Question de Mme HERMANGE Marie-Thérèse (Paris - UMP) publiée le 20/03/2008

Mme Marie-Thérèse Hermange attire l'attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative sur le retard de la France dans la conservation d'unités de sang placentaire. Ces unités de sang placentaire contiennent des cellules souches qui permettent de soigner certaines pathologies et recèlent d'immenses espoirs thérapeutiques. Conserver les cellules du sang du cordon ombilical permet aujourd'hui de traiter plusieurs maladies hématologiques : leucémies, lymphome, drépanocytose, aplasie médullaire, hémoglobinopathie. A l'avenir, elles laissent présager un usage plus large si les découvertes actuelles sur leurs applications thérapeutiques dans divers domaines se confirment.

Or, il est préoccupant de constater que la France occupe à l'heure actuelle le 16ème rang mondial dans ce domaine, loin derrière ses voisins européens, puisqu'elle conserve 6076 unités de sang placentaire quand l'Italie en conserve 14 000, ou que l'Espagne en totalise 28 000. Ce faible nombre est insuffisant à l'aune des besoins thérapeutiques et ne permet pas une véritable recherche fondamentale ambitieuse française.

La France fut pourtant d'abord un précurseur en la matière avec la première du Professeur Eliane Gluckman en 1987, qui réussit la première greffe mondiale de sang placentaire.

La revue « Science » datée du 28 juillet 2006 ne liste pas moins de 85 pathologies soignées par des cellules souches adultes et issues de sang de cordon. Le don du sang de cordon ombilical tend également à remplacer le don du sang de moelle osseuse d'autant qu'il est sans douleur, de disponibilité infinie et immédiate (s'il a été conservé dans une banque de sang placentaire) et que sa greffe soulève moins de problèmes de compatibilité tissulaire entre donneur et receveur. D'où la nécessité de conduire une politique nationale de collecte et de stockage du sang de cordon ombilical.

Il s'agit tout d'abord de retrouver notre place de leader en la matière, avec tous les espoirs thérapeutiques que cela représente pour des milliers de Français, mais aussi d'éviter d'importer des unités de sang placentaire, ce qui a un coût plus que conséquent. Ainsi, en 2006, 53% des unités placentaires, soit 136 unités, ont été importées, ce qui a un coût oscillant entre 15 et 25 000 euros selon le pays de provenance.

Certes, l'agence de biomédecine a annoncé un plan pour conserver d'ici trois ans 10 000 unités de sang placentaire. Cet effort est louable mais il va sans dire qu'il est nettement insuffisant au regard du chiffre nécessaire pour satisfaire la demande, qui serait de neuf unités de sang placentaire pour 100 000 habitants, soit 50 000 greffons de sang de cordon.

Compte tenu des applications thérapeutiques actuelles et des espoirs que les cellules souches du sang de cordon contiennent pour la médecine générative (diabète, infarctus de myocarde, maladies neurologiques dégénératives...), elle lui demande quelle politique de santé publique elle envisage de mener dans ce domaine.

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Réponse du Ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative publiée le 30/04/2008

Réponse apportée en séance publique le 29/04/2008

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, auteur de la question n° 187, adressée à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Madame la ministre, ma question porte sur la politique conduite par la France en matière de conservation d'unités de sang placentaire et de sang du cordon ombilical, car nous sommes aujourd'hui confrontés à un paradoxe.

En 1987, une équipe américaine avait envoyé un enfant, alors âgé de cinq ans, atteint de la maladie de Franconie, pour le faire soigner, à l'une des équipes françaises de l'hôpital Saint-Louis, dirigée par le professeur Éliane Gluckman, qui avait réalisé la première greffe mondiale de sang placentaire. L'opération fut un succès et cet enfant a aujourd'hui vingt-cinq ans.

Or la France est aujourd'hui reléguée au seizième rang mondial, après la Tchéquie, en matière de collecte de sang de cordon. Nous conservons 6 076 unités de sang placentaire, alors que l'Italie en totalise 14 000 et l'Espagne 28 000.

Ces unités de sang placentaire contiennent des cellules souches qui permettent de soigner certaines pathologies et autorisent d'immenses espoirs thérapeutiques. Une revue américaine, datée du 28 juillet 2006, ne liste pas moins de 85 pathologies soignées par des cellules souches adultes et issues de sang de cordon.

Le don du sang de cordon ombilical tend également à remplacer le don du sang de moelle osseuse, car il est sans douleur, de disponibilité infinie et immédiate, et sa greffe soulève moins de problèmes de compatibilité tissulaire entre le donneur et le receveur.

En 2006, les greffes de sang de cordon ont ainsi représenté 13,5 % des greffes de cellules souches hématopoïétiques réalisées en France. Au regard du nombre insuffisant de donneurs bénévoles de moelle osseuse inscrit sur le fichier français – on en recense 150 000 et l'Agence de la biomédecine en recherche 10 000 de plus –, il paraît d'autant plus nécessaire de conduire une politique nationale de collecte et de stockage du sang de cordon ombilical.

Il s'agit non seulement de retrouver notre place de leader en la matière, mais aussi d'éviter d'importer des unités de sang placentaire, dont le coût est important. En effet, l'importation d'une unité de sang placentaire coûte à la sécurité sociale, selon le pays de provenance, de 15 000 euros à 25 000 euros.

Certes, l'Agence de la biomédecine a annoncé un plan pour conserver d'ici à trois ans 10 000 unités de sang placentaire. Cet effort est insuffisant, puisque, pour satisfaire la demande, il faudrait neuf unités de sang placentaire pour 100 000 habitants, soit 50 000 greffons de sang de cordon.

Aujourd'hui, le sang de cordon est considéré comme un déchet opératoire. Lorsqu'une femme accouche, on ne lui propose pas de conserver le sang du cordon ombilical de son enfant.

Notre système, qui repose sur le bénévolat, l'anonymat et le financement public, montre aujourd'hui ses limites. Certains pays, notamment l'Espagne et l'Italie, se sont engagés dans une politique de coexistence de banques privées et publiques.

Je tenais à vous alerter, madame la ministre, sur l'urgence et la nécessité de conduire une politique de santé publique volontaire dans ce domaine. Je souhaiterais savoir quelles mesures concrètes supplémentaires vous seriez susceptible de prendre pour compléter la politique engagée par l'Agence de la biomédecine.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Madame la sénatrice, vous avez bien voulu appeler mon attention sur la politique de conservation des unités de sang placentaire en France.

Le sang placentaire, qui est l'un de vos sujets de prédilection, contient, comme vous l'avez souligné, des cellules souches pouvant aider à soigner certaines pathologies.

Le développement des banques en assurant la conservation est l'un des objectifs inscrits dans le contrat de performance que mon ministère a passé avec l'Agence de la biomédecine, qui est donc le maître d'ouvrage dans ce domaine. L'intérêt thérapeutique du sang placentaire, notamment dans le cadre de la prise en charge des hémopathies malignes, est ainsi clairement pris en compte.

L'objectif, que vous estimez insuffisant mais qui est ambitieux, est de doubler le nombre d'unités de sang placentaire, pour atteindre les 10 000 unités. Les mesures prévues consistent à rouvrir des banques qui avaient fermé, comme celle de Paris-Saint-Louis, à renforcer le recrutement des deux banques de sang placentaire de Bordeaux et de Besançon, par la collaboration avec de nouvelles maternités, et à ouvrir de nouvelles banques.

Dans le cadre de l'appel à candidatures lancé en vue de la création de ces nouvelles banques, l'Agence de la biomédecine est en train d'examiner les dossiers sur les plans organisationnel et médical.

L'ouverture de nouvelles banques représente un lourd investissement. Le dispositif à mettre en place est complexe. Il implique une organisation faisant intervenir des acteurs multiples.

De plus, il convient de garantir la qualité et la sécurité sanitaire des unités de sang placentaire tout au long d'une chaîne thérapeutique qui va de la collecte du sang à la greffe. Il en découle la nécessité d'évaluer les banques et les produits sur le plan médico-technique, de former des équipes, d'organiser la coordination et l'implication des acteurs, notamment des maternités, de leur personnel et des parturientes concernées.

Il faut aussi garantir la mise en place du circuit de prélèvement et d'acheminement des unités vers le laboratoire de thérapie cellulaire ou encore l'inscription sur le registre des donneurs de cellules souches hématopoïétiques. Je dois souligner, pour en avoir discuté avec un certain nombre de mes collègues ministres européens de la santé – et ce sera encore plus le cas dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne – que, si des pays sont devant nous dans ce domaine, ils ne respectent certainement pas nos cahiers de bonnes pratiques ni notre niveau d'exigence. Il est plus facile d'avoir de meilleurs résultats quand on renonce à certaines normes de qualité.

La mise en œuvre de ce dispositif complexe explique que les résultats liés à la montée en charge des banques de sang placentaire ne puissent être ni immédiats ni spectaculaires. Je note également que notre niveau d'exigence en matière d'éthique est très élevé : aucun organe, aucune partie du corps humain ne doit pouvoir faire l'objet de démarches commerciales, ce qui n'est pas non plus le cas, je me permets de le rappeler, dans un certain nombre de pays qui ont de meilleurs résultats que nous.

Mme Marie-Thérèse Hermange. La future gestation pour autrui ! (Mme la ministre sourit.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Par ailleurs, les efforts réalisés dans ce domaine doivent s'apprécier dans le contexte plus général des allogreffes de cellules qui utilisent des cellules souches hématopoïétiques, issues non seulement du sang placentaire, mais aussi de la moelle osseuse ou du sang périphérique.

Il est important de développer les allogreffes issues de la moelle osseuse ou du sang périphérique, car le sang placentaire présente l'inconvénient de donner de faibles quantités de cellules souches hématopoïétiques qui ne peuvent être greffées que chez des patients et des enfants de moins de cinquante kilos.

Il convient donc de faire porter nos efforts sur un éventail de mesures, notamment sur le développement des allogreffes.

À cet égard, les mesures prises en faveur de l'augmentation quantitative et qualitative du registre des donneurs de cellules souches hématopoïétiques ont permis à un plus grand nombre de patients d'accéder à la greffe. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette avancée très positive pour la santé de nos concitoyens.

À votre instigation, madame la sénatrice, nous devons poursuivre notre effort, et c'est bien ce que j'ai l'intention de faire !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.

Nous nous trouvons dans une situation paradoxale, à l'instar des deux récents prix Nobel de physique. L'un est français, l'autre allemand, et c'est ce dernier qui détient les brevets !

Dans le domaine du sang de cordon, la France a réalisé une première mondiale, mais elle n'a pas développé une politique.

Par ailleurs, si je conçois que l'on s'oriente vers d'autres recherches pour soigner un certain nombre de pathologies, il serait dommageable pour notre pays que tout ce qui concerne les cellules souches adultes et le sang de cordon ne bénéficie pas d'une attention particulière, afin d'approfondir nos connaissances dans ce domaine.

Enfin, je continue de travailler avec le professeur Gluckman et un certain nombre d'autres médecins de l'Assistance publique, voire de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale. Je vous propose, madame la ministre, de nous réunir ensemble, car j'ai le sentiment que l'Agence de la biomédecine, ainsi que l'Établissement français du sang, seraient susceptibles de lever certaines lourdeurs juridiques, qui empêchent, aussi, de développer une telle politique.

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