Question de Mme PAYET Anne-Marie (La Réunion - UC-UDF) publiée le 29/11/2007

Mme Anne-Marie Payet appelle l'attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports sur les recommandations formulées par l'Académie nationale de médecine contre l'alcoolisation des jeunes.

S'il est vrai que la consommation de boissons alcoolisées diminue régulièrement dans notre pays depuis 40 ans, l'alcool représente néanmoins la deuxième cause de mortalité évitable (après le tabac) dans la population et la première cause chez les jeunes. Elle souligne, par ailleurs, que l'intoxication alcoolique aigüe, plus connue sous le nom de « binge drinking » séduit les jeunes à un âge de plus en plus précoce. Elle ajoute enfin que grâce à la neuro-imagerie, une étude récente a démontré que la consommation d'alcool à un âge très précoce provoque une diminution de la matière grise dans plusieurs zones cérébrales. Devant un constat aussi alarmant, il s'avère indispensable de mettre en place des mesures de prévention adaptée à ce public.

Dans ce contexte, l'Académie nationale de médecine a formulé un certain nombre de recommandations qu'elle trouve des plus pertinentes et qui sont articulées sur deux axes principaux, à savoir : restreindre l'accessibilité aux boissons alcooliques et modifier la réglementation existante.

Elle propose entre autres :
- d'appliquer de façon stricte l'interdiction de vente aux mineurs et, pour ce faire, de simplifier les textes législatifs et réglementaires en la matière afin de faciliter leur application ;
- d'interdire à toute heure la vente de boissons alcoolisées dans les stations service ;
- d'interdire la vente et la consommation de boissons alcooliques dans toutes les manifestations sportives ;
- de ramener le taux d'alcoolémie légale au volant à 0,2g /l pour les conducteurs de véhicules à moteur titulaires d'un permis de conduire probatoire.

Elle aimerait également y ajouter l'interdiction totale, pour les restaurants d'entreprise, de servir des boissons alcoolisées quelles qu'elles soient. Il faudrait pour ce faire modifier l'article L. 232-2 du code du travail.

Outre son rôle bien connu dans l'accidentalité routière en particulier, le mésusage de l'alcool serait également impliqué dans 40 à 50% des homicides et dans 26 à 39% des agressions sexuelles ou physiques. Elle rappelle que l'objectif n° 1 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique consiste à faire passer la consommation annuelle d'alcool par habitant de 10,7l / an en 1999 à 8,5l / an d'ici à 2008. Pour ce faire, des messages de prévention et d'information sont nécessaires.

Aussi, elle lui demande de bien vouloir lui faire connaître les mesures qu'elle entend adopter pour cet objectif et la suite qu'elle entend réserver aux propositions formulées par l'Académie nationale de médecine.

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Réponse du Ministère de la santé, de la jeunesse et des sports publiée le 30/01/2008

Réponse apportée en séance publique le 29/01/2008

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 117, adressée à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

Mme Anne-Marie Payet. Madame la ministre, ma question, qui rejoint celle de mon collègue Adrien Gouteyron, concerne les recommandations formulées par l'Académie nationale de médecine contre l'alcoolisation des jeunes.

S'il est vrai que la consommation de boissons alcoolisées diminue régulièrement dans notre pays depuis quarante ans -vous venez de le préciser, madame la ministre -, l'alcool représente néanmoins la deuxième cause de mortalité évitable, après le tabac, dans la population, et la première chez les jeunes. Ainsi, l'intoxication alcoolique aiguë séduit les jeunes à un âge de plus en plus précoce.

En outre, grâce à la neuro-imagerie, une étude récente a démontré que la consommation d'alcool à un âge très précoce provoque une diminution de la matière grise dans plusieurs zones cérébrales. Devant un constat aussi alarmant, il est vraiment urgent de mettre en place des mesures de prévention adaptées à ce public.

Dans ce contexte, l'Académie nationale de médecine a formulé un certain nombre de recommandations que je trouve des plus pertinentes et qui sont articulées autour deux axes principaux : restreindre l'accessibilité aux boissons alcooliques et modifier la réglementation existante. Voici ses principales propositions.

D'abord, appliquer strictement l'interdiction de vente aux mineurs, notamment en simplifiant les textes législatifs et réglementaires en la matière, afin de faciliter leur mise en oeuvre.

Ensuite, interdire à toute heure la vente de boissons alcoolisées dans les stations-service.

Interdire également la vente et la consommation de boissons alcooliques dans toutes les manifestations sportives.

Enfin, ramener le taux d'alcoolémie légale au volant à 0,2 gramme par litre pour les conducteurs de véhicules à moteur titulaires d'un permis de conduire probatoire.

Je souhaiterais également vous proposer d'ajouter à cette liste l'interdiction totale pour les restaurants d'entreprise de servir des boissons alcoolisées quelles qu'elles soient, car les jeunes qui arrivent dans l'entreprise doivent souvent subir un rite initiatique et boire de l'alcool pour montrer qu'ils sont des hommes, des vrais. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

Pour ce faire, il faudrait modifier l'article L. 232-2 du code du travail, qui proscrit toutes les boissons alcoolisées dans l'entreprise, sauf « le vin, la bière, le cidre, le poiré, l'hydromel non additionnés d'alcool ».

Outre son rôle bien connu dans l'accidentalité routière, en particulier, le mésusage de l'alcool serait également impliqué dans 40 % à 50 % des homicides, dans 26 % à 39 % des agressions sexuelles ou physiques et dans 20 % des accidents du travail.

Nous ne devons pas oublier que le premier objectif de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique est de faire passer la consommation annuelle d'alcool par habitant de 10,7 litres par an à 8,5 litres par an. Pour l'atteindre, des messages de prévention et d'information sont nécessaires.

C'est pourquoi, madame la ministre, je vous demande de bien vouloir m'indiquer les suites que vous entendez réserver aux propositions formulées par l'Académie nationale de médecine, ainsi que les mesures que vous souhaitez adopter pour faire baisser la consommation d'alcool dans notre pays.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice, je vous remercie, car il n'est pas inutile d'avoir aujourd'hui deux questions sur l'alcoolisme des jeunes et, plus généralement, sur l'alcoolisme dans notre pays, étant donné le défi que cela représente en termes de santé publique.

Comme vous l'avez rappelé, d'un point de vue quantitatif, la consommation d'alcool reste stable parmi les nouvelles générations - elle est même en légère régression -, mais les modes d'alcoolisation ont changé et les ivresses alcooliques sont en hausse. Entre 2003 et 2005, les différentes enquêtes de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies montrent une nette augmentation de la fréquence des ivresses, phénomène dont les conséquences en termes d'accidents de la route sont d'ailleurs dramatiques.

Ainsi, les maires qui doivent annoncer aux familles le dimanche matin la mort de leur enfant savent ce qu'il en est et le drame que cela représente. Ceux et celles d'entre nous qui ont eu à le faire en ont gardé un impérissable souvenir.

Plus de la moitié des jeunes de dix-sept ans déclarent avoir été ivres au cours de leur vie. Près de la moitié l'ont été au cours des douze mois précédents, et un sur dix au moins dix fois au cours de cette période.

Cette forme d'intoxication alcoolique aiguë massive peut notamment entraîner des comas éthyliques parfois mortels. Certains ont été signalés dès l'âge de douze ans. De récentes informations ont très justement suscité l'émotion.

La gravité des problèmes d'addiction chez les jeunes est majorée par les polyconsommations. Pour endiguer ce phénomène, il n'y a pas une mesure efficace, mais il existe toute une série d'actions synergiques. Celles qui sont proposées dans le rapport du professeur Roger Nordmann de l'Académie nationale de médecine - vous y avez fait allusion, madame la sénatrice - me paraissent répondre aux nouveaux modes de consommation des jeunes et au problème de l'accroissement de la violence routière liée à la prise de boissons alcoolisées.

Madame Payet, les mesures coercitives que vous avez recommandées, et que j'approuve, ne prendront leur sens qu'accompagnées d'un meilleur suivi des jeunes ayant des difficultés avec l'alcool. Les CSAPA, dont je parlais à M. Gouteyron à l'instant et qui ouvriront des consultations pour les jeunes consommateurs, notamment pour ceux qui ont des problèmes d'ivresses aiguës, pourront assurer ce suivi.

En prenant en charge les différentes addictions, les CSAPA permettront également un traitement plus adéquat des polyconsommations. Nous le savons bien, quand on est « accro », on l'est en général à plusieurs types de drogues licites ou illicites.

Toutefois, évoquer l'alcoolisme des jeunes ne doit pas occulter la consommation de populations plus âgées, voire celle des seniors, qui, liée à la solitude, est trop souvent oubliée, car méconnue.

J'ai l'intention de proposer un certain nombre de mesures très prochainement. Les propositions de l'Académie nationale de médecine y tiendront une part importante.

Je compte revenir les présenter devant la représentation nationale très prochainement. Certaines de ces dispositions viseront plus spécifiquement à lutter contre l'alcoolisation des jeunes. D'autres porteront sur l'offre, dont la réduction devrait nous aider à réduire la consommation d'alcool pur par habitant.

Vous l'avez rappelé, madame la sénatrice, l'alcoolisme se situe au deuxième rang des morts évitables en France. Si les chiffres de la santé sont bons dans notre pays, celui de 100 000 morts évitables est mauvais. Il faut donc promouvoir une véritable politique de santé publique, avec de la prévention et du dépistage. Cela donne tout son sens aux grandes réformes de santé que je veux engager.

Nous voyons également bien l'intérêt de régionaliser toutes ces politiques de santé - vous êtes sénatrice de la Réunion - et de les adapter aux réalités du terrain.

C'est pourquoi je souhaite confier des missions aux agences régionales de santé, afin de mener des politiques de santé publique adaptées. Cela prendra tout son sens dans la lutte que nous souhaitons mener contre l'alcoolisme, en particulier chez les jeunes.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Madame la ministre, je vous remercie de toutes ces précisions.

À travers votre réponse, j'ai bien senti votre détermination à lutter contre ce problème.

Pour ma part, lors de l'examen du projet de loi relatif à la politique de santé publique, j'ai également fait voter des amendements qui tendaient à sensibiliser les jeunes sur le problème particulier du syndrome d'alcoolisation foetale. Il s'agissait d'inclure systématiquement ce thème dans les campagnes de prévention. Si elles sont de plus en plus nombreuses, on a tendance encore à occulter le sujet.

Certes, ce n'est pas le cas à la Réunion, mais, en l'occurrence, il s'agit plutôt de campagnes menées par des associations. En revanche, dans les campagnes organisées par les organismes d'État, le thème est malheureusement occulté.

Madame la ministre, nous allons organiser cette année le grand colloque international sur le thème du syndrome d'alcoolisation foetale que nous n'avions malheureusement pas pu réaliser l'année dernière, comme prévu. Nous comptons sur votre présence.

J'attends tout particulièrement les mesures que vous venez d'annoncer en faveur des jeunes.

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