Question de M. LE MENN Jacky (Ille-et-Vilaine - SOC) publiée le 10/02/2010

Question posée en séance publique le 09/02/2010

Concerne le thème : L'hôpital

M. Jacky Le Menn. Madame la ministre, vous connaissez les réticences de mon groupe – c'est un euphémisme – sur la possibilité ouverte par la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, que votre majorité a adoptée, de déléguer des missions de service public à des opérateurs privés.

Avec mes amis, nous avions souligné, à l'époque où cette loi fut discutée au Parlement, les risques multiples que comportaient ces délégations : risque de « vente à la découpe » des missions de service public, risque de marchandisation de la santé publique, risque de fragilisation des hôpitaux publics, même s'ils sont regroupés en communautés hospitalières de territoire. Les Français pourraient en être les premières victimes.

Nous ne pouvions laisser croire à nos concitoyens que les cliniques commerciales allaient accepter de manière pérenne de prendre en charge « à perte », sur le plan financier, les situations les plus complexes et les plus coûteuses, qui sont le lot commun des hôpitaux publics.

Nous insistions sur le maintien d'une garantie fondamentale, qui fait l'honneur de l'hospitalisation publique française : l'égal accès aux soins pour tous, des plus pauvres comme des plus riches.

Or, depuis plusieurs mois, des campagnes de presse se développent dans les médias, orchestrées par l'hospitalisation privée à but lucratif. Elles obéissent à une logique de dénigrement caricatural des hôpitaux publics ou s'inscrivent dans une stratégie plus insidieuse, qui tend à banaliser le service public hospitalier en laissant entendre que tous les acteurs de santé exercent peu ou prou de la même manière, qu'il s'agisse ou non de missions de service public, mais que les cliniques à but lucratif le font à un moindre coût.

Ces campagnes répétitives aident, selon nous, le Gouvernement à justifier auprès de l'opinion publique le démantèlement des missions du service public de santé ainsi que sa politique sans précédent de suppressions massives d'emplois médicaux et non médicaux dans les hôpitaux publics. En ce qui concerne l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l'AP-HP, par exemple, 3 500 suppressions d'emplois sont prévues d'ici à 2012. Cette politique est totalement inacceptable pour les malades, pour le personnel et pour la grande majorité de la population.

Il n'est pas possible de laisser prospérer ce discours insidieux.

Je vous demande donc, madame la ministre, de bien vouloir nous apporter des explications précises sur ces plans de suppressions massives d'emplois dans les hôpitaux publics, et de nous confirmer que vous n'autoriserez la délégation des missions de service public à des opérateurs privés que dans les cas de carence dûment constatés de l'hospitalisation publique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)


Réponse du Ministère de la santé et des sports publiée le 10/02/2010

Réponse apportée en séance publique le 09/02/2010

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le sénateur, je veux vous rassurer sur les moyens qui sont consacrés à l'hôpital public.

Vous le savez, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, était encore en augmentation l'année dernière de 3 %, alors que la perte de la richesse nationale s'élevait à 2,25 %. Nous avons mis en place un plan d'investissement considérable de 10 milliards d'euros, principalement destiné à l'hôpital public.

Contrairement à ce que vous craignez, le Gouvernement a la volonté de sauvegarder les missions de service public.

J'ai eu l'occasion de dire à de nombreuses reprises, en particulier à Saint-Etienne, devant la réunion de la Fédération hospitalière de France, que je réprouvais les campagnes de communication qui avaient été tenues par l'hospitalisation privée. Je l'ai dit publiquement et je le redis ici, devant la Haute Assemblée.

Les missions de l'hôpital public sont des missions supérieures, qu'il convient de sauvegarder.

C'est ainsi qu'un certain nombre de financements – je pense en particulier aux dotations des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation – sont principalement réservés à l'hôpital public pour lui permettre d'assurer ses fonctions, qui sont considérables.

Si j'ai retardé la convergence de 2012 à 2018, c'est également pour tenir compte des spécificités de l'hôpital public.

Il est vrai que certains hôpitaux, notamment publics, sont en déficit, mais ce n'est pas le cas de la majorité d'entre eux, qui sont en situation d'équilibre. Je rappelle que deux tiers des hôpitaux publics français présentent même un excédent budgétaire. Le déficit n'est donc pas une fatalité.

Par ailleurs, il est important que l'hôpital public commence à s'adapter à ce que sera l'hôpital de demain.

Monsieur le sénateur, les deux minutes qui me sont accordées sont bien trop courtes pour me permettre de couvrir un sujet aussi vaste. Les questions qui me seront posées par les autres intervenants dans ce débat me donneront certainement l'occasion de développer plus avant les différents éléments de réponse que j'aurais souhaité vous communiquer.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour la réplique.

M. Jacky Le Menn. Madame la ministre, je ne suis pas convaincu par vos réponses.

Vous souhaitez le développement des communautés hospitalières de territoire via le regroupement d'hôpitaux, comme le prévoit la loi HPST.

Si une telle politique se traduit systématiquement par des suppressions massives d'emplois, elle ne sera pas acceptée par nos concitoyens. Le cas de l'AP-HP, que j'ai évoqué à l'instant, est emblématique. L'opération qui rassemblera les trente-sept hôpitaux parisiens en douze groupes hospitaliers entraînera la suppression de 1 000 emplois cette année et la perte d'environ 3 000 postes d'ici à 2012. Ce plan aura des conséquences dramatiques sur les conditions de travail de personnels déjà épuisés, sans parler de la suppression de services et d'activités, qui risque de restreindre l'accès de la population aux soins, notamment pour les plus démunis.

La délégation des missions de service public aux cliniques commerciales, si elle se révélait absolument nécessaire, devra être mise en œuvre dans le seul intérêt médical de nos concitoyens malades. Nous demandons expressément qu'elle ne se fasse que sur la base de cahiers des charges rigoureusement établis et contrôlés. En outre, tout doit être mis en œuvre sur les sites concernés pour que lesdites missions soient de nouveau assurées le plus rapidement possible par l'hôpital public.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame la présidente, M. Le Menn ayant bénéficié de treize secondes de temps supplémentaire, je compte obtenir un complément équivalent lors de ma prochaine intervention ! (Sourires.)

- page 1143

Page mise à jour le