Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 24/04/2008

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur l'emploi du Taser X26.
Il est à noter que dans un rapport sur le Portugal du 23 novembre 2007, le comité de l'ONU contre la torture exprime sa préoccupation quant à l'acquisition récente par l'État partie d'armes électriques « Taser X26 ». Le comité s'inquiète de ce que l'usage de ces armes provoque une douleur aiguë, constituant une forme de torture, et que, dans certains cas, il peut même causer la mort. La dangerosité de cette arme de 4e catégorie est donc confirmée.
Pourtant, il serait envisagé très prochainement que le ministère de l'intérieur modifie le décret du 24 mars 2000 qui dresse la liste des armes dont peuvent être dotés les 17 000 policiers municipaux, de telle sorte que le Taser puisse faire partie de cette liste, alors que le précédent ministre de l'intérieur s'était prononcé contre la banalisation de l'emploi de cette arme. Par ailleurs, le préfet de Seine-et-Marne avait attiré l'attention sur certains risques de dangers liés à l'utilisation de cette arme. La Commission nationale de déontologie de la sécurité a d'ores et déjà relevé deux cas manifestes d'usage disproportionné du Taser X26. On constate que le Taser X26 est utilisé de manière disproportionnée par les personnels pourtant particulièrement formés pour les opérations de maintien de l'ordre tels que la police nationale et la gendarmerie. Cet état de fait ne laisse pas d'inquiéter sur ce qui adviendra si 17 000 policiers municipaux ont à leur disposition cette arme.
Compte tenu de ces éléments, il serait inquiétant que le gouvernement modifie effectivement le décret du 24 mars 2000.
L'ensemble de ces éléments nouveaux l'amènent à renouveler son souhait qu'un moratoire sur l'utilisation du Taser X26 soit prononcé ou, pour le moins, qu'il y ait une limitation du port de ces armes aux unités d'élite de la police et de la gendarmerie. Elle lui demande également ce qu'elle compte faire afin que son usage ne soit en aucun cas étendu aux policiers municipaux.

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Réponse du Secrétariat d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales publiée le 21/05/2008

Réponse apportée en séance publique le 20/05/2008

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la question n° 227, adressée à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le secrétaire d'État, je me permets d'attirer votre attention sur l'emploi du Taser X26 – c'est tout un programme ! –, arme sur laquelle j'avais cru avoir précédemment quelques assurances, alors qu'en fait il n'en est rien.

Dans un rapport sur le Portugal du 23 novembre 2007, le comité de l'ONU contre la torture exprimait sa préoccupation quant à l'acquisition récente par l'État partie d'armes électriques Taser X26.

Le comité s'inquiétait du fait que l'usage de ces armes provoque une douleur aiguë, constituant une forme de torture, et que, dans certains cas, il peut même causer la mort. La dangerosité de cette arme de quatrième catégorie est donc confirmée.

Pourtant, Mme Alliot-Marie a fait savoir la semaine dernière que serait envisagée très prochainement une modification du décret du 24 mars 2000, qui dresse la liste des armes dont peuvent être dotés les 17 000 policiers municipaux, de telle sorte que le Taser puisse faire partie de cette liste.

Je note qu'une telle décision irait à l'encontre même de la déclaration du précédent ministre de l'intérieur, actuel Président de la République, qui s'était prononcé contre la banalisation de l'emploi de cette arme. C'est la raison pour laquelle je regrette d'être obligée d'interroger le Gouvernement aujourd'hui.

Je note aussi que des préfets, tel celui de la Seine-et-Marne, avaient attiré l'attention sur certains dangers liés à l'utilisation de cette arme par les policiers municipaux.

Par ailleurs, la commission nationale de déontologie de la sécurité a d'ores et déjà relevé deux cas manifestes d'usage disproportionné du Taser X26. On constate que celui-ci est utilisé de manière disproportionnée par les personnels pourtant particulièrement formés pour les opérations de maintien de l'ordre tels que la police nationale et la gendarmerie. Selon la réponse officielle de la France au comité européen pour la prévention de la torture, 83 % des usages du Taser X26 par la gendarmerie nationale ne relevaient ni de la légitime défense ni de l'état de nécessité prioritairement envisagés dans les procédures internes.

Cet état de fait ne laisse pas d'inquiéter sur ce qu'il adviendra si 17 000 policiers municipaux disposent de cette arme.

Aussi, l'ensemble de ces éléments m'amène à renouveler mon souhait de voir prononcer un moratoire sur l'utilisation du Taser X26 ou, pour le moins, de voir limiter le port de ces armes aux unités d'élite de la police et de la gendarmerie. À l'instar de mes collègues de l'Association nationale des élus communistes et républicains, je pense que l'usage de cette arme ne devrait en aucun cas être étendu aux policiers municipaux.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Madame la sénatrice, je note d'abord avec plaisir la référence très positive que vous faites à l'ancien ministre de l'intérieur, aujourd'hui Président de la République. (Sourires.)

Vous avez interrogé Mme la ministre de l'intérieur sur l'emploi du Taser X26.

Aujourd'hui, les unités les plus exposées de la police et de la gendarmerie sont équipées de pistolets à impulsions électriques en nombre restreint : 1955 pour les policiers et 1500 pour les gendarmes.

Si cette dotation a vocation à être augmentée, il n'est nullement question d'en banaliser l'emploi, madame la sénatrice.

Dès maintenant, la dotation et l'usage d'un Taser X26 s'inscrivent dansun cadre juridique particulièrement rigoureux.

Les pistolets à impulsions électriques utilisés sont tous équipés de systèmes de contrôle perfectionnés qui enregistrent les paramètres de chaque tir, c'est-à-dire la date, l'heure, la durée de l'impulsion électrique, ainsi que d'un dispositif d'enregistrement audio et vidéo, lequel se déclenche à chaque utilisation de l'arme. Il y a donc un maximum de garanties.

Par ailleurs, le modèle X26, dotant les unités françaises, est nettement moins puissant que le M26 utilisé par certaines polices, notamment au Canada.

De plus, les utilisateurs de cette arme sont spécifiquement formés et individuellement habilités.

Assortie de ces garanties, l'utilisation du Taser X26 constitue, nous semble-t-il, une réponse appropriée à certains comportements violents, voire ultra-violents, permettant d'adapter la riposte des forces de l'ordre de manière proportionnée à la situation rencontrée en neutralisant une personne menaçante ou dangereuse pour elle-même ou pour autrui.

L'utilisation de cette arme non létale minimise, en effet, les risques de blessures tant pour les personnes interpellées que pour les agents des forces de l'ordre.

Le rapport de la Commission nationale de déontologie de la sécurité pour 2006 comporte, comme vous le soulignez, deux avis relatifs à des dossiers concernant l'utilisation d'un pistolet à impulsions électriques par les forces de la police nationale.

Dans les deux cas, les faits se sont produits en 2005 avant la parution de l'instruction d'emploi, laquelle définit désormais les règles, les modalités et les précautions d'emploi de cette arme.

S'agissant de son utilisation par les policiers municipaux, le ministre de l'intérieur a créé, en octobre 2007, un groupe de travail associant des représentants de l'État, des maires et des syndicats des policiers municipaux.

Ce groupe de travail a notamment conclu que cette utilisation est conditionnée par une formation complète, en rappelant que l'utilisation du Taser X26 doit faire l'objet d'un agrément préalable donné par le préfet et le procureur de la République.

Un décret sera prochainement présenté au Conseil d'État, l'objectif étant de le publier dès l'été prochain.

Cette évolution réglementaire donnera un cadre juridique aux nouvelles demandes de nombreuses collectivités territoriales en matière de dotation de leur police municipale en armes non létales, les textes en vigueur leur permettant déjà de disposer d'armes à feu.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le secrétaire d'État, votre réponse ne me satisfait pas. Je savais qu'un groupe de travail avait été créé sur ce sujet ; mais le décret que vous envisagez de publier va inévitablement étendre les possibilités de l'utilisation du Taser X26 et, par là même, les risques dus à l'utilisation d'une telle arme.

En 2006, un malade mental a fait l'objet de sept tirs de Taser effectués par un policier et a été atteint six fois. Il a alors fait un arrêt cardiaque. Certes, un massage cardiaque a permis de le ranimer ; mais les massages cardiaques ne réussissent pas toujours…

L'usage de cette arme est parfaitement disproportionné. D'ailleurs – soyons clairs –, il va à l'encontre des conventions internationales dont notre pays est pourtant partie prenante, et de lois nationales concernant la proportionnalité de l'utilisation d'engins de contrainte vis-à-vis des personnes, y compris celles considérées comme dangereuses.

Le comité de l'ONU contre la torture recommandait ni plus ni moins d'envisager de renoncer à ce type d'arme. Or vous me répondez que l'utilisation du Taser X26 sera encadrée – encore heureux ! – par une formation spécifique, mais vous vous donnez la possibilité d'étendre considérablement le nombre de personnes habilitées à l'utiliser. Cela va donc totalement à l'encontre des préoccupations que j'ai exprimées. Cette arme est extrêmement dangereuse, et je regrette que vous me disiez aujourd'hui que son utilisation va être banalisée.

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