Question de M. MICHEL Jean-Pierre (Haute-Saône - SOC) publiée le 27/01/2011

M. Jean-Pierre Michel tient à interroger M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, à propos de l'avenir des maisons d'arrêt.

Le 26 juillet 2010, son prédécesseur a annoncé la fermeture d'un certain nombre de maisons d'arrêt sur le territoire national. Cette décision hâtive ne prend pas en considération l'aménagement et l'équilibre territorial ainsi que les conséquences économiques et sociales d'une telle mesure. Elle ne tient pas compte non plus de l'état réel des établissements concernés et des possibles rénovations.

Par conséquent, il souhaite savoir si M. le garde des Sceaux est enclin à mettre en œuvre un moratoire et à engager une concertation sur ces fermetures et désire également connaitre ses intentions précises en ce qui concerne le cas de la maison d'arrêt de Lure, située en Haute-Saône dans son département, ville qui évolue dans un contexte très dur puisque, depuis une dizaine d'années, cette ville sous-préfecture ne cesse de perdre des services publics, dont le tribunal de grande instance.

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Réponse du Ministère de la justice et des libertés publiée le 16/02/2011

Réponse apportée en séance publique le 15/02/2011

M. Jean-Pierre Michel. Je souhaite demander à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, quelles sont ses intentions s'agissant de l'avenir des maisons d'arrêt et, plus généralement, de la carte judiciaire.

Le 26 juillet 2010, votre prédécesseur, monsieur le garde de sceaux, a annoncé la fermeture d'un certain nombre de maisons d'arrêt. Cette décision hâtive, qui n'est assortie d'aucune vue d'ensemble, ne prend en considération ni l'aménagement et l'équilibre territoriaux ni les conséquences économiques et sociales d'une telle mesure, notamment pour les personnels. Elle ne tient pas compte non plus de l'état réel des établissements concernés et des possibles rénovations.

Par conséquent, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si vous êtes enclin à mettre en œuvre un moratoire et à engager une concertation générale sur la fermeture de certains établissements pénitentiaires, ainsi que sur les contours d'une future carte judiciaire. Je désirerais également connaître vos intentions en ce qui concerne plus précisément la maison d'arrêt de Lure, située en Haute-Saône, dans mon département. Cette ville sous-préfecture connaît un contexte très difficile puisque, depuis une dizaine d'années, elle ne cesse de perdre des services publics. En particulier, au 1er janvier de cette année, son tribunal de grande instance a été supprimé.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le sénateur, comme vous l'avez rappelé, le 26 juillet dernier, mon prédécesseur, Mme Alliot-Marie, a annoncé la fermeture d'un certain nombre d'établissements pénitentiaires sur le territoire national, dans le cadre de la restructuration du parc immobilier pénitentiaire.

Cette restructuration vise à assurer des conditions dignes de détention et à garantir la mise en œuvre des prescriptions de la loi pénitentiaire adoptée en novembre 2009 par le Parlement.

Par ailleurs, ce nouveau programme immobilier permettra d'augmenter les capacités d'hébergement de l'administration pénitentiaire, en vue d'améliorer le taux de mise à exécution des peines d'emprisonnement prononcées par les juridictions pénales et d'assurer l'encellulement individuel des détenus, conformément à la volonté du législateur.

Ainsi, dès la fin de l'année 2017, 14 000 nouvelles places remplaceront environ 9 000 places vétustes. La France sera alors dotée de plus de 70 000 places de prison, dont plus de la moitié auront été ouvertes après 1990. Par ailleurs, le Président de la République a annoncé la création de 5 000 places supplémentaires.

Dans ce cadre, la situation des établissements actuels a fait l'objet d'une première étude ayant conduit, en juillet 2010, à l'annonce de quarante-cinq propositions de fermeture d'établissement.

Ces propositions font aujourd'hui l'objet d'un nouvel examen dans le cadre d'une large concertation avec les personnels de l'administration pénitentiaire, mais aussi avec les élus locaux.

La maison d'arrêt de Lure est bien évidemment concernée par cette réévaluation.

L'expertise menée par les services de l'administration pénitentiaire a porté sur le chiffrage du coût des travaux de mise en conformité du bâtiment, de gros entretien, d'amélioration fonctionnelle, notamment avec la création de douches en cellule, et de mise aux normes au regard de la loi pénitentiaire, en particulier en ce qui concerne l'encellulement individuel et la création d'une unité de vie familiale.

Le coût de cette remise à niveau est estimé à plus de 4,5 millions d'euros. En outre, les travaux devraient être réalisés en site non exploité, ce qui nécessiterait la réaffectation du personnel et des détenus dans un autre établissement pendant une durée évaluée à un an.

Comme vous l'aurez compris, monsieur le sénateur, je n'ai pas encore pris de décision à l'heure actuelle. Je mesure bien l'attachement à ces établissements des personnels, qui ont construit leur vie sur leur lieu d'affectation, mais aussi des élus locaux, les emplois liés à la présence d'une maison d'arrêt et la « cantine » des détenus représentant un poids économique non négligeable.

Je compte prendre une décision à la fin du présent semestre. C'est donc à cette échéance que je pourrai vous indiquer quel sera l'avenir de la maison d'arrêt de Lure. En tout état de cause, je ne manquerai pas, auparavant, de m'entretenir avec les élus locaux et éventuellement de me rendre sur place, sachant très bien l'importance d'un tel établissement dans la vie locale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui témoigne du bon sens que l'on vous reconnaît en général. Je constate que vous n'oubliez pas que vous avez été chargé auparavant, au sein du Gouvernement, de l'aménagement des territoires ruraux. Tout cela est donc plutôt de bon augure, mais nous verrons quelle sera finalement votre décision.

Je rappelle tout de même que, pour le Grand-Est de la France, il était prévu de supprimer un certain nombre de petites maisons d'arrêt et de construire de très gros établissements. Or, on le sait très bien aujourd'hui, ces derniers sont difficiles à gérer ; c'est dans de telles structures que surviennent le plus de suicides et d'agressions et que les personnels pénitentiaires subissent le plus de pressions. Je crois donc que le maintien de petits établissements, comme celui de Lure, a tout son intérêt.

J'observe d'ailleurs que le bureau Veritas a certifié en juin 2010 la conformité de la maison d'arrêt de Lure aux règles pénitentiaires européennes. En outre, d'après ce que l'on en sait, la récente visite du Contrôleur général des lieux de détention n'a pas été catastrophique… Je crois donc possible d'aménager cette maison d'arrêt.

À cet égard, je souligne qu'il existe des projets – je porte moi-même l'un d'entre eux – visant à créer des centres pénitentiaires aménagés pour accueillir certains types de détenus, notamment ceux qui sont atteints de troubles mentaux légers ou souffrent d'addictions, par exemple. De tels détenus ne sont pas à leur place dans les grands établissements, où ils gênent. À Lure, ils pourraient trouver un accueil adapté, en lien d'ailleurs avec l'hôpital psychiatrique de la région, dont je préside le conseil d'administration.

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