Question de M. TROPEANO Robert (Hérault - RDSE) publiée le 15/04/2010

M. Robert Tropeano attire l'attention de Mme la ministre de la santé et des sports sur le problème de la désertification médicale.

La France est classée au premier rang mondial par l'Organisation mondiale de la santé pour la qualité de ses soins de santé. Mais des inquiétudes émergent : inégalités sociales de santé, hôpitaux engorgés, déserts médicaux, etc. L'offre de soins n'est plus égale sur le territoire. Certaines zones deviennent dangereusement sous-dotées, alors que d'autres souffrent d'une offre excessive.

La désertification médicale est une des principales faiblesses de notre système de santé, qui ira croissante si aucune mesure d'envergure à moyen et long terme n'est prise rapidement. Certes, la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 « hôpital, patients, santé et territoires » a tenté de mieux gérer la démographie médicale, par l'adoption de quelques mesures incitatives. Mais ces mesures sont insuffisantes pour traiter sérieusement le problème de la démographie médicale.

Récemment, le Président de la République a annoncé l'augmentation du nombre de « maisons de santé » dans les zones insuffisamment desservies et l'octroi de bourses aux étudiants s'engageant à exercer en zone rurale pendant au moins dix ans. Si ces propositions vont dans le bon sens, elles ne répondent que partiellement à ce problème, en traitant l'urgence de court terme des départs à la retraite de plus en plus nombreux des médecins généralistes en zones rurale.

Qu'en est-il des objectifs de la France en terme de santé publique ? Qu'en est-il du rapport entre les besoins de la population et les données de la démographie médicale ? En effet, l'offre publique de soins a perdu du terrain par rapport à l'offre privée, alors que la demande de service public ne diminue pas, bien au contraire, dans les zones en difficultés économiques ou dans celles qui font face à une démographie médicale déclinante. En effet, toute politique de soutien en faveur des établissements publics de santé ne doit pas être abandonnée au prétexte que les missions de service public peuvent être assurées également par des établissements privés.

Il souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement quant au maintien de la couverture médicale sur l'ensemble du territoire et de la présence médicale en milieu rural. Il lui demande des précisions sur la vision prospective de sa politique en matière de santé publique.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la coopération et de la francophonie publiée le 16/06/2010

Réponse apportée en séance publique le 15/06/2010

M. Robert Tropeano. La France est classée au premier rang mondial par l'Organisation mondiale de la santé pour la qualité des soins. Mais des inquiétudes émergent, liées à des inégalités sociales devant la santé, à l'engorgement des hôpitaux, à l'apparition de déserts médicaux engendrant de trop nombreuses inégalités territoriales. C'est sur ce dernier problème que portera ma question aujourd'hui.

Voilà quinze jours, mon collègue Roland Courteau évoquait déjà ce sujet. Le constat qu'il faisait pour le département de l'Aude vaut pour l'Hérault et de nombreux autres départements ruraux. La désertification médicale sévit en milieu rural, comme dans les zones urbaines fragilisées.

L'une des principales faiblesses de notre système de santé tient aux inégalités territoriales et sociales en matière d'accès aux soins. Nous ne pouvons plus nous contenter de mesures isolées, ni de promesses.

La pénurie de médecins s'aggrave d'année en année, accompagnée d'un vieillissement de la population médicale. Actuellement, dans le département de l'Hérault, 60 % des médecins ont plus de 60 ans.

Les quelques mesures incitatives contenues dans la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires sont insuffisantes, puisqu'elles ne donneront leur plein effet que dans plusieurs années.

Le regroupement de médecins et autres professionnels médicaux ou paramédicaux en un même lieu, par exemple dans les maisons de santé, nécessaires en milieu rural, peut permettre un progrès, mais à la condition incontournable que les territoires concernés présentent des attraits, c'est-à-dire qu'ils offrent des services publics de qualité. Or, à cet égard, l'accélération du désengagement de l'État de ces territoires constitue le maillon faible du dispositif.

La création des agences régionales de santé et la mise en place d'incitations financières ne répondent que très partiellement aux inégalités territoriales en matière d'offre de soins. La question de l'évolution démographique, qui est l'un des grands défis auxquels notre système de santé est confronté, n'a été traitée qu'en partie, et elle ne peut l'être complètement qu'en liaison avec les professionnels de santé et les associations d'usagers. Quelle est votre vision prospective des besoins de la population ?

Toute politique de soutien financier et de restructuration des établissements publics de santé ne doit pas être abandonnée au prétexte que les missions de service public peuvent être assurées également par des établissements privés.

Comment éviter que les patients éloignés des zones urbaines bénéficiant d'une démographie médicale satisfaisante ne soient victimes, tant au sens propre qu'au sens figuré du terme, des inégalités territoriales ? En cas d'urgence, le délai nécessaire aux pompiers pour amener le patient au service des urgences le plus proche, situé parfois à plusieurs dizaines de kilomètres, risque d'être fatal.

Comment le Gouvernement envisage-t-il l'avenir de ces territoires, notamment dans le monde rural, où les difficultés n'iront qu'en s'accentuant pour les raisons évoquées précédemment ? Enfin, quelles mesures compte-t-il prendre pour répondre aux besoins urgents et immédiats des territoires désertés par les professionnels de santé ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Monsieur le sénateur, Mme Roselyne Bachelot-Narquin m'a chargé de vous communiquer la réponse suivante.

Les analyses démographiques de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé prévoient une diminution du nombre de médecins exerçant dans les zones rurales et périurbaines. Cette situation est, à l''évidence, préoccupante.

Avec l'ensemble des acteurs concernés, et ce depuis la réunion des états généraux de l'organisation de la santé, en 2008, le Gouvernement a agi sur les leviers permettant d'inverser cette tendance.

Tout d'abord, l'augmentation du numerus clausus est fondamentale. Il est fixé en 2010 à 7 400 étudiants, soit à un niveau bien plus élevé qu'il y a quelques années.

Ensuite, le développement de la reconnaissance de la médecine générale comme une spécialité est capital. Ainsi, la création de cette filière universitaire a permis que, en 2009, le choix de près de la moitié des futurs internes – 49 % d'entre eux, contre 37 % seulement en 2004 – se soit porté sur la médecine générale.

Pour compléter ces mesures, le nombre d'internes formés dans chaque région et chaque discipline sera désormais fixé en fonction des besoins de la population. Ainsi, une corrélation entre ceux-ci et le nombre de médecins formés est introduite pour la première fois. Nous savons qu'un praticien a tendance à s'installer dans la région où il a été formé.

Comme vous le soulignez, monsieur le sénateur, la ministre de la santé et des sports a proposé des mesures incitatives, qui favoriseront l'installation des médecins dans les zones identifiées comme « sous denses ».

En outre, les modes d'exercice sont modernisés pour mieux répondre aux aspirations des jeunes médecins et permettre une meilleure prise en charge des patients.

Le Gouvernement a enfin favorisé le développement des maisons de santé pluridisciplinaires.

Les schémas régionaux d'offre de soins ambulatoires, consensuels et non opposables, permettront de faire converger les aides et les politiques incitatives et de soutenir ainsi les projets répondant à de vrais besoins de santé.

En ce qui concerne l'offre de soins des établissements publics de santé, il est question non pas de la remettre en cause, mais au contraire de la garantir. C'est une mission prioritaire pour les agences régionales de santé.

La loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi hôpital, patients, santé et territoires », ou HPST, leur donne les outils nécessaires à un aménagement de l'offre existante. Pour la première fois, les missions de service public sont définies explicitement.

Lorsqu'une mission de service public n'est pas assurée sur un territoire de santé, les directeurs généraux des ARS, les agences régionales de santé, la confieront à l'établissement le mieux à même de la remplir.

Des outils sont mis à la disposition des directeurs généraux des ARS pour leur permettre d'accompagner, de structurer, de sécuriser les coopérations. Celles-ci pourront associer autour de véritables projets médicaux de territoire les établissements de santé, publics ou privés, aux établissements médico-sociaux et aux professionnels de santé libéraux.

Les communautés hospitalières de territoire, par exemple, permettront aux établissements publics de s'organiser de façon complémentaire. Les groupements de coopération sanitaire de moyens et les groupements de coopération sanitaire dits « établissements de santé » permettront, quant à eux, des partenariats durables entre acteurs de statut privé et de statut public.

Ainsi, les ARS pourront développer une politique nationale d'accès à des soins sûrs et de qualité, au plus près des besoins de chaque territoire.

Comme vous le constatez, monsieur le sénateur, le Gouvernement s'est saisi de ce sujet dès 2007 et continue de travailler chaque jour à améliorer la situation de la démographie médicale en France, afin de toujours mieux répondre aux besoins de santé des Français.

M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.

M. Robert Tropeano. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse.

Toutefois, mon pessimisme reste entier. Dans nos communes rurales et dans nos bourgs-centres, la population vieillit et s'inquiète de ne pouvoir accéder aux soins très rapidement, l'hôpital le plus proche se trouvant à plusieurs dizaines de kilomètres. Cette préoccupation est à mon sens tout à fait légitime.

Par ailleurs, des mesures encore plus incitatives pourraient être prises pour encourager les généralistes à venir s'installer dans les territoires, tant ruraux qu'urbains, où se manifeste une pénurie de médecins.

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