Question de Mme DIDIER Évelyne (Meurthe-et-Moselle - CRC) publiée le 24/02/2006

Question posée en séance publique le 23/02/2006

Mme Évelyne Didier. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.

Cette séance de questions d'actualité au Gouvernement se déroule le jour même où nous commençons l'examen du projet de loi relatif à l'égalité des chances.

Ce projet de loi, dont le titre trompeur sonne comme un slogan publicitaire, contient des mesures de régression sociale,...

M. Josselin de Rohan. Cela commence bien !

Mme Évelyne Didier. ...comme l'apprentissage dès l'âge de quatorze ans, l'abaissement à quinze ans de l'âge légal du travail de nuit pour les mineurs et, surtout, le contrat première embauche, un contrat au rabais pour les jeunes de moins de vingt-six ans qui étend à deux ans la période d'essai durant laquelle le salarié peut être renvoyé sans le moindre motif.

Dans le même temps, les premiers cas de licenciement de personnes sous contrat nouvelles embauches sont intervenus, donnant raison à tous ceux qui ont dénoncé de telles propositions.

M. Robert Hue. Absolument !

Mme Évelyne Didier. C'est l'arbitraire pour les patrons, la précarité pour les salariés et le démantèlement du code du travail.

M. Guy Fischer. Très bien !

Mme Évelyne Didier. Nous aurons l'occasion de nous expliquer sur ce sujet au cours des prochains jours, à moins que le Gouvernement ne trouve un nouvel artifice pour empêcher le débat parlementaire et faire passer ce texte en force. Nous verrons bien !

Cependant, vous ne ferez pas taire les jeunes, en particulier, qui, aujourd'hui et demain, manifesteront contre l'avenir précaire que vous leur réservez.

Mme Hélène Luc. Très bien !

Mme Évelyne Didier. Dans le même temps, des sommes colossales sont versées aux actionnaires, des concentrations se préparent à grands coups d'OPA, annonçant des licenciements massifs dans des domaines comme l'énergie ou les télécommunications. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Pour ne prendre qu'un exemple, Total annonce un bénéfice record de 12 milliards d'euros en 2005, en hausse de 31 %, alors même que le groupe refuse les investissements nécessaires en France et que les consommateurs, dont les revenus n'augmentent pas, paient le carburant au prix fort.

M. Robert Hue. Absolument !

Mme Évelyne Didier. Les profits d'aujourd'hui ne sont plus les emplois de demain.

Comme l'année dernière, les groupes du CAC 40 pulvérisent leurs records financiers, alors que les salaires réels régressent et que les suppressions d'emplois se multiplient.

Aussi, ma question est la suivante : quelles mesures prévoyez-vous afin qu'une part de ces profits soit utilisée pour répartir plus équitablement les richesses créées par l'activité économique ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

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Réponse du Ministère délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes publiée le 24/02/2006

Réponse apportée en séance publique le 23/02/2006

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Madame la sénatrice, vous venez de faire allusion aux bénéfices annoncés par la société Total.

M. Guy Fischer. Entre autres ! Il y a aussi France Télécom.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ses bénéfices s'élèvent à 12 milliards d'euros. Dans le même temps, Exxon Mobil annonce 30 milliards d'euros, Shell, 25 milliards d'euros, Texaco, 14 milliards d'euros. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Ne devrions-nous pas nous réjouir que des entreprises françaises soient performantes et capables de « relever le challenge », si je puis dire, face aux grandes entreprises américaines ou britanniques ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Comment imaginer notre économie sans cette capacité ?

Mme Éliane Assassi. Et les salariés ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est honteux !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Vous me demandez ce que le Gouvernement envisage « afin qu'une part de ces profits soit utilisée pour répartir plus équitablement les richesses créées par l'activité économique ».

Mme Hélène Luc. Que les salariés participent !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Réaliser des profits importants conduit à se poser les questions suivantes : quelle part pour l'investissement ? Quelle part pour l'actionnaire ?

M. Yves Coquelle. Quelle part pour les salariés ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Quelle part pour les salariés de l'entreprise, qui contribuent à la création de cette richesse ?

M. le Premier ministre a demandé, voilà plusieurs mois, pour ainsi dire dès qu'il a pris ses fonctions, aux ministres du pôle de cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, Thierry Breton et moi-même, de réfléchir à la relance de la participation et de proposer des mesures en ce sens.

M. Guy Fischer. C'est long à venir !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Un texte visant à la relance de la participation sera présenté au Conseil supérieur de la participation dans quelques jours, sous la présidence de M. le Premier ministre lui-même. C'est dire l'importance qu'il y attache.

Il s'articule autour de trois idées.

La première concerne les dividendes du travail et est le fruit à la fois du travail fait ici par notre ancien collègue Jean Chérioux, du rapport de MM. Jacques Godfrain et François Cornut-Gentille et des réflexions du président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, M. Patrick Ollier : les actionnaires devront décider si les profits seront redistribués sous forme de participation ou sous forme d'actions.

Mme Hélène Luc. Il faut investir pour l'emploi !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. La deuxième idée est qu'il faut favoriser l'intéressement de projets et pas seulement l'intéressement financier, car l'intéressement de projets suppose l'association du salarié aux objectifs et aux résultats de l'entreprise. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Enfin, la troisième idée est qu'il faut lancer une réflexion autour de l'actionnariat salarié. Réfléchissons, par exemple, au raid contre la Société générale !

M. Didier Boulaud. Ils ont pourtant ramassé des sous !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le « pacte d'actionnaires salariés » est sans doute l'une des réponses dont nous avons besoin.

Voilà pourquoi M. le Premier ministre a fait de la relance et de la modernité de la participation la vraie réponse moderne à la question du partage des fruits de la croissance. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

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