Question de M. VASSELLE Alain (Oise - UMP) publiée le 30/03/2006

M. Alain Vasselle souhaite de nouveau attirer l'attention de M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille sur le problème de la dépendance des personnes âgées. Lors de l'examen par le Sénat en mai 2004 du projet de loi relatif à l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, le rapporteur a repris, par amendements, certaines des dispositions contenues dans sa proposition de loi n° 145 2003/2004 relative à la création d'une assurance dépendance. Il s'agissait en particulier de prévoir des incitations fiscales et sociales à la souscription d'assurance dépendance, de façon complémentaire et selon les choix de chacun, sachant que quelle que soit la prestation instituée pour répondre aux besoins en la matière, APA ou autre, celle-ci ne sera ni suffisante pour les bénéficiaires ni supportable financièrement par les pouvoirs publics. Ces amendements ont été retirés en contrepartie de l'engagement du Gouvernement de faire réaliser « très rapidement, par ses services, une étude d'impact très précise sur le coût fiscal et social de ce dispositif ». Cet engagement a été réaffirmé à plusieurs reprises. Une mission visant à diligenter une enquête IGAS/IGF sur la faisabilité d'un dispositif d'assurance dépendance en France et sur les exemples étrangers dans ce domaine devait être réalisée à partir de septembre 2004. Récemment, un rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, tout comme celui de la Cour des comptes, ont souligné l'importance d'une mise en oeuvre de réponses adaptées à la dépendance des personnes âgées. En particulier, la souscription d'une assurance dépendance faisait partie des pistes évoquées. Dans le contexte actuel, la garantie d'un financement pérenne de la dépendance demeure donc un enjeu primordial auquel il est urgent de trouver des solutions adéquates. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer, d'une part, l'état d'avancement de la mission que le Gouvernement s'est engagé à réaliser, et d'autre part, les actions que ce dernier envisage de mener dans ce domaine.

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Réponse du Ministère délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille publiée le 12/04/2006

Réponse apportée en séance publique le 11/04/2006

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, auteur de la question n° 1007, adressée à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

M. Alain Vasselle. Je remercie M. le ministre d'avoir pris la peine de venir au Sénat pour tenter de répondre aux interrogations qui sont les miennes sur un sujet qu'il connaît bien, l'allocation d'autonomie des personnes âgées dépendantes, sujet dont j'avais d'ailleurs eu l'occasion de discuter avec son prédécesseur, Mme Vautrin, secrétaire d'État aux personnes âgées. Il avait été alors convenu qu'une mission de l'inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, et de l'inspection des finances serait mise en place pour examiner le problème.

Chacun sait que l'allocation personnalisée d'autonomie connaît une très importante montée en charge, que tant l'État que les collectivités territoriales, en particulier les départements, commencent à s'essouffler et que les moyens publics ne suffiront certainement pas à faire face à la totalité de la dépense.

Avec près de quatre-vingt de mes collègues, j'avais donc déposé une proposition de loi relative à la création d'une assurance dépendance. Nous avions imaginé un dispositif qui permettrait aux Françaises et aux Français de contracter auprès d'une société d'assurance privée ou d'une mutuelle la couverture de ce risque, couverture qui se serait accompagnée d'un intéressement fiscal pour les redevables de l'impôt, lesquels auraient bénéficié d'un allégement correspondant à la cotisation de police d'assurance, et, pour celles et ceux qui ne sont pas imposables sur le revenu, de la possibilité de faire appel au concours de l'aide sociale.

Ce concours de l'aide social s'est pratiqué pendant de nombreuses années dans le cadre de l'assurance personnelle pour la couverture du ticket modérateur, les conseils généraux ayant préféré prendre en charge la couverture de la police d'assurance plutôt que d'avoir à payer des journées d'hôpital, ce qui représentait une dépense lourde.

Un dispositif conciliant à la fois les besoins, les intérêts et les capacités contributives des personnes imposables et de celles qui ne le sont pas est donc envisageable.

J'ajoute que notre proposition permettait également d'établir des perspectives d'avenir sur le plan de l'équilibre financier de l'opération, laquelle aurait allégé dans le temps le poids de la dépense publique.

Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, s'il a été procédé aux simulations financières que le ministre délégué aux personnes âgées de l'époque, notre collègue Hubert Falco, jugeant l'idée intéressante mais souhaitant en mesurer l'impact, s'était engagé à réaliser en contrepartie du retrait des amendements reprenant les dispositions de notre proposition de loi qu'avait déposés M. Lardeux au projet de loi relatif à la prise en charge de l'autonomie et à l'allocation personnalisée d'autonomie. Nous devions être tenus informés...

Puis Mme Vautrin nous avait indiqué qu'elle missionnait plusieurs inspecteurs et qu'un rapport nous serait présenté en septembre 2004. Nous sommes en 2006 et nous n'avons toujours pas de nouvelles.

Monsieur le ministre, où en sommes-nous et avance-t-on ? Quelles sont les intentions du Gouvernement et celui-ci entend-il nous soumettre sous peu des propositions concrètes ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur Vasselle, je voudrais répondre très précisément à votre question, fondée sur l'observation d'une réalité qui ne fait que s'amplifier, celle de la dépendance liée à la prolongation de la durée de vie.

Même si, à un âge donné de la vie, le taux de prévalence de la dépendance est plus faible qu'auparavant, le fait que nous soyons entrés dans une période où les classes d'âge les plus nombreuses arrivent au moment de la retraite laisse prévoir une augmentation des besoins de services en faveur des personnes âgées dépendantes.

Au-delà de la dépendance physique, les maladies neurodégénératives imposent aux services publics responsables de la prise en charge des personnes âgées des tensions croissantes. Aujourd'hui, 850 000 personnes souffrent en France de la maladie d'Alzheimer ou d'une maladie apparentée. Chaque année, 225 000 nouveaux cas apparaissent, et on prévoit qu'à l'horizon 2020 le nombre de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer aura augmenté de plus de 50 % par rapport à 2004.

C'est dire que la question que vous soulevez est fondamentalement justifiée, monsieur Vasselle.

Comment allons-nous financer ces nouveaux besoins ?

Nous avons déjà dû faire face à la montée en régime extrêmement rapide de l'allocation personnalisée d'autonomie, qui avait été créée sans que l'on ait mis au regard de la dépense les financements nécessaires. Ce n'est qu'à la faveur de la création de la journée de solidarité, venue s'ajouter à un effort massif des conseils généraux, que nous avons pu réussir à prendre en charge cette montée en régime de l'allocation personnalisée d'autonomie.

À côté de l'allocation personnalisée d'autonomie, nous devons également considérablement augmenter les crédits pour les établissements médicosociaux et les services de soins infirmiers à domicile. Nous le faisons cette année avec une hausse sans précédent de 13,5 %, hausse qui ne suffira d'ailleurs pas, bien évidemment, à régler le problème en une seule fois.

Nous savons donc que nous avons à la fois devant nous la montée en régime continue de l'allocation personnalisée d'autonomie et celle des prises en charge dans le cadre de l'assurance maladie des personnes âgées lourdement dépendantes. Pour faire face à ces difficultés, plusieurs pistes sont explorées dans le même temps.

Il est vrai qu'il existe, en matière d'assurance vieillesse, des retraites complémentaires, d'ailleurs obligatoires, gérées par des organismes comme l'ARRCO ou l'AGIRC, et, en matière d'assurance maladie, des systèmes de protection complémentaire, gérés par les mutuelles mais aussi par les institutions de prévoyance sociale, sur la base d'accords qui sont le plus souvent des accords d'entreprise, et par les assurances privées. Il est vrai aussi que l'on assiste, en matière de dépendance, à un développement certain des assurances privées.

Pourquoi dès lors ne ferions-nous pas pour la dépendance ce que nous faisons déjà en matière d'assurance vieillesse et en matière d'assurance maladie ? Aucune objection de principe ne s'oppose à ce que nous allions dans cette voie. Il faut simplement, comme en matière de retraite et comme en matière d'assurance maladie, s'assurer que le mode de financement retenu repose sur la solidarité et ne comporte aucun effet d'éviction à l'égard de quelque public que ce soit, en particulier à l'égard des personnes les plus défavorisées.

En tout état de cause, quel que soit le mode de développement retenu, il impliquera nécessairement, comme vous l'avez vous-même rappelé, monsieur le sénateur, une dépense fiscale ou une dépense publique.

Dès lors, il faut se poser la question de savoir comment nous financerons la nouvelle dépense induite par la couverture, en effet nécessaire, de ce risque, car, même si nous faisons appel à un système d'assurance complémentaire venant s'ajouter au système de l'allocation personnalisée d'autonomie et à la prise en charge des personnes âgées dépendantes par les structures médicosociales, nous devrons aussi trouver la bonne ressource pour assurer sa montée en régime.

À cet égard, au-delà des modalités du système que vous proposez, voyons comment peut se concevoir, à l'horizon de cinq ou dix ans, l'évolution de l'ensemble de nos finances publiques et sociales.

La réduction actuelle du chômage doit se poursuivre. Elle a un double impact possible sur nos finances publiques : en premier lieu, la réduction des dépenses d'assurance chômage ; en second lieu, la diminution, tendanciellement et sur plusieurs années, des dépenses liées aux contrats aidés pour le retour à l'emploi.

Nous pouvons faire coïncider cette baisse tendancielle des dépenses liées à un chômage en voie de régression - depuis un an, il diminue fortement mois après mois - et la nécessaire augmentation des dépenses liées à la prise en charge des personnes âgées.

Voilà où en sont nos réflexions, monsieur le sénateur. Elles n'excluent donc aucune solution et reposent sur la recherche d'une plus grande solidarité entre les Français face aux problèmes nés du vieillissement de la population.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Je remercie M. le ministre de sa réponse. Je constate que l'on avance à petits pas,...

M. Raymond Courrière. À très petits pas !

M. Alain Vasselle. ...mais, quand bien même on n'avancerait qu'à un train de sénateur, cela vaut mieux que de rester immobile et de voir le train passer ! (Sourires.)

J'appelle toutefois votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que votre prédécesseur, Mme Vautrin, nous avait dit avoir missionné l'IGAS et l'inspection des finances pour que des simulations financières nous soient présentées.

Je rappelle par ailleurs que, lors de la présentation de la réforme des retraites, M. Fillon tablait également déjà sur la baisse du chômage pour faire basculer les cotisations de l'UNEDIC sur l'assurance vieillesse et financer ladite réforme. C'est peut-être une piste à explorer, mais, à mon avis, la ressource induite par la baisse du chômage ne peut suffire à financer toute une série de mesures !

M. Raymond Courrière. Les crédits baladeurs !

M. Alain Vasselle. Pour ma part, je souhaite donc que la mission de l'IGAS et de l'inspection des finances aille à son terme et que des simulations nous soient présentées afin que nous puissions débattre à nouveau de cette question dans le cadre de la commission des affaires sociales.

L'OPEPS, l'office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, avait d'ailleurs recommandé, avec la Cour des comptes, que la piste ouverte dans notre proposition de loi soit explorée. Il n'y a pas lieu d'attendre trop longtemps pour le faire, car, comme vous l'avez vous-même dit, monsieur le ministre, nous allons très rapidement être confrontés à la nécessité de financer la montée en charge de l'allocation personnalisée d'autonomie.

Vous avez parlé de l'augmentation du nombre des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, mais il y a bien d'autres causes de perte d'autonomie, et il me semble que la voie de l'assurance serait un moyen d'aborder le problème, auquel se heurtent également les conseils généraux, du financement de la prise en charge des personnes âgées dépendantes en permettant d'alléger le poids de la dépense publique.

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