Question de M. FOUCAUD Thierry (Seine-Maritime - CRC) publiée le 25/05/2006

M. Thierry Foucaud souhaite attirer l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, sur les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre du passeport électronique. Elles concernent en premier lieu l'obligation de fournir des documents originaux (copies intégrales de l'acte de naissance, original de la preuve de nationalité française), ce qui s'avère très difficile pour les personnes nées à l'étranger. Que faire quand l'usager ne dispose plus de tels documents ? En second lieu, les exigences techniques concernant les photographies d'identité sont telles que les refus de délivrance abondent. Les services des mairies ont certes reçu des instructions pour que ces exigences soient satisfaites, mais ces instructions sont parfois contradictoires : en témoigne, par exemple les caractéristiques de l'affiche de la planche de photographies d'identité éditée par le ministère de l'intérieur, avec des photographies sur fond blanc, alors qu'une directive en date du 24 mars 2006 proscrit le fond blanc. Par ailleurs, les photomatons ne répondent pas à ces exigences techniques, et les photographes délivrant des photographies d'identité n'ont pas tous reçu les directives leur permettant d'y répondre au mieux. Les usagers sont souvent contraints de refaire des photographies. Dans sa commune, une personne a ainsi fourni six planches, ce qui représente un coût supplémentaire égal à la moitié du coût du passeport. Enfin, des citoyens ayant déposé leur demande de passeport dans des délais conformes courent le risque de ne pas en disposer à temps, de devoir annuler un voyage longtemps prévu à l'avance, et d'en subir les conséquences, notamment financières. La solution serait, pour ces derniers, de délivrer, transitoirement, un passeport Delphine, sans coût supplémentaire. Il lui demande enfin quelles mesures il envisage de prendre pour raccourcir les délais de traitement des dossiers dans ses services.

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Réponse du Ministère délégué aux collectivités territoriales publiée le 07/06/2006

Réponse apportée en séance publique le 06/06/2006

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, auteur de la question n° 1060, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

M. Thierry Foucaud. Ma question porte sur les passeports électroniques.

Je ne reviendrai pas sur les erreurs passées, le Conseil d'État ayant rappelé le droit, c'est-à-dire la compétence de l'Imprimerie nationale.

La mise en oeuvre du passeport électronique, qui a été institué depuis le 12 avril dernier dans le département de la Seine-Maritime, pose de nombreuses difficultés, tant pour les usagers que pour les communes, voire également pour les services préfectoraux.

S'agissant des communes, permettez-moi de faire, monsieur le ministre, une remarque préalable. Le temps passé à résoudre ces difficultés représente un coût important, sans aucune compensation de l'État. Ces difficultés sont de plusieurs ordres.

En premier lieu, il est désormais obligatoire de fournir notamment la copie intégrale de l'acte de naissance ou l'original de la preuve de nationalité française. Or l'obtention de ces documents est parfois impossible pour les personnes nées à l'étranger. Que peuvent-elles alors faire dans une telle situation ?

En second lieu, les exigences techniques concernant les photographies d'identité sont lourdes, et les instructions à leur sujet sont contradictoires. Il est donc difficile de s'y retrouver.

Les agents des communes font au mieux le travail d'explication auprès des usagers, qui sont mécontents, ainsi qu'auprès des photographes, mais les collectivités ne sont pas particulièrement aidées. Ainsi, le ministère de l'intérieur a envoyé une affiche pour expliquer, à l'appui d'exemples, comment devaient être ces photographies.

Tous les exemples présentés sont sur fond blanc, alors qu'une directive en date du 24 mars 2006 proscrit précisément le fond blanc. Il faut un « fond clair, neutre, uni et en couleur ». Vous exigez par ailleurs, monsieur le ministre, un cadrage très précis, entre trente-deux et trente-six millimètres entre le menton et le sommet du crâne, lequel, nous a-t-on précisé, ne doit pas être confondu avec la base de la racine des cheveux ! On pourrait en rire, mais les retards en matière de délivrance des passeports sont légion.

Par ailleurs, la position de l'axe des yeux fait également l'objet de mensurations strictes. Bien évidemment, les photomatons ne répondent pas à ces exigences techniques. Quant aux photographes qui délivrent des photographies d'identité, ils n'ont pas reçu de directives pour respecter ces cadrages pointilleux. Certains ont été informés par les mairies et se débrouillent tant bien que mal avec ces millimètres, non sans éprouver quelque colère...

Les usagers sont souvent contraints de refaire des photographies. Une personne de ma commune a dû fournir six planches ! Cela représente bien sûr un coût supplémentaire et retarde aussi le délai pour l'obtention du passeport.

Monsieur le ministre, les conséquences peuvent être importantes pour les usagers, puisque certains d'entre eux ont même dû annuler un voyage qui avait été prévu longtemps à l'avance, alors que leurs demandes avaient été déposées dans des délais conformes.

Aujourd'hui, ils sont nombreux à être dans l'attente et à courir le risque de ne pas obtenir leur passeport à temps pour partir. La solution consistant à leur délivrer transitoirement un passeport Delphine sans coût supplémentaire serait bienvenue.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous exprimez vos préoccupations, qui sont d'ailleurs partagées, sur la mise en oeuvre de la réglementation applicable au passeport électronique.

Vous avez tout d'abord évoqué l'impossibilité pour certaines personnes, nées à l'étranger, de produire l'original de l'acte de l'état civil requis pour la délivrance de ce nouveau modèle de passeport ou l'original du titre leur permettant de revendiquer légitimement la nationalité française.

Dans le cadre de ce type de démarche administrative, cette difficulté n'est pas nouvelle, ce qui me conduit à insister sur l'impératif de sécurisation de la procédure de délivrance du passeport électronique.

Il est indispensable d'endiguer le phénomène de la fraude documentaire. Pour ce faire, il est absolument nécessaire de procéder à une analyse de l'original des pièces justificatives et surtout de celles qui permettront de faire un examen approfondi de la possession de la nationalité française par l'usager.

Vous en conviendrez avec moi, j'en suis certain, monsieur le sénateur, l'autorité administrative ne peut se dispenser d'une telle vérification, sauf à vouloir négliger sciemment la sécurité juridique due à nos concitoyens quant aux titres régaliens qui leur sont délivrés.

Toutefois, pour ce qui concerne les personnes nées à l'étranger et qui ne peuvent apporter la preuve directe de leur nationalité française, il a été décidé d'assouplir la règle prévoyant l'exigence systématique d'un certificat de nationalité française, en appliquant le concept de la possession d'état de Français.

S'agissant de la qualité des photographies d'identité, dont vous avez donné les détails avec précision et humour, monsieur le sénateur, je souhaite rappeler que leurs caractéristiques spécifiques, qui sont à l'évidence contraignantes pour l'usager, ont pour origine l'application du règlement européen du 13 décembre 2004 et de la norme ISO qui s'y rattache. Elles ont pour finalité de mettre en oeuvre la technique de la reconnaissance faciale via le recours au composant électronique du passeport.

Afin d'expliciter ces exigences photographiques au public ainsi qu'aux photographes, quel que soit leur statut, les services du ministère de l'intérieur ont choisi la voie d'une concertation régulière avec un consortium représentatif du secteur industriel de la photographie automatique et des artisans photographes.

À ce jour, leurs travaux ont cherché avant tout à privilégier un positionnement adéquat du sujet sur la photo, ce qui a donné lieu à la conception de la planche photographique que vous avez évoquée.

Les premiers enseignements tirés de ce dispositif permettent d'ores et déjà de faire évoluer et d'adapter les outils de communication retenus. De nouvelles réunions sont prévues pour préciser les règles applicables, notamment la couleur de fond autorisée pour les photographies. Les préfectures et les usagers recevront toutes précisions à cet égard.

Enfin, vous souhaitez que soit envisagée la possibilité de délivrer aux usagers, à titre gratuit, un passeport « ancien modèle » dans l'éventualité où leur demande de passeport électronique n'aurait pas pu aboutir à temps pour leur permettre d'effectuer un déplacement à l'étranger. Vous avez d'ailleurs fait allusion à un certain nombre de personnes qui auraient connu cette situation.

Or ce cas n'est aujourd'hui aucunement prévu par les dispositions du code général des impôts définissant la fiscalité applicable au passeport électronique.

En outre, dès lors qu'un site de délivrance se voit équipé de la nouvelle application informatique assurant la gestion du passeport électronique, la possibilité de délivrer des passeports « ancien modèle » n'est plus réservée qu'aux cas d'urgence, soit principalement pour des impératifs humanitaires ou médicaux. Je précise d'ailleurs que ce passeport n'a alors qu'une durée de validité d'un an.

Il ne saurait être envisagé, par une extension de cette possibilité, de contourner l'imprévoyance de certains usagers ou de diminuer la qualité de l'instruction des demandes, dès lors que les préfectures et sous-préfectures ont accompli la démarche de prévenir les usagers de la longueur des délais d'instruction.

Telles sont les précisions que je souhaitais vous apporter, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le ministre, j'ai noté que vous partagiez les préoccupations que je viens d'évoquer, et je comprends votre exigence de sécurisation pour ce qui concerne les actes de l'état civil. Le fait de vouloir assouplir la règle dans certains cas constitue un élément positif.

Toutefois, vous avez parlé de nouvelles réunions concernant la mise en place de ces nouveaux passeports. Quand sont-elles prévues ? Car il faut aller vite !

Par ailleurs, je précise, monsieur le ministre, que les cas que j'ai évoqués concernaient des usagers qui ont demandé à temps leur passeport, mais n'ont pu partir pour l'étranger faute de l'avoir obtenu, les communes et les services préfectoraux ayant fait correctement leur travail.

Je le répète, les charges sont lourdes pour les collectivités. En témoigne la décision du Conseil d'État relative aux conditions de délivrance et de renouvellement des passeports. La commune de Versailles a estimé le coût de la prise en charge de l'instruction des demandes de cartes d'identité à 20 800 euros par an.

Je souhaite que les dispositions nécessaires soient prises afin que les Françaises et les Français souhaitant partir pour l'étranger puissent avoir leur passeport en temps.

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