Question de Mme KHIARI Bariza (Paris - SOC) publiée le 25/02/2010

Mme Bariza Khiari appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur l'émotion des algériens suite à la décision française d'inclure l'Algérie dans la liste des zones à risques terroristes. Depuis janvier 2010, le dispositif de sécurité aérienne oblige l'ensemble des ressortissants algériens à se soumettre à un contrôle corporel strict et systématique dans les aéroports.

Cette annonce est intervenue quelques jours après la décision américaine d'élargir sa propre liste des pays à risques terroristes. Or, la France a signé un accord très abouti de coopération en 2008 avec le gouvernement algérien en matière de lutte contre le terrorisme. Par ailleurs, les efforts du gouvernement algérien dans ce domaine sont manifestes. C'est pourquoi, en sa qualité de Vice-Présidente du groupe d'amitié France-Algérie, elle s'inquiète des conséquences de cette décision sur les relations entre ces deux pays et souhaite l'interroger sur les raisons objectives qui ont abouti à l'inscription de l'Algérie sur la liste des pays à risques terroristes.

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Réponse du Ministère de l'outre-mer publiée le 05/05/2010

Réponse apportée en séance publique le 04/05/2010

Mme Bariza Khiari. Au mois de janvier dernier, la France a classé l'Algérie dans les zones à risques terroristes. Cette mesure a eu pour conséquence immédiate de renforcer les contrôles dans les aéroports pour les vols en provenance ou à destination de l'Algérie, de multiplier les mesures très contraignantes et parfois humiliantes envers les ressortissants de ce pays sur le sol français. Dernièrement, nous avons pu constater que cette décision française n'est pas restée sans conséquence sur la dégradation des relations diplomatiques de notre pays avec l'Algérie.

La politique du Gouvernement suit la ligne américaine, puisque la décision de classement a été annoncée quelques jours après celle des États-Unis. En 2003, lors du déclenchement de la guerre en Irak, la politique étrangère et de sécurité de la France a su se faire le chantre d'une vision différente des risques et des évolutions diplomatiques. Pourquoi en est-il autrement aujourd'hui ?

À la différence des États-Unis, en 2008, la France a signé avec le gouvernement algérien un accord très précis, contraignant et ambitieux de lutte contre le terrorisme. Le gouvernement algérien a, par ailleurs, effectué des efforts manifestes pour veiller à affaiblir les mouvements intégristes. Dès lors, je suis circonspecte quant aux raisons qui ont poussé le Gouvernement à choisir de placer l'Algérie dans la liste des pays à risques.

M. Domeizel, président du groupe d'amitié France-Algérie, et moi-même, en ma qualité de vice-présidente de ce groupe, sommes préoccupés des conséquences de ce classement. Le gouvernement algérien a peu goûté une décision unilatérale. L'émotion que ce choix a suscitée reste vive et creuse encore l'écart entre les deux rives de la Méditerranée. Nous devrions œuvrer au rapprochement de ces deux pays plutôt qu'à leur éloignement.

C'est pourquoi je souhaite connaître les raisons objectives qui ont conduit à procéder à ce classement ainsi que les mesures que le Gouvernement compte prendre pour améliorer les relations franco-algériennes.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en l'absence de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui vous prie de bien vouloir l'excuser, je suis chargée de vous apporter la réponse suivante.

Pour permettre aux services de police d'anticiper les menaces terroristes en disposant d'une connaissance plus fine des déplacements internationaux, la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers les autorise à se faire communiquer par les transporteurs aériens, maritimes et ferroviaires les informations enregistrées dans les systèmes de réservation et de contrôle des départs, c'est-à-dire les données d'enregistrement et de réservation.

Le Gouvernement a fait le choix de mettre en œuvre ces dispositions de façon expérimentale, uniquement pour les transporteurs aériens, pour les données d'enregistrement et pour les vols en provenance ou à destination directe d'États n'appartenant pas à l'Union européenne.

Un fichier des passagers aériens a ainsi été institué pour deux ans par un arrêté du 19 décembre 2006. Dans un souci d'efficacité, il a été décidé de restreindre initialement l'expérimentation à un nombre limité de pays, à savoir cinq. Cette expérimentation a été reconduite pour deux ans par un arrêté du 28 janvier 2009 et élargie à deux États supplémentaires, dont l'Algérie. Ce dispositif sera progressivement généralisé à d'autres États.

À cet égard, il convient de souligner que les États concernés ne sont pas retenus comme étant « à risques » en tant que tels. Le choix relève avant tout de considérations liées aux déplacements internationaux, sans que cela implique nécessairement un jugement sur la situation interne de tel ou tel pays.

Alors que la tentative d'attentat sur le vol Amsterdam-Détroit du 25 décembre 2009 a une nouvelle fois démontré la réalité de la menace terroriste et l'importance de tout mettre en œuvre pour assurer la sécurité des passagers aériens, ce dispositif, expérimenté dans le strict respect des libertés publiques, constituera, à terme, un outil important de prévention du terrorisme.

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Madame la ministre, je peux tout à fait comprendre que, au nom de l'efficacité et de la lutte contre le terrorisme, des mesures soient prises, mais votre réponse n'est absolument pas satisfaisante. Elle est purement administrative. Elle ne prend pas du tout en compte les liens historiques qui lient notre pays à l'Algérie et qui devraient amener le Gouvernement à faire des gestes significatifs, contrairement à ce qui se passe actuellement.

Récemment, les élus locaux des deux rives de la Méditerranée se sont réunis. Ils aspirent à ce que l'espace méditerranéen soit un nouvel espace « civilisationnel ».

Les mesures qui ont été adoptées sont vexatoires, voire discriminantes, et ne sont pas de nature à permettre le rapprochement entre les pays de la Méditerranée que nous appelons de nos vœux.

Malheureusement, face à l'adoption de ce type de mesure unilatérale à l'égard d'un pays de la Méditerranée avec lequel nous devrions entretenir des relations de fraternité, nous devons constater que l'Union pour la Méditerranée reste une coquille vide.

Bien évidemment, nous devons ensemble lutter efficacement contre le terrorisme et nous devrions prendre en compte les efforts d'ores et déjà effectués par l'Algérie en ce sens.

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