Question de M. JEANNEROT Claude (Doubs - SOC) publiée le 15/02/2012

Question posée en séance publique le 14/02/2012

Concerne le thème : Indemnisation des victimes de maladies et d'accidents professionnels

M. Claude Jeannerot. Monsieur le ministre, vous le savez, à la suite d'un accident survenu à l'occasion du travail, les conditions d'indemnisation ne sont ni équitables ni toujours parfaitement lisibles. J'observe d'ailleurs que le droit à une indemnisation intégrale n'a jamais été érigé en norme de rang constitutionnel.

Les lois mettant en place des régimes spéciaux ou des systèmes d'indemnisation spécifiques des situations dommageables se sont multipliées, rendant parfois ardue pour les victimes la détermination des règles qui leur sont applicables, à plus forte raison lorsque leur situation spécifique les place au confluent de deux régimes d'indemnisation.

Ainsi, lorsqu'un accident de la route est également un accident du travail, rien n'est prévu pour résoudre le conflit entre les deux régimes d'indemnisation. Les victimes risquent alors d'être moins bien indemnisées.

Il résulte de cette incertitude des inégalités flagrantes entre les différents régimes d'indemnisation. Cette situation a conduit le Conseil constitutionnel – ma collègue Aline Archimbaud en a parlé – à combler les carences existantes, permettant ainsi d'assurer une meilleure cohérence en matière d'indemnisation des victimes. Je fais allusion à la décision du 18 juin 2010, que vous avez vous-même évoquée, monsieur le ministre, dans laquelle le Conseil a donné une interprétation favorable aux victimes.

Ainsi, sur le fondement de cette jurisprudence, les victimes d'un accident professionnel résultant d'une faute inexcusable de l'employeur peuvent espérer prétendre à la réparation intégrale de leur préjudice.

Ma question est simple, monsieur le ministre : ne conviendrait-il pas de clarifier les régimes applicables aux victimes d'accidents du travail afin de leur assurer une indemnisation plus équitable et plus lisible ?

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Réponse du Ministère du travail, de l'emploi et de la santé publiée le 15/02/2012

Réponse apportée en séance publique le 14/02/2012

M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le sénateur, notre système peut-il, doit-il évoluer ? La réponse est oui. Faut-il pour autant le rejeter en bloc ? Je n'en suis pas certain.

Vous évoquez le cas des accidents de la circulation survenant sur les trajets entre le domicile et le lieu de travail. Ces accidents sont-ils considérés comme des accidents du travail ? Oui.

Monsieur le sénateur, il faut éviter toute confusion. Évoquez-vous le régime d'indemnisation des accidents de la circulation, et donc le régime mis en place par la loi Badinter de 1985, lequel est dérogatoire et extrêmement protecteur - c'est l'ancien assureur et professeur de droit qui s'exprime -, notamment pour les victimes d'accidents de la route ? Ou faites-vous allusion à la confrontation entre le régime applicable aux accidents de la circulation et le régime applicable aux accidents du travail ? (M. Claude Jeannerot opine.)

Je tiens à préciser, pour qu'il n'y ait pas d'erreur, qu'un accident de la circulation survenant sur le trajet entre le domicile et le lieu de travail est bel et bien considéré comme un accident du travail. Il n'y a pas de zone d'ombre qui conduirait à priver qui que ce soit d'une indemnisation.

Cependant, il est vrai que le système est perfectible. L'objet de la mission confiée à Mme Rolande Ruellan est d'ailleurs de faire évoluer les choses en la matière.

Je précise également que, en France, dès qu'il y a incapacité permanente, il y a indemnisation, même lorsque cette incapacité n'entrave pas la poursuite de l'activité professionnelle. Tel n'est pas le cas dans tous les pays d'Europe. En Allemagne et en Autriche, une incapacité inférieure à 20 % ne donne lieu à aucune indemnisation. C'est également le cas en Finlande dès lors que l'incapacité n'atteint pas 5 %.

Si j'apporte ces précisions, c'est parce qu'il ne faudrait pas donner l'impression que le système français n'est pas bon. De nombreux autres systèmes sont moins favorables que le nôtre, comme l'a montré l'étude réalisée par EUROGIP.

Voilà pourquoi je pense que nous ne devons pas tout rejeter. En revanche, si on peut faire évoluer les choses, cela a du sens de le faire.

Notre système garantit quelque chose d'inestimable aux victimes : l'imputabilité de leur accident au travail. La charge de la preuve n'incombe pas à la victime, qui n'a pas à aller s'expliquer devant le juge. L'indemnisation revêt un caractère certes forfaitaire, mais surtout automatique. Si on va vers la réparation intégrale, tout cela volerait en éclats. Je ne suis pas sûr que les salariés s'y retrouveraient.

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour la réplique.

M. Claude Jeannerot. Vous l'aviez compris, monsieur le ministre, je ne rejette pas l'intégralité du droit s'appliquant aujourd'hui. En revanche, il me paraît nécessaire de revendiquer plus de justice. Je ne partage pas votre interprétation sur les deux risques, les accidents du travail et les accidents de la circulation.

Si j'en juge par un arrêt de la Cour de cassation en date du 27 juin 1991, ce n'est pas toujours le régime le plus favorable qui s'applique. Or, dès lors que nous sommes dans une situation de ce type, il serait légitime que la victime d'un accident du travail bénéficie du dispositif le plus équitable et le plus favorable, y compris lorsque l'accident survient sur le trajet entre le domicile et le lieu de travail. À cet égard, il s'avère que le classement en accident de la circulation est plus avantageux.

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