Question de M. DELFAU Gérard (Hérault - RDSE) publiée le 09/02/2006

M. Gérard Delfau attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur l'une des causes structurelles de la très grave crise qui frappe la plupart des vignobles de France, à savoir l'insuffisante régulation de la filière au plan national et la faiblesse du pilotage des mesures d'assainissement du marché par certains bassins de production. Ce manque d'autodiscipline fragilise un secteur économique déjà frappé par la baisse de la consommation intérieure et la concurrence des autres pays producteurs. Une région, le Languedoc-Roussillon, en est tout particulièrement victime, alors qu'elle a accompli les plus grands efforts de qualité de ces trente dernières années. Face à cette situation, dangereuse pour toute la profession, il lui demande s'il ne pense pas qu'il convient de mettre en place, sous son autorité, une structure nationale chargée de rendre les arbitrages, en matière de distillation, de stockage, d'arrachage temporaire ou définitif ? Il s'agirait pour elle de répartir l'effort collectif selon des quotas par bassin de production ; qu'il est opportun que le Gouvernement modifie à cet effet la loi d'orientation récemment votée ; qu'il y a urgence.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la pêche publiée le 08/03/2006

Réponse apportée en séance publique le 07/03/2006

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, auteur de la question n° 936, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je veux attirer votre attention, une nouvelle fois, sur la crise structurelle qui frappe la viticulture du Languedoc-Roussillon et de quelques autres bassins de production.

Les événements graves qui se sont produits hier sur le terrain et qui auraient pu devenir dramatiques soulignent le désespoir absolu de ces vignerons. Les faillites se multiplient, les demandes de RMI affluent et les terres ne sont plus transmises, laissant à une future jachère un foncier très convoité.

Le groupe du RDSE a eu l'occasion, lors d'un entretien avec vous, de faire le point sur cette question et, dans un courrier que je vous ai adressé en janvier dernier, je vous ai soumis un certain nombre de propositions que j'avais élaborées avec l'ensemble de la filière.

Je veux mettre l'accent aujourd'hui sur un élément vital pour sortir de la crise, c'est-à-dire la nécessité de maîtriser l'insuffisante régulation de la filière sur le plan national et la faiblesse du pilotage des mesures d'assainissement du marché par certains bassins de production.

Le manque actuel d'autodiscipline fragilise un secteur économique déjà frappé par la baisse de la consommation intérieure et la concurrence des autres pays producteurs. Ma région, le Languedoc-Roussillon, en est tout particulièrement victime, alors qu'elle a accompli les plus grands efforts de qualité au cours de ces trente dernières années.

M. Raymond Courrière. C'est exact !

M. Gérard Delfau. Face à cette situation, dangereuse pour toute la profession et toute la région, je vous demande, monsieur le ministre, si vous ne pensez pas qu'il conviendrait de mettre en place, sous votre autorité, une structure nationale chargée de rendre les arbitrages, en matière de distillation, de stockage, d'arrachage temporaire ou définitif.

M. Raymond Courrière. Très bien !

M. Gérard Delfau. Il s'agirait, pour elle, de répartir l'effort collectif selon des quotas par bassin de production.

Ne serait-il pas opportun que le Gouvernement propose au Parlement de modifier à cet effet la loi d'orientation agricole récemment votée ?

Revenant sur les événements d'hier, je souligne l'urgence qu'il y a à trouver des solutions. Le terme du 6 avril prochain que vous avez vous-même fixé pour rendre vos arbitrages est lointain. Sur place, on attend des réponses de fond.

M. Raymond Courrière. Oui, et rapides !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, tout d'abord, je vous remercie des propositions que vous m'avez adressées et auxquelles je vous ai d'ailleurs répondu. Nous avions en effet travaillé sur la question avec le groupe du RDSE, sous l'autorité du président Jacques Pelletier.

Vous avez raison de rappeler la gravité de cette crise, qui s'est accentuée depuis 2004, par des récoltes abondantes provoquant une augmentation très importante des stocks.

Je vous rejoins également, monsieur le sénateur, sur le fait que la région Languedoc-Roussillon a entrepris, depuis plusieurs décennies, des efforts considérables et coûteux portant sur la qualité et sur les restructurations.

Vous estimez que ces efforts devraient être mieux partagés. Mais, comme vous le savez, l'Organisation commune de marché européenne de la viticulture - qui doit faire l'objet d'une réforme à laquelle je travaille, notamment avec l'Espagne, le Portugal et l'Italie - ne prévoit pas de moyen de contrainte ou d'obligation pour l'arrachage ou la distillation.

J'ai toutefois obtenu de Bruxelles, l'année dernière, des décisions significatives en matière de distillation de crise, en particulier sur les AOC. À la demande du Premier ministre, j'ai réclamé de nouvelles mesures exceptionnelles pour distiller non seulement des vins d'appellation, mais aussi des vins de table.

Le vrai sujet concerne la politique de marché, et vous avez raison de l'évoquer.

Je vous informe que le conseil de la modération, dont le président est maintenant en place, se met au travail et constituera le lieu de dialogue que nous souhaitons.

Les comités de bassin travaillent actuellement avec les préfets à la mise au point de mesures de gestion de l'offre, de restructuration du vignoble. Comme vous le savez, le préfet Bernard Pomel a été chargé de suivre et de coordonner les travaux des différents bassins et ses propositions seront incluses dans un plan stratégique.

J'entends finaliser ce plan avant la fin du mois de mars et je compte demander à M. Pomel d'accélérer ses conclusions afin d'avancer la réunion qui était prévue le 6 avril.

Je suis loin d'être hostile, bien au contraire, à la mise en place d'une structure nationale de concertation et de coordination des différentes politiques des bassins et de répartition des segments de marché. Nous aborderons d'ailleurs ce point lors de la réunion.

Comme vous, monsieur le sénateur, le Gouvernement est conscient de la gravité de la crise et de l'urgence qu'il y a à la résoudre. Même si elle est malheureusement structurelle dans ce bassin, nous nous devons de trouver, non seulement des solutions d'urgence pour la régler, mais aussi des solutions d'avenir pour le succès de ce secteur essentiel de notre économie agricole. Une réforme est nécessaire, car, avec 480 AOC, 150 vins de pays, 300 minicoopératives agricoles, ce secteur ne peut pas tenir. Il faudra donc envisager tout un ensemble de mesures.

Cela étant, la crise n'excuse pas les violences qui ont eu lieu hier - véhicules et motocyclettes de gendarmerie brûlés, cuves à vin crevées, contenant en partie du vin français, et pas seulement du vin étranger, ce qui d'ailleurs ne change rien à la gravité des actes commis.

Si je la comprends, la désespérance ne peut excuser la violence. Elle nuit à l'image de marque de la région et nous crée des difficultés pour préparer le plan d'urgence. Je tiens à le dire solennellement devant la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je vous remercie de m'avoir répondu de façon détaillée.

Pour autant, votre réponse reste floue, mais je peux le comprendre, à condition que votre engagement d'avancer le terme qui était prévu initialement soit tenu et que, comme je l'ai demandé d'entrée de jeu avec toute la profession, les propositions du Gouvernement aient un contenu substantiel.

S'agissant de l'organisation d'une régulation par bassin de production, bien que le règlement communautaire en vigueur ne le prévoie pas, il peut évoluer et j'ai cru comprendre que vous alliez oeuvrer dans ce sens.

M. Dominique Bussereau, ministre. Absolument !

M. Gérard Delfau. J'insiste sur l'urgence de la mise en place de la commission de concertation et de coordination des comités de bassins d'emplois. Encore faudra-t-il que vous pesiez de tout votre poids, monsieur le ministre, pour que les égoïsmes de bassin - et je ne veux nommer personne, par déférence envers les intéressés, en particulier dans cette enceinte - soient maîtrisés, au moins provisoirement, et que ce soit l'ensemble de la viticulture française - vins de tables, vins de pays et AOC - qui affronte le défi auquel elle est confrontée sur le marché français, mais aussi mondial.

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