Question de M. SOUVET Louis (Doubs - UMP) publiée le 29/05/2008

M. Louis Souvet attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la complexité des négociations OMC. Tout comme un cloisonnement plus étanche entre les négociations sur les mécanismes généraux de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et le règlement des différends commerciaux en cours, il préconise une instance dédiée aux seuls problèmes et productions agricoles. Il lui demande de présenter ce mécanisme au demeurant fort attendu car évitant des trocs entre des secteurs aux logiques totalement différentes.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé du développement de la région capitale publiée le 04/06/2008

Réponse apportée en séance publique le 03/06/2008

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet, auteur de la question n° 266, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Louis Souvet. Monsieur le secrétaire d'État, j'ai construit mon propos en m'adressant au ministre de l'agriculture. Vous voudrez donc bien accepter mes questions comme si vous étiez vous-même en charge de ce ministère. (Sourires.) Quoi qu'il en soit, je ne doute pas que vous saurez transmettre à votre collègue la teneur de mon intervention.

Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, vous vous interrogez sur la nécessité de mettre en place une instance de négociation uniquement dédiée à l'agriculture. Vous posez le problème de la place de l'agriculture au sein d'une négociation globale, véritable inventaire à la Prévert s'il en est.

Pour l'heure, nous ne pouvons que constater la place du volet agricole au sein de ce triangle du troc, au moins aussi fameux que son homologue des Bermudes, à savoir les marchandises, les services et l'agriculture. La référence au triangle des Bermudes n'est pas fortuite, loin s'en faut, quand on connaît le nombre de « secteurs » ayant eu à pâtir de ladite triangulation.

Ici, il n'y a pas de phénomène surnaturel, mais seulement les méandres de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce : une organisation où la négociation est de plus en plus complexe avec un « partenaire » américain, parlant d'une seule voix, qui plus est soumis aux fluctuations de sa vie politique interne et y soumettant de facto l'OMC ; une organisation avec des pays émergents qui participent au phénomène de multipolarisation ; une négociation avec des pays en voie de développement pour qui le terme dumping social est considéré comme un tabou ; une négociation marquée par la pluralité d'opinions et d'approches de nos partenaires communautaires, sans guillemets cette fois, mais c'est peut-être ici faire preuve d'optimisme de ma part.

Cette pluralité d'opinions communautaires n'est pas simple à gérer pour vous, monsieur le ministre, mais également pour vos autres collègues du Gouvernement concernés par la problématique de l'OMC.

Lorsque vous vous interrogez sur la nécessité de travailler sur le seul terrain agricole, vous rejoignez les préoccupations du président du groupe des négociations sur l'agriculture, Crawford Falconer, qui, le 30 avril 2008, accédait à la demande de certains membres de disposer de plus de temps avant l'élaboration d'une autre révision du projet de modalités, le projet d'accord final.

Vous rejoignez également l'état d'esprit des exploitants, qui déplorent à juste titre que le volet agricole soit au mieux considéré comme une variable d'ajustement vis-à-vis de quelques fleurons industriels.

Je n'ai rien contre ces secteurs qui sont encore – heureusement pour certains – créateurs d'emplois et générateurs de richesses au sens économique du terme. Mais ce qui me choque, et je ne suis pas le seul dans ce cas, c'est le mélange des genres, le fameux pot commun aux trois ingrédients, à savoir l'industrie, les services et l'agriculture. Les calculs, les intérêts croisés sont déjà suffisamment complexes pour qu'il ne soit pas nécessaire d'ajouter des variables externes à chacun de ces trois domaines.

Tout en saluant la tâche ardue des négociateurs tant français que communautaires, je vous demanderai, en conclusion, monsieur le ministre, de bien vouloir développer ici le schéma qui permettrait de travailler au sein de la spécificité agricole avec le moins d'interférences possibles, même si des parasitages ne sont pas exclus entre les domaines en question, éventualités dont je suis par ailleurs conscient. Il faut toujours chercher à améliorer l'OMC, à l'amender. Rien ne serait plus stérile que de condamner l'Organisation mondiale du commerce sans discernement via une posture prétorienne.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale. Monsieur le sénateur, accompagnant actuellement le Président de la République au sommet de la FAO à Rome, M. Barnier ne peut être présent pour répondre à votre importante question. Je me ferai donc son porte-parole aujourd'hui, et ce avec d'autant plus de plaisir que j'ai gardé de mes quelques années de collaboration avec Edgard Pisani un goût marqué pour les questions agricoles.

Les règles qui sont actuellement négociées au sein de l'Organisation mondiale du commerce ont pour ambition de régir l'ensemble du commerce mondial : produits agricoles, produits industriels, services, etc. Dans sa logique même, cette négociation suppose que les membres de l'OMC s'échangent des concessions sur des secteurs totalement différents, par exemple entre l'agriculture et l'industrie.

Pourtant, l'agriculture ne peut se réduire, comme vous l'avez dit, à une variable d'ajustement dans les négociations commerciales, car l'alimentation est un enjeu stratégique. La crise alimentaire mondiale le souligne clairement, tout comme elle montre qu'une libéralisation commerciale aveugle n'est pas une solution pour le secteur agricole. Le commerce ne peut être la seule réponse à cette crise.

L'enjeu aujourd'hui, c'est d'abord de produire plus pour nourrir une population mondiale qui atteindra 9 milliards d'habitants en 2050.

L'enjeu aujourd'hui, c'est de coordonner l'aide alimentaire d'urgence, de soutenir la relance de la production pour la prochaine campagne agricole dans les pays du Sud, d'aider ces pays à se doter d'une véritable politique agricole et à relancer leurs investissements dans ce secteur.

Bref, l'agriculture mondiale a besoin de régulation et de coordination entre les pays producteurs plus que de la libéralisation poussée par l'OMC, qui profitera aux pays émergents agro-exportateurs, mais qui n'apportera pas de réponse structurelle à la question des équilibres alimentaires mondiaux.

En regard de ces enjeux, il est légitime de réfléchir à une nouvelle gouvernance mondiale en matière agricole afin de mieux coordonner les interventions des Nations unies, des institutions financières internationales, des États, du secteur privé et des organisations non gouvernementales. Tel est le sens du partenariat mondial pour l'agriculture et l'alimentation que le Président de la République présentera aujourd'hui même au sommet de la FAO à Rome.

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet.

M. Louis Souvet. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de la réponse que vous m'avez apportée.

Ma question tombait à point nommé, puisque je n'ignorais pas le sommet de la FAO à Rome et j'imaginais bien que M. Michel Barnier y serait présent, comme il se doit.

Tout le monde reconnaît que l'alimentation est un enjeu stratégique. Le commerce ne peut donc pas être la seule composante de cette triangulation. Je suis donc d'accord sur le fait qu'il faut mieux coordonner nos interventions et mieux prévoir l'avenir. Il y a là un enjeu de guerre mondiale.

La lutte contre la faim doit nous mettre dans une position d'attaquant et notre agriculture en tirer les conséquences. Les paysans américains ne doivent pas être les seuls à profiter de cette situation et à pouvoir nourrir le monde convenablement.

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