Question de M. BOTREL Yannick (Côtes-d'Armor - SOC) publiée le 28/01/2010

M. Yannick Botrel rappelle à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche que la consommation de poisson en France a nettement progressé au cours des vingt dernières années pour passer de 17.5 kg par an et par habitant à 24 kg. En dépit de ce constat, en dix ans, l'aquaculture française a perdu 20 % de sa production, 27 % de ses sites et 35 % de ses emplois. Plus généralement, l'aquaculture qui se développe dans le monde, régresse en France. Au bord du précipice, la filière est victime de distorsions commerciales, économiques et écologiques.

Le plus flagrant est celui des effets néfastes de la concurrence déloyale qui s'exercent sur les produits de nos piscicultures. La balance commerciale de la France concernant le poisson d'eau douce est déficitaire, de l'ordre de 1.6 milliards d'euros par an et ne cesse de se creuser. Les produits d'importations, ne réunissant pas le plus souvent les critères de qualité sanitaire des produits français, envahissent les étals. Vendus décongelés, ils arrivent à profusion en Europe, tels que panga, tilipia, provenant généralement d'Asie en particulier. Avec des prix de commercialisation au plus bas, ils déstabilisent le marché français et provoquent la disparition d'élevages.

Les professionnels attendent les réponses du Gouvernement et qu'il s'engage pour la pérennisation et le développement de la filière aquacole.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la prospective et du développement de l'économie numérique publiée le 07/04/2010

Réponse apportée en séance publique le 06/04/2010

M. Yannick Botrel. La situation actuelle de la filière aquacole est inquiétante. Le constat des organisations professionnelles fait état de données préoccupantes, pouvant conduire à la disparition de nombreux pisciculteurs.

La consommation de poisson en France a nettement progressé au cours des vingt dernières années, passant de 17 à 24 kilogrammes par an et par habitant. Or, s'agissant de l'élevage de poissons d'eau douce, en dix ans, la salmoniculture française a perdu 20 % de sa production, 27 % de ses sites et 35 % de ses emplois. En effet, cette filière est directement victime d'une distorsion de concurrence, en particulier par rapport à des pays situés hors de la Communauté européenne.

Je tiens à rappeler que la balance commerciale de la France concernant le poisson est déficitaire de l'ordre de 1,6 milliard d'euros par an et que ce déficit ne cesse de se creuser. De fait, les produits d'importation envahissent les étals alors même que, souvent, ils ne réunissent pas les critères de qualité sanitaire des produits français.

Des poissons tels que le panga ou le tilapia, provenant généralement d'Asie ou d'Afrique et vendus décongelés, arrivent en masse en Europe et déstabilisent le marché avec des prix de commercialisation bas. Il ne fait pas de doute que les deux grandes régions de production de salmonidés que sont la Bretagne et l'Aquitaine subissent très fortement cette pression.

L'une des sources de distorsion vient de l'absence de différenciation à l'étal entre les produits frais et les produits décongelés. En effet, les produits réfrigérés sont parfois décongelés quelques heures avant d'être mis à la disposition des consommateurs. Sans mention particulière les distinguant, ces poissons dégivrés, une fois placés sur les comptoirs, sont en grande partie indiscernables par rapport aux produits n'ayant subi aucun processus de congélation. Les consommateurs ont pourtant le droit d'être pleinement informés à cet égard, afin de faire leur choix en connaissance de cause. Au-delà même de l'étiquetage, je crois que les produits frais et les produits dégivrés devraient être placés très séparément sur les étalages.

Avec un marché de 140 000 tonnes de poisson frais vendues en 2009, les éleveurs français devraient pouvoir disposer d'une lisibilité économique fiable. La filière a su développer des critères de durabilité et les écoles d'agriculture forment les producteurs de demain. Néanmoins, l'aquaculture d'eau douce est en déclin.

Quelles mesures et quelle politique volontariste le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche compte-t-il proposer, à l'échelle européenne, afin que les pisciculteurs français et, plus largement, ceux des États membres retrouvent des perspectives et un avenir pour leur production ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, je tiens avant tout à excuser Bruno Le Maire, qui est aujourd'hui en déplacement dans l'Essonne avec le Président de la République.

Alors que la France dispose, avec ses 5 500 kilomètres de côtes et ses collectivités d'outre-mer, d'un potentiel exceptionnel en matière d'aquaculture et que la demande des consommateurs en poissons, crustacés et coquillages est en constante augmentation, son secteur aquacole peine à se développer. C'est ainsi que, comme vous l'avez rappelé, monsieur Botrel, notre balance commerciale en produits de la pêche et de l'aquaculture est déficitaire.

Pour remédier à cette situation, le Gouvernement a pris plusieurs initiatives.

Dès le mois de juin 2008, la France a soumis à ses partenaires européens un mémorandum pour le développement de l'aquaculture européenne ; dix-sept d'entre eux ont déjà signé. Depuis lors, en avril 2009, la Commission européenne a présenté une nouvelle stratégie pour le développement durable de l'aquaculture européenne, suivie, en juin 2009, de l'adoption à l'unanimité par le Conseil de conclusions en faveur du développement d'une aquaculture durable.

C'est avec ce même objectif que le ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche défendra, dans le cadre du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, la création de schémas régionaux de l'aquaculture marine. Ceux-ci auront notamment pour objet d'identifier les sites existants propices au développement de cette activité et, bien sûr, de faciliter ce développement.

Monsieur le sénateur, vous avez également évoqué le scandale que constitue la vente, dans des conditions trompeuses, de certains produits dégivrés.

La vente des produits d'importation décongelés au rayon frais entraîne effectivement de réelles distorsions de concurrence. C'est pourquoi des consignes ont été données aux agents de contrôle afin qu'ils accordent, dans tous les points de distribution, une attention toute particulière au respect de l'étiquetage et à l'origine des produits décongelés. II est important d'assurer une information claire et précise du consommateur.

En outre, je transmettrai à M. Bruno Le Maire votre demande particulière quant à une présentation séparée de ces produits dégivrés et des produits frais.

Enfin, pour orienter les choix du consommateur vers les produits frais et originaires de nos régions et faire en sorte que celui-ci soit correctement informé quant à la fraîcheur et à l'origine des produits, le Comité interprofessionnel des produits de l'aquaculture lancera très prochainement, avec l'aide de FranceAgriMer, une campagne nationale de promotion.

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. Je tiens tout d'abord à vous remercier, madame la secrétaire d'État, de m'avoir apporté un certain nombre d'éléments de réponse importants et intéressants.

M. le ministre de l'agriculture, s'exprimant récemment sur le sujet devant la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, avait lui-même fait état du déficit extrêmement important de la balance commerciale en matière de production piscicole.

Je note que, si j'avais beaucoup insisté dans mon intervention sur l'aquaculture d'eau douce, vous n'avez pas, madame la secrétaire d'État, explicitement évoqué ce thème dans votre réponse. Or c'est bien celui sur lequel je souhaitais tout particulièrement attirer l'attention ce matin.

M. le ministre de l'agriculture a certes pris conscience des difficultés rencontrées par le secteur de l'aquaculture marine. Mais il ne faudrait pas que, dans la réflexion globale engagée par le Gouvernement, l'aquaculture d'eau douce soit oubliée, car des mesures doivent aussi être prises à son égard.

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