Question de Mme BRICQ Nicole (Seine-et-Marne - SOC) publiée le 13/05/2011

Question posée en séance publique le 12/05/2011

Mme Nicole Bricq. La confrontation avec l'actualité est rude pour le Gouvernement.

Tandis qu'il s'attaque aux plus faibles – on pense aux velléités de certains de ses membres de s'en prendre au RSA -, il garde une certaine complaisance vis-à-vis des rémunérations des hauts dirigeants des établissements bancaires et financiers.

Nous avions pourtant, ici même, en octobre 2008, établi un diagnostic commun : ce sont bien les rémunérations exorbitantes dans le domaine de la finance et de la banque qui, en raison des prises de risques inconsidérées qu'elles ont entraînées, ont causé dans la partie développée de la planète une crise dont nous ne sommes pas encore sortis.

Lorsqu'en octobre 2008 le Gouvernement a demandé aux parlementaires d'apporter par leur vote le soutien de la Nation aux mesures de prêts et de garanties de l'État accordées aux banques et aux établissements financiers, nous avons répondu présents.

Toutefois, une partie de l'hémicycle, dont le groupe socialiste, avait alors exigé des contreparties en matière de rémunérations.

Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie…

M. Didier Boulaud. Elle n'est pas là ; elle est tapie… (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. … a pris un arrêté visant à transposer une directive européenne, lequel traduit une certaine complaisance vis-à-vis des établissements financiers et bancaires.

Nous sommes en effet passés d'une directive européenne où la volonté du législateur était très claire – les rémunérations devaient être « équilibrées » entre la partie variable et la partie fixe – à un rapport « approprié » entre les composantes fixe et variable de la rémunération totale ». Peut-être est-ce un problème de traduction…

Mais est-ce vraiment « approprié » que le président-directeur général du groupe BPCE perçoive 1,6 million d'euros pour l'année 2010, et que la part variable de sa rémunération soit de 66 %, ou que celui de la Société Générale touche 4,3 millions d'euros, dont une part variable de 77 % ? Et je me contenterai de ces deux exemples, qui concernent deux anciens collaborateurs du Président de la République.

M. Pierre-Yves Collombat. Des sommes modestes !

Mme Nicole Bricq. Si l'on en croit la presse, le Président de la République se serait ému de cette situation. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. René-Pierre Signé. Il a du cœur !

Mme Nicole Bricq. Il aurait demandé à son gouvernement d'agir…

M. le président. Veuillez conclure, madame Bricq.

Mme Nicole Bricq. Il avait déjà déclaré, en février 2008, que l'autorégulation et les rémunérations excessives appartenaient au passé. En réalité, les affaires reprennent !

Monsieur le ministre du budget, vous avez présenté hier à la commission des finances du Sénat un projet de loi de finances rectificative. Vous avez un véhicule législatif sous la main. Pourquoi attendre ? Vous pouvez agir, soit par plafonnement, soit par taxation dissuasive de ces rémunérations, comme les socialistes vous l'ont régulièrement proposé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

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Réponse du Ministère du budget, des comptes publics , de la fonction publique et de la réforme de l'État publiée le 13/05/2011

Réponse apportée en séance publique le 12/05/2011

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Madame Bricq, le Président de la République est à l'origine de l'ensemble des conditions de réglementation internationale visant à tirer les leçons de la grande crise mondiale que nous avons connue. Cette crise s'explique en partie par les excès et la cupidité de traders qui ont joué avec l'argent des autres.

Mme Nicole Bricq. Je n'ai pas parlé des traders !

M. Pierre-Yves Collombat. Les traders, ce ne sont pas les PDG !

M. François Baroin, ministre. Ne vous en déplaise, madame Bricq, c'est à Pittsburgh que le Président de la République a souhaité que le G20 adopte un dispositif de régulation des bonus et d'équilibre entre les rémunérations fixes et variables.

M. Pierre-Yves Collombat. Un souhait ne suffit pas !

M. Yannick Bodin. Ce n'est pas une question de souhait ; il faut des actes ! Le G20 ne sert à rien !

M. François Baroin, ministre. C'est ensuite sous l'impulsion du Président de la République, et grâce à l'énergie déployée par la ministre de l'économie Christine Lagarde, que la Commission européenne a adopté un dispositif de régulation destiné à encadrer ces rémunérations.

Le porte-parole du commissaire Barnier a donné le feu vert pour la transposition de cette directive, et nous vivons à présent dans un État de droit qui, depuis le début de la législature, a instauré une taxation additionnelle sur les stock-options dans la loi TEPA, l'obligation pour le mandataire social d'assurer la transparence de sa rémunération et, enfin, dans la loi de finances pour 2011, le doublement des cotisations sociales pour les retraites chapeaux.

Faut-il aller plus loin ?

M. Roland Courteau. Oui !

M. Yannick Bodin. Demandez à Wauquiez !

M. François Baroin, ministre. Il est incontestable que la situation actuelle de la distribution des bonus et le décalage qui peut exister entre la part variable et la part fixe nourrissent la réflexion au sein de la majorité mais aussi au sein du Gouvernement.

Nous souhaitons œuvrer dans le sens de la justice sociale et mieux encadrer des dispositifs qui peuvent légitimement heurter notre contrat social.

M. René-Pierre Signé. On n'en prend pas le chemin !

M. François Baroin, ministre. C'est la raison pour laquelle nous réfléchissons à des modalités pratiques d'encadrement des très hauts salaires.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Prions pour que cela arrive un jour !

M. François Baroin, ministre. Nous n'ouvrirons toutefois pas la porte à une tranche marginale de l'impôt sur le revenu dans le cadre de la réforme fiscale à venir, car il ne s'agit pas de transférer une fiscalité du patrimoine sur une fiscalité du travail.

En revanche, nous ouvrons le débat sur la problématique des très hauts salaires, afin que ces rémunérations soient plus justes, plus équilibrées, et donc mieux acceptées par l'ensemble de la société. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Didier Boulaud. Il ne vous reste plus que douze mois… Dépêchez-vous !

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