Question de Mme BRICQ Nicole (Seine-et-Marne - SOC) publiée le 25/01/2008

Question posée en séance publique le 24/01/2008

Mme Nicole Bricq. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

La crise née aux États-Unis a provoqué une crise de liquidité bancaire et s'est propagée à toute la sphère financière, aujourd'hui globalisée.

La Société générale, à laquelle vient de faire référence l'un de mes collègues, annonce un nettoyage de ses comptes qui résulte de la crise des subprimes, mais aussi d'une fraude bancaire colossale, à hauteur de quarante ou cinquante milliards d'euros, nous dit-on. (Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi esquisse un geste de dénégation.) Autant dire que la situation est grave !

Madame la ministre, nous tenons notre information de la presse ! Je tiens à indiquer que M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique est venu, mardi 22 janvier 2008, parler de l'exécution de la loi de finances pour 2007 devant la commission des finances. Il nous a donné un certain nombre de chiffres relatifs aux rentrées fiscales, notamment au titre de l'impôt sur les sociétés, mais n'a pas dit un mot sur cette affaire ! Nous lui donnons rendez-vous au mois de juin pour nous assurer que les comptes qu'il nous a présentés étaient sincères !

En effet, une réunion secrète (Ah ! sur les travées de l'UMP.) s'est tenue dimanche dernier, sous l'égide du gouverneur de la Banque de France, pour fixer les modalités de sortie de la crise interne à la Société générale. Il est impossible que le Gouvernement n'ait pas été au courant, lorsque le ministre s'est présenté mardi devant la commission des finances. Nous vous demanderons de rendre des comptes sur cette affaire ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Guy Fischer. Nous voulons toute la transparence !

Mme Nicole Bricq. Quoi qu'il en soit, il ne fait plus de doute, aujourd'hui, que les économies réelles seront atteintes par la crise actuelle. Partout, les hypothèses de croissance sont revues à la baisse : le gouvernement allemand vient de le faire, en annonçant une croissance de 1,7 % au lieu de 2 % en 2008. Les conjoncturistes accordent à la France un taux de croissance situé, au mieux, entre 1,7 % et 1,5 %.

Dès l'été 2007, madame la ministre, lors de l'examen du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dit TEPA, projet funeste, le groupe socialiste s'était inquiété de votre absence d'anticipation des risques de crise. Nous avons réitéré nos doutes lors de l'examen de la loi de finances pour 2008 et de la loi de finances rectificative pour 2007. Votre réponse était immuable : confiance et croissance seraient au rendez-vous, il nous fallait être patients ! La confiance s'est muée en défiance, et les 3 % de croissance sont hors de portée.

Madame la ministre, vous avez été interrogée à plusieurs reprises par nos collègues, députés comme sénateurs, d'opposition comme de la majorité. Aux uns et aux autres, vous n'avez pas répondu, ou vous avez répondu à côté, faisant comme si la crise, à l'instar du nuage de Tchernobyl, s'arrêtait à nos frontières ! Les parlementaires et, à travers eux, les Français ont droit à la vérité qui leur avait été promise par le candidat-président.

Aussi, je vous interrogerai donc sur la stratégie économique du Gouvernement. Alors que le cap aurait dû être fixé dès votre prise de responsabilité, vous n'avez cessé de louvoyer, de déplacer les problèmes de fond, sans vous y attaquer. Aujourd'hui, le choc des réalités devrait vous ramener à votre responsabilité !

M. le président. Veuillez poser votre question, ma chère collègue !

Mme Nicole Bricq. Quelle est votre stratégie et de quelles marges de manoeuvre disposez-vous pour réagir ? Si, à nouveau, vous fuyez la question, les Français sauront qu'ils devront payer, après les échéances municipales, votre incohérence, votre imprévoyance et votre incompétence ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. -Exclamations sur les travées de l'UMP.)

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de l'emploi publiée le 25/01/2008

Réponse apportée en séance publique le 24/01/2008

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Madame Bricq, je respecte trop votre compétence technique pour imaginer que vous ayez pu commettre une erreur manifeste concernant le montant des pertes de la Société générale. Vous avez en effet parlé de 40 à 50 milliards d'euros.

Mme Nicole Bricq. Je ne parle pas des pertes ! Je parle des engagements sur lesquels porte la fraude !

Mme Christine Lagarde, ministre. Pour l'ensemble de vos collègues, je tiens à rappeler que la Société générale a décelé une fraude l'amenant à constater des pertes de 4,9 milliards d'euros.

À ces 4,9 milliards d'euros, il convient d'ajouter 2,05 milliards d'euros.

M. Thierry Repentin. C'est si peu...

Mme Christine Lagarde, ministre. Ces pertes résultent de la fraude individuelle d'un salarié, d'une part, et de provisions sur pertes, d'autre part.

Par ailleurs, la Société générale a indiqué ce matin qu'elle réalisait un bénéfice au titre de l'exercice 2007 et qu'elle lançait et sécurisait une augmentation de capital de 5,5 milliards d'euros. Telle est la réalité brute des faits, à laquelle il serait souhaitable que nous nous tenions tous.

Vous me dites que je louvoie. Les Français sont juges : je garde un cap.

M. Charles Revet. C'est vrai !

Mme Christine Lagarde, ministre. Je suis têtue, et je conserverai donc ce cap ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. David Assouline. « Droit dans mes bottes ! » D'autres l'ont dit !

Mme Christine Lagarde, ministre. Ce cap, c'est celui de la compétitivité de la France, de la productivité des entreprises, de l'employabilité des salariés, de l'attractivité de notre territoire. Cette politique est la seule que nous puissions suivre si nous voulons que la France mène en tête le jeu de la mondialisation. Compte tenu de l'état de son économie, la France peut le faire !

M. Jacques Mahéas. Elle peut le faire !

Mme Christine Lagarde, ministre. Prenez l'exemple de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, qui a été votée cet été : 50 % des entreprises y ont eu recours dès le deuxième mois d'application ! Les salariés le savent, car ils voient la différence à la fin du mois sur leur feuille de paie !

M. David Assouline. Tout va très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. Toute une série d'autres mesures sont mises en oeuvre, et Xavier Bertrand vous les a commentées à plusieurs reprises : le rachat des RTT (M. Yannick Bodin s'exclame.), la monétisation, un nouveau climat dans les entreprises, la modification du marché du travail, la modification de la relation sociale dans l'entreprise...

M. Jean-Pierre Bel. Ce n'est pas la question !

Mme Christine Lagarde, ministre. Le cap est là, et nous le tenons ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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