Question de M. BEAUMONT René (Saône-et-Loire - UMP) publiée le 10/12/2009

M. René Beaumont attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur les incidences économiques et environnementales de l'insuffisante information des pouvoirs adjudicateurs de marchés publics sur la certification des produits utilisés et des systèmes de management mis en œuvre pour leur fabrication dans le domaine du transport de l'eau et de l'assainissement.

Les normes EN et ISO n'étant pas obligatoires dans ces domaines, les soumissionnaires peuvent être incités à utiliser des produits non conformes et moins onéreux. Or, le choix du prix le plus bas au détriment de la qualité implique le risque d'un fonctionnement défectueux et celui d'une usure accélérée des ouvrages livrés. Les modalités de délivrance de la certification de conformité peuvent avoir par ailleurs des effets pervers, dans la mesure où des fournisseurs et notamment des fabricants extérieurs à l'Union européenne ont la possibilité, soit de procéder à une autodéclaration de conformité aux normes de leurs produits, soit de recourir à des organismes certificateurs ne présentant pas nécessairement toutes les garanties de technicité et d'efficacité. Dans ces conditions, la décision du pouvoir adjudicateur, même quand elle est fondée sur une pluralité de critères faisant intervenir la qualité et la valeur technique de l'offre à côté du prix, n'est pas nécessairement éclairée par une information sûre et pertinente. Le coût économique et environnemental de cette situation, s'il ne semble pas avoir été évalué, est certainement considérable.
La même situation a, en outre, des incidences importantes sur la compétitivité relative des fabricants dont les produits et les systèmes de management sont certifiés par des organismes français ou européens accrédités par des instances membres de la coopération européenne pour l'accréditation (EA) et de ceux de leurs concurrents non soumis aux mêmes exigences.

En conséquence, il lui demande quelles mesures il lui paraît possible de mettre en œuvre pour favoriser une meilleure connaissance et prise en compte par les pouvoirs adjudicateurs de la certification des produits et des systèmes de management utilisés par les soumissionnaires.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce extérieur publiée le 27/01/2010

Réponse apportée en séance publique le 26/01/2010

M. René Beaumont. Je me permets d'attirer l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur les incidences économiques et environnementales de l'insuffisante information des adjudicateurs de marchés publics concernant la certification des produits utilisés et des systèmes de management mis en œuvre pour leur fabrication dans le domaine du transport de l'eau et de l'assainissement.

Les normes européennes, ou normes EN, et les normes de l'Organisation internationale de normalisation, ou normes ISO, n'étant pas obligatoires dans ces domaines, les soumissionnaires peuvent être tentés d'utiliser des produits non conformes et moins onéreux. Or, le choix du prix le plus bas au détriment de la qualité conduit immanquablement au risque d'un fonctionnement défectueux, voire d'une usure accélérée, des ouvrages livrés.

Les modalités de délivrance de la certification de conformité peuvent par ailleurs avoir des effets pervers, dans la mesure où des fournisseurs, notamment extérieurs à l'Union européenne, ont la possibilité soit de procéder à une auto-déclaration de conformité de leurs produits aux normes, soit de recourir à des organismes certificateurs ne présentant pas nécessairement toutes les garanties de technicité et d'efficacité.

Dans ces conditions, la décision du pouvoir adjudicateur, même quand elle est fondée sur une pluralité de critères faisant intervenir, outre le prix, la qualité et la valeur technique de l'offre, n'est pas nécessairement éclairée par une information sûre et pertinente. Le coût économique et environnemental de cette situation, s'il ne semble pas avoir été évalué, est certainement considérable.

La même situation a, en outre, des incidences importantes sur la compétitivité relative des fabricants dont les produits et les systèmes de management sont certifiés par des organismes français ou européens accrédités par des instances membres de la Coopération européenne pour l'accréditation par rapport à ceux de leurs concurrents non soumis aux mêmes exigences.

En conséquence, quelles mesures serait-il possible de prendre rapidement pour favoriser une meilleure connaissance par les pouvoirs adjudicateurs de la certification des produits et des systèmes de management utilisés par les soumissionnaires, sans bien sûr porter atteinte au principe de la libre concurrence.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, Mme Lagarde m'a chargée de vous apporter les éléments de réponse suivants sur les questions d'adjudication de marchés publics et sur le rôle de la certification de produits et de systèmes de management pour la fabrication dans le domaine du transport de l'eau et de l'assainissement.

Lorsqu'ils passent un marché, dans le domaine de l'eau et de l'assainissement comme dans les autres, les acheteurs publics doivent définir les prestations attendues par des spécifications techniques. Ils ne sont plus tenus de faire référence à des normes homologuées mais ils ont toujours la faculté de le faire.

Pour vérifier la conformité des produits aux exigences spécifiées, les adjudicateurs peuvent exiger que les candidats fournissent des certificats de qualifications professionnelles et certificats de qualité. Reste que l'acheteur doit être capable de choisir, parmi les qualifications proposées, celles qui sont les plus adaptées à la réalisation du marché. L'organisme de qualification doit d'ailleurs présenter toutes les garanties d'indépendance et de fiabilité requises pour que la présomption de conformité qu'il propose au travers de ses qualifications soit jugée recevable.

Les autorités de la concurrence sont attentifs à ce que les certificats ne ferment pas l'accès au marché et ne faussent la concurrence. D'ailleurs, ce n'est en aucun cas ce que vous demandez, monsieur le sénateur. Ainsi, l'exigence d'un certificat de qualification au stade de la sélection des candidats ne doit conduire ni à imposer le choix du titulaire du marché ni à exclure certains candidats.

Le code des marchés publics prévoit que, lorsque l'adjudicateur demande aux candidats de produire des certificats, il doit accepter « tout moyen de preuve équivalent ». Cette preuve est à la charge du candidat, mais l'adjudicateur ne peut pas la refuser à la légère, sous peine d'être accusé d'entrave aux échanges. Elle peut être apportée par tout moyen approprié, par exemple un dossier technique du fabricant ou un rapport d'essai d'un organisme reconnu.

Selon le code des marchés publics, les « organismes reconnus » sont les laboratoires d'essai ou de calibrage, ainsi que les organismes d'inspection ou de certification conformes aux normes européennes applicables, y compris ceux qui sont installés dans d'autres États membres. Lorsqu'une offre fait référence à une norme étrangère, l'administration peut demander au soumissionnaire de produire l'attestation de l'AFNOR, l'Association française de normalisation, établissant l'équivalence demandée.

Tout certificat, attestation, ou référence ne constitue pas, par principe, une preuve recevable. Il a été jugé par exemple que des « certificats de capacité » ou de « compétences » signés par des architectes ne sont pas « de même nature que ceux délivrés par des organismes professionnels » et ne peuvent « être regardés comme équivalents à ces derniers ».

Consciente de ces difficultés, l'ancienne Commission centrale des marchés, la CCM, avait rédigé, en 1999, une recommandation relative à l'utilisation des normes et des certifications dans les spécifications et à l'appréciation des équivalences. Même si la réglementation a évolué sur ces questions, ce document conserve tout son intérêt en termes d'aide à la décision des acheteurs publics.

Plus récemment, un consortium européen réunissant, sous l'égide de la Commission européenne, quatorze partenaires issus de la commande publique et de la normalisation, parmi lesquels l'Association pour l'achat dans les services publics, l'APASP, a mis au point un guide destiné à faciliter l'usage des normes par les acheteurs publics. Ce guide – le manuel « Steppin » – a été traduit en français au début de l'année 2009. Il constitue un vecteur essentiel d'information des pouvoirs adjudicateurs en matière de certification des produits dans les marchés publics.

Il semble donc à Mme Lagarde que, en l'état actuel de la réglementation, les acheteurs publics disposent déjà des outils leur permettant de s'assurer de la qualité des prestations demandées.

M. le président. La parole est à M. René Beaumont.

M. René Beaumont. Je remercie Mme la secrétaire d'État de sa réponse très complète, qui témoigne d'ailleurs de l'existence de disparités en termes de qualité des certifications, selon que les organismes chargés de les établir sont ou non européens.

J'observe que ce problème se rencontre dans beaucoup d'autres domaines, par exemple ceux des transports, que vous connaissez bien, madame la secrétaire d'État, ou du commerce des animaux : la France est toujours en pointe pour la normalisation, tandis que ses partenaires européens, et a fortiori les pays non membres de l'Union européenne, s'affranchissent volontiers d'exigences poussées en la matière. Devant cette situation, une solution simple serait d'imposer que tout produit entrant sur le territoire de l'Union européenne soit certifié par un organisme agréé par celle-ci. Ce n'est pas le cas actuellement, et la délivrance de certifications de convenance qui en résulte parfois coûte très cher à l'adjudicateur, c'est-à-dire à la collectivité publique, tout en faussant complètement la concurrence. Je m'insurge contre ce phénomène récurrent : imposer à nos entreprises les plus hautes exigences en matière de normalisation est certes louable, mais cela les pénalise face à des concurrents qui, n'étant pas soumis aux mêmes contraintes, pratiquent des prix plus bas.

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