires de leur logement, de convertir leur capital immobilier en liquidités. L'objectif visé est de faciliter l'accès au crédit de personnes dont les ressources, l'état de santé ou l'âge ne permet plus l'accès à l'emprunt. Ces personnes reçoivent un prêt, sous la forme d'un capital ou d'une rente immédiatement disponible, dont le montant est estimé par l'organisme bancaire et limité à une partie de la valeur du bien. Le remboursement du capital et des intérêts est différé et payable au terme, c'est-à-dire soit au décès de l'emprunteur, soit lors de la vente du bien.

Le prêt hypothécaire viager n'a pas connu d'essor en France : entre 2007 et 2010, moins de 5 000 prêts de ce type ont été souscrits. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce manque d'engouement : seuls quelques établissements de crédit spécialisés, comme le Crédit foncier ou le Crédit immobilier de France, proposent ce mode de financement ; les banques traditionnelles n'ont pas investi ce marché, considérant ce produit risqué. Arguant de la durée aléatoire du prêt et du plafonnement de la dette à la valeur du logement, les banques jugent le risque mal maîtrisé. On peut s'étonner de leur frilosité devant ce type de financement puisqu'il repose sur une garantie hypothécaire et la mise à disposition d'un capital ne représentant qu'une partie de la valeur du bien hypothéqué. Pour les emprunteurs, faute de concurrence entre les banques, le coût effectif global du crédit reste très élevé.

Pourtant, ce dispositif présente bien des avantages. Ainsi, les personnes âgées qui ont besoin de liquidités peuvent bénéficier d'un emprunt dont elles ne remboursent aucune échéance. En outre, ce système octroie une source de financement pour réaliser des projets qui n'auraient pas été envisageables autrement : financer des dépenses médicales, le maintien à domicile, l'entretien ou la réhabilitation du logement, ou procéder à des donations sans perdre la jouissance du bien.

Beaucoup de personnes âgées pourraient être intéressées par ce type de crédit, qui leur permettrait de relancer leur consommation : l'incidence macroéconomique n'apparaît donc pas négligeable.

Par ailleurs, selon le dernier rapport de l'Observatoire des crédits aux ménages, publié en janvier 2012, lorsque, en 2008, les ménages ont eu pleinement intégré les conséquences pour eux de la crise financière et économique, ils ont nettement revu à la baisse leurs projets et, par voie de conséquence, le recours au crédit. Comme le révèlent les résultats de l'étude, jamais, depuis sa création, l'Observatoire des crédits aux ménages n'avait eu à connaître d'une aussi grande prudence de la part des ménages concernant la souscription de crédits.

Compte tenu de ces éléments, je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur le dispositif financier du prêt hypothécaire viager et savoir si des mesures pourraient être envisagées pour développer le recours à ce mode de crédit.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, sachez que le Gouvernement suit avec attention la diffusion du prêt viager hypothécaire, qui vise, comme vous l'avez souligné, à permettre à des propriétaires de tirer des ressources de leur bien immobilier tout en y demeurant. Ce dispositif a été créé en garantissant une protection assez large de l'emprunteur. L'ordonnance du 23 mars 2006 relative à la sûreté, qui a notamment permis de réformer l'hypothèque, permet aux particuliers de bénéficier d'une flexibilité accrue dans le recours au crédit immobilier.

L'offre commerciale des établissements de crédit à destination des personnes âgées en matière de crédit à la consommation progresse. Les statistiques de l'Observatoire des crédits aux ménages montrent que les ménages séniors constituent une part croissante du nombre total de ménages ayant accès au crédit à la consommation : les 55-64 ans représentaient ainsi près de 16 % des ménages disposant d'un crédit à la consommation en 2009, contre quelque 13 % en 1989. Cette évolution d'ensemble est en partie liée à l'amélioration du niveau de vie des séniors, qui exerce un effet positif sur leur accès au crédit, et à l'allongement de leur espérance de vie, qui réduit le risque présenté jusqu'alors, du point de vue des établissements de crédit, par l'octroi d'un prêt à un « jeune sénior ».

Ce produit connaît cependant un succès relativement limité auprès des consommateurs séniors : dans la période comprise entre juin 2007 et fin janvier 2010, 4 329 prêts de ce type, pour un montant total de 352 millions d'euros, ont été accordés. Cela tient à plusieurs facteurs.

En premier lieu, en dépit de la garantie apportée par l'hypothèque, le coût du risque supporté par le prêteur demeure assez élevé. En effet, contrairement à ce qui se passe pour un prêt classique, la dette est remboursée in fine, le remboursement comprenant le capital et les intérêts capitalisés. Dès lors, l'établissement de crédit porte un double risque : le risque de longévité de l'emprunteur, qui peut conduire à un accroissement de la dette au-delà de la valeur du bien hypothéqué du fait de la capitalisation des intérêts ; le risque d'évolution à la baisse du marché immobilier, se traduisant par une baisse de la valeur du bien en dessous du montant de la dette anticipée. Ce second risque a vraisemblablement pesé sur le développement de ce produit, dont le lancement est intervenu peu de temps avant une période marquée par une incertitude forte sur la valeur des biens immobiliers, voire par des baisses importantes de cette valeur dans certaines régions. Au total, les établissements de crédit qui ont cherché à développer ce type d'offre rapportent que les conditions de viabilité économique des prêts viagers hypothécaires correspondent à des niveaux de taux effectif global élevés, qui dissuadent une partie de la clientèle potentielle.

En second lieu, le démarchage est interdit en matière de prêts viagers hypothécaires, dans un souci de protection du consommateur. Cela constitue un obstacle pratique au développement de ce type de produit, puisque la population concernée est a priori moins mobile que la population générale et que, s'agissant d'un produit récent, des efforts commerciaux spécifiques auraient été nécessaires pour le faire connaître lors de son lancement.

En conclusion, le prêt viager hypothécaire est un produit dont les limites sont intrinsèquement liées à son mode de fonctionnement, destiné à protéger le propriétaire du bien. Il est difficile d'envisager une diminution des taux effectifs globaux pratiqués, qui pourrait d'ailleurs se traduire par des phénomènes de sélection des risques excluant davantage de séniors de l'accès au prêt viager hypothécaire.

Nous continuons à suivre ce dossier de près, l'objectif étant de maintenir la protection de l'emprunteur tout en favorisant le développement du dispositif.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Je vous remercie de cette réponse, madame la ministre. Je note que M. le ministre de l'économie et des finances me rejoint sur le constat du faible recours au prêt viager hypothécaire.

J'apporterai toutefois une nuance : si ce dispositif suscite peu d'enthousiasme, c'est davantage auprès des banques, qui jugent ce produit trop risqué, que des consommateurs. J'observerai simplement que les mêmes banques sont beaucoup plus enclines à prendre des risques dans des activités spéculatives...

M. Roland Courteau. C'est bien vrai !

Mme Laurence Rossignol. Je me félicite que M. le ministre de l'économie et des finances suive attentivement le dossier. Je note néanmoins qu'il n'a pas, pour l'instant, mis en œuvre les dispositions qui permettraient de favoriser le développement du prêt viager hypothécaire. Peut-être pourrait-il envisager de bousculer un peu les banques, en les appelant à montrer davantage d'audace en la matière, ce qui contribuerait par ailleurs à la réussite de la politique économique de redressement et de relance de la consommation que mène le Gouvernement.

M. Roland Courteau. Très bien !

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