Question de M. FAUCONNIER Alain (Aveyron - SOC) publiée le 05/02/2009

M. Alain Fauconnier attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur le problème posé par l'augmentation des droits de douane de 300 % décidée par l'administration américaine sur certains produits français, parmi lesquels le roquefort, produit emblématique de notre agriculture en général et du département de l'Aveyron en particulier. Considérant que cette décision, prise en mesure de rétorsion contre le refus, émis par la l'Europe, d'importer du veau aux hormones et du poulet chloré, constitue un véritable danger contre l'économie des départements concernés, l'Aveyron au tout premier plan, il lui demande quelles initiatives il compte prendre pour convaincre la nouvelle administration américaine d'y renoncer.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la pêche publiée le 18/02/2009

Réponse apportée en séance publique le 17/02/2009

La parole est à M. Alain Fauconnier, auteur de la question n° 417, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Alain Fauconnier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'ancienne administration américaine avait décidé de surtaxer un certain nombre de produits français peu avant l'élection du nouveau président des États-Unis.

Cette décision se veut une mesure de rétorsion face au refus exprimé par l'Union européenne d'importer certains produits américains, parmi lesquels le poulet chloré et le veau aux hormones.

La liste définitive de ces produits ne sera publiée qu'à la fin du mois de mars. Nous savons d'ores et déjà que, sauf contrordre, y figure en bonne place le roquefort, produit de qualité emblématique de l'agriculture française et du département de l'Aveyron.

Le roquefort devrait désormais être taxé outre-Atlantique à 300 % ! Il sera alors à un coût si prohibitif que le consommateur nord-américain sera découragé d'en acheter.

Il est inutile de préciser combien cette mesure, si elle devait être appliquée, pénaliserait non seulement un bassin de production ne vivant pratiquement que du roquefort, mais encore un département dont l'économie repose essentiellement sur l'élevage et l'agroalimentaire.

Le roquefort constitue un produit phare puisqu'il fut, voilà plusieurs décennies, le premier fromage français au lait cru importé par les États-Unis.

Bien sûr, l'annonce de cette nouvelle a provoqué de vives réactions. Certains élus de la région Midi-Pyrénées, avec à leur tête Martin Malvy, président du conseil régional, ont été reçus, le 21 janvier dernier, à l'ambassade des États-Unis, à Paris, avec des représentants socioprofessionnels de la filière du roquefort.

Le ministre conseiller de l'ambassade, chargé des affaires économiques, M. Winnick, a, d'une manière au demeurant très courtoise, écouté avec attention les protestations émises par cette délégation.

Il nous a assuré qu'il les transmettrait à la nouvelle administration américaine, alors en constitution, sans naturellement s'engager davantage. Il ne nous a pas dissimulé que le roquefort avait été sciemment choisi, j'ajouterai de manière emblématique, pour faire plier la France et l'Europe.

Cette « prise d'otage » avait pour objectif, par ce coût prohibitif, de nous contraindre à nous retirer purement et simplement du marché américain. Il convient de savoir, en effet, que, pour se maintenir sur ce marché, où le roquefort est déjà taxé à 100 %, il en coûte 1,2 million d'euros par an aux producteurs laitiers, et autant aux entreprises agroalimentaires. Qu'en sera-t-il donc avec une taxation à 300 % ?

À ce jour, ce combat ne peut qu'être relayé au plus haut niveau de l'État, c'est-à-dire par vous-même, monsieur le ministre, et sans doute, via notre ambassade à Washington, par votre collègue ministre des affaires étrangères. Celui-ci, du reste, s'est engagé récemment, sur les radios, à combattre le protectionnisme américain, à l'heure où s'établissent les premiers échanges avec la nouvelle administration, en particulier avec la nouvelle Secretary of State chargée des affaires étrangères, Mme Clinton.

J'ai naturellement conscience, monsieur le ministre, de l'extrême difficulté que représente la tentative de fléchissement d'une administration américaine aussi pragmatique que rigide dans ses décisions, notre histoire commune l'a si souvent montré !

Je conserve l'espoir de voir ce conflit réglé, tout à la fois dans l'intérêt de la vieille amitié unissant la France et les États-Unis et dans celui des départements du « rayon » du roquefort, l'Aveyron, le Tarn, l'Hérault, l'Aude, le Gard et la Lozère.

Mes deux questions sont les suivantes.

Quelles sont les initiatives que le gouvernement français entend mettre en œuvre pour dissuader l'administration américaine de surtaxer à 300 % le roquefort ?

Si, par malheur, le roquefort demeurait taxé à 300 %, quelles mesures de soutien à la filière le Gouvernement entend-il prendre pour permettre à ce produit de se maintenir, malgré tout, sur le marché américain ?

Monsieur le ministre, je vous remercie par avance de votre réponse à laquelle, soyez-en certain, tout un territoire est attentif.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, bien plus que de protectionnisme, il s'agit d'une mesure de rétorsion, assez médiocre au demeurant et, en tous les cas, totalement injustifiée, face à l'interdiction européenne du bœuf aux hormones produit aux États-Unis. C'est de cela qu'il s'agit.

Les sanctions mises en place par les États-Unis visent, au-delà du seul roquefort, vous l'avez très bien dit, des productions emblématiques : des viandes, des fruits et légumes, des champignons, des céréales, du chocolat, des châtaignes, des jus de fruits, des eaux minérales et des graisses. Les États-Unis ont ciblé des productions phare de tous les pays européens.

Monsieur Fauconnier, je me suis rendu à Washington le lundi 9 février pour rencontrer le nouveau ministre américain et le négociateur, M. Peter Allgeier, US Trade Representative par intérim. Nous ne fermons pas la porte à un dialogue à l'amiable avec la nouvelle administration Obama pour résoudre le problème, mais nous ne transigerons pas sur notre modèle européen de qualité et de sécurité sanitaire.

Notre législation, qui interdit d'importer du bœuf aux hormones, est fondée scientifiquement sur des analyses démontrant l'existence d'un risque. Nous appliquons donc un principe que je connais assez bien, puisque j'ai été le premier, ici même, en tant que ministre de l'environnement, à l'introduire dans la loi française en février 1995 : je veux parler du principe de précaution.

L'Europe a lancé, dès le 22 décembre 2008, un nouveau recours à l'OMC, pour faire reconnaître que sa législation sur le bœuf aux hormones est légitime, et la Commission européenne pourrait aussi attaquer directement ces nouvelles sanctions à l'OMC.

En toute hypothèse, nous avons la volonté de soutenir les producteurs de roquefort concernés par ces problèmes d'exportation.

Voilà pourquoi nous avons pris des mesures visant à promouvoir les produits touchés par les sanctions sur le marché américain, par exemple des tarifs préférentiels pour leur participation à des salons ou de la promotion dans les réseaux de distribution.

Je peux également citer, plus concrètement, un accord que j'ai conclu au mois de décembre dernier avec le ministre australien compétent pour rouvrir le marché à l'exportation de roquefort. La levée de barrières sanitaires permet de dégager un nouveau marché important dans cette région lointaine en compensation, au moins partielle, du marché américain actuellement fermé.

Monsieur Fauconnier, je rappelle que, dans le cadre du bilan de santé de la politique agricole commune, vous n'aurez pas à attendre longtemps pour connaître les décisions du Gouvernement en vue de la réorientation d'un certain nombre d'aides. Nous allons faire un effort particulier en faveur du secteur ovin, qui prendra la forme d'un soutien à l'herbe auquel les éleveurs ovins seront éligibles avec d'autres, ainsi que d'une mesure spécifique dans le cadre de l'article 68.

J'ai été sensible, vous pouvez en être certain, au témoignage que vous avez apporté au nom de toutes les régions de ce territoire. Je vous assure de la solidarité des plus hautes autorités de l'État, et naturellement, du ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.

M. Alain Fauconnier. Sur les 10 000 tonnes de fromages AOC qui sont importées, le roquefort compte pour 3 800 tonnes. Nous voyons bien, compte tenu de notre actuelle balance des paiements, combien ces opérations sont importantes et à quel point il est essentiel de se mobiliser. Monsieur le ministre, je compte sur votre action et, par avance, je vous remercie.

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