Question de M. TODESCHINI Jean-Marc (Moselle - SOC) publiée le 19/01/2006

M. Jean-Marc Todeschini souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les projections établies en vue de la préparation de la rentrée 2006, et plus particulièrement sur la carte scolaire 2006 pour le primaire de l'académie de Nancy-Metz. Alors même que les effectifs sont en forte hausse dans le primaire et qu'il est prévu la création de 694 postes au niveau national, l'académie de Nancy-Metz, et plus précisément le département de la Moselle, va payer, pour la troisième année consécutive, un lourd tribut suite aux choix budgétaires opérés sur la mission enseignement scolaire par le Gouvernement. Dans cette académie, la suppression annoncée de 98 postes de professeur des écoles va entraîner de sérieux désagréments : dégradation du taux d'encadrement, non-emplacement des maîtres absents, non-scolarisation des enfants de deux ans, fermetures de classes en zones rurales. Face à cette situation que les parents d'élèves, les enseignants et les élus, qui ne cessent de consentir d'importants efforts financiers pour le bon fonctionnement de leurs écoles, jugent inacceptable, il lui demande de bien vouloir revoir le sort réservé à l'académie de Nancy-Metz. Il souhaite également savoir s'il entend rencontrer, hors commission technique paritaire, les parents, les enseignants et les élus de cette académie avant le mois de septembre afin d'aborder la rentrée scolaire de 2006 sous de meilleurs auspices.

- page 136


Réponse du Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 01/02/2006

Réponse apportée en séance publique le 31/01/2006

M. Jean-Marc Todeschini. Aux restrictions budgétaires que nous dénonçons depuis quatre ans, aux faibles moyens accordés aux nouvelles mesures que vous préconisez notamment dans le premier degré, monsieur le ministre, s'ajoutent une fois de plus des suppressions de postes d'enseignants.

Après les belles paroles qui ont été prononcées au moment du vote du projet de loi de finances, les décisions négatives tombent. Les projections établies en vue de la préparation de la rentrée de 2006 annoncent encore une année noire pour nos écoles, une saignée injuste et inacceptable.

Les académies qui connaissent des situations économiques difficiles s'agissant de l'emploi et de la réindustrialisation sont, une fois n'est plus coutume avec ce Gouvernement, les grandes perdantes : c'est le cas de Lille et de Nancy-Metz avec, respectivement, 636 et 273 suppressions d'emplois.

Dans l'académie de Nancy-Metz, ce sont 2000 postes - enseignants, ouvriers, administratifs, personnel médical - qui auront été retirés aux écoles, collèges et lycées de Lorraine en quatre ans.

Dès lors, monsieur le ministre, comment ne pas être sceptique quand votre ministère indique ici et là que la carte scolaire est ajustée notamment à l'aide d'indicateurs sociaux et territoriaux ? Depuis 2002, les ajustements que vous réalisez en termes de postes d'enseignants se font exclusivement à l'aune des variations du nombre des élèves. Vous avez choisi la voie quantitative à la voie qualitative ; c'est une lourde erreur empreinte de graves conséquences pour l'avenir de notre système éducatif et la réussite scolaire de nos enfants.

Pour expliciter mon propos, je prendrai l'exemple de mon département, la Moselle, où la carte scolaire pour 2006 dans le premier degré a été annoncée. Alors même que les effectifs sont en forte hausse dans le primaire et que 694 créations de postes sont prévues à l'échelon national, 97 postes de professeurs des écoles vont êtres supprimés dans l'académie de Nancy-Metz, et 62 en Moselle, au motif que le taux d'encadrement serait correct.

À trop tirer sur la même ficelle, on finit par la rompre. Ce taux d'encadrement va très vite se dégrader et ces suppressions ne feront qu'accroître les difficultés déjà importantes de remplacement des maîtres absents.

À la suite d'une enquête réalisée par le syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et professeurs d'enseignement général de collège, le SNUIPP, on a déjà pu comptabiliser, sur la période allant du 3 novembre au 3 décembre 2005, 116 absences non remplacées dans 51 écoles de Moselle, et, pour ce seul mois de janvier 2006, 316 journées non remplacées.

De plus, ces suppressions de postes empêcheront la scolarisation des enfants de deux ans, qui ne sont déjà plus comptabilisés dans les effectifs des écoles. Comme votre prédécesseur, pour toute justification, vous évoquez des études qui iraient dans votre sens sur la scolarisation des enfants de deux ans, alors que nombre de spécialistes affirment le contraire.

Enfin, ces suppressions accentueront les fermetures de classes en zone rurale, puisqu'elles induisent inévitablement une redéfinition, par l'inspecteur d'académie, des seuils d'ouverture et de fermeture de classes.

Ces suppressions balayent les efforts financiers importants consentis par les communes rurales et contribuent à amplifier les inégalités territoriales et sociales. Elles emportent l'insatisfaction de tous, parents d'élèves, enseignants et élus, qui ont décidé d'ores et déjà de se mobiliser et de contester devant le rectorat.

Face à cette situation inacceptable, je vous demande, monsieur le ministre, de revoir votre projet de carte scolaire et de réexaminer le sort réservé à l'académie de Nancy-Metz. Je souhaite également savoir si, pour ce faire, vous entendez rencontrer assez rapidement, comme ils le souhaitent, les parents, les enseignants et les élus de Moselle, afin d'aborder la rentrée scolaire de 2006 sous de meilleurs auspices.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, vous n'avez pas le droit de parler de restrictions budgétaires lorsque vous savez que le budget de l'enseignement scolaire présenté en 2006 est en hausse de 3,65 %, soit deux fois l'inflation et 7,1 % de la richesse nationale, qu'il représente 58,47 milliards d'euros, soit 21,1 % du budget de l'État. Ce montant n'a jamais été atteint au cours des dernières décennies.

La traduction académique du budget dans l'académie de Nancy-Metz ne met en péril ni le taux d'encadrement ni les possibilités de remplacement, donc la qualité de l'enseignement.

Dans le premier degré, la dotation pour 2006 prend en compte la diminution globale des effectifs de l'académie de Nancy-Metz, de 1869 élèves en deux ans. Ne rendez pas l'éducation nationale responsable d'une baisse de la démographie scolaire ! La baisse de dotation de 97 emplois à la rentrée de 2006 ne se traduit pas par une dégradation du taux d'encadrement, qui sera même en légère augmentation.

Je rappelle qu'en 2005 le nombre d'enseignants pour 100 élèves - ce qu'on appelle le ratio P/E - était de 5,65 dans l'académie de Nancy-Metz - il est de 5,34 à l'échelon national - et situait ainsi Nancy-Metz au neuvième rang de l'ensemble des trente académies.

En ce qui concerne le département de la Moselle, les prévisions d'effectifs à la rentrée de 2006 affichent une baisse de 1258 élèves. L'éducation nationale n'en est pas responsable ! Les 67 retraits d'emploi sont proportionnellement inférieurs à la diminution du nombre d'élèves. Là aussi, le ratio P/E reste supérieur au ratio P/E national. Pour mémoire, en 2005, pour ce département, le ratio P/E était de 5,67.

Ces mesures de carte scolaire n'auront donc pas non plus de conséquences négatives sur le remplacement des maîtres absents, ni sur la scolarisation des plus jeunes enfants.

Les milieux ruraux ne sont pas oubliés, monsieur Todeschini. Il appartient aux autorités académiques de procéder, en liaison étroite avec les collectivités, à des mesures d'aménagement du réseau des écoles, à partir de critères objectifs, qui sont soumis à l'avis des instances de concertation.

C'est le cas dans l'académie de Nancy-Metz. Le recteur de l'académie ne manquera pas de vous recevoir, si vous souhaitez des précisions complémentaires, établissement par établissement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, je veux tout d'abord vous remercier d'avoir personnellement répondu à ma question. Ce n'est pas toujours le cas de vos collègues !

M. Gérard Delfau. C'est vrai !

M. Gilles de Robien, ministre. Ce n'est pas toujours mon cas non plus !

M. Jean-Marc Todeschini. Dans mon intervention, je n'ai à aucun moment parlé de restriction budgétaire. Vous m'avez mal écouté et mal entendu !

Si cela vous arrange de citer ces chiffres, moi, je me réfère à la réalité vécue sur le terrain. Si je vous demande de recevoir les élus, les parents et les syndicats d'enseignants de Moselle, c'est pour vous expliquer, à vous-même et à votre cabinet, et non pas au rectorat, la spécificité du département de la Moselle.

Pendant des années, vos représentants sur le terrain, c'est-à-dire les inspecteurs d'académie, ont expliqué aux maires des petites communes qu'il était préférable de maintenir leurs classes, ce qui a donné lieu, en Moselle, à de nombreux regroupements pédagogiques dispersés, qui exigent plus de postes. Cela dit, en termes d'application simple du ratio, vous avez raison. Mais la réalité vécue sur le terrain n'est pas la même.

Vous pourriez mettre en place un plan sur dix ans pour tenter de remédier à cette dispersion, comme nous l'avons préconisé pendant des années en Moselle.

Par exemple, dans la Meuse, département rural que je connais bien, il y a eu des regroupements pédagogiques concentrés demandant beaucoup moins de postes.

Je vous prie d'écouter et d'entendre la spécificité de la situation en Moselle.

Je ne mets pas en cause le taux d'encadrement que vous évoquez, monsieur le ministre. Je le connais, puisque c'était mon métier.

En revanche, s'agissant des remplacements, les inspecteurs sur le terrain déshabillent Pierre pour habiller Paul et sont obligés de retirer des écoles maternelles les instituteurs qui effectuent des remplacements longs, pour les affecter dans les écoles élémentaires. Il en résulte que, pour la première fois cette année, il n'y a plus de maître dans l'ensemble des sections des écoles maternelles, et pas seulement dans les classes d'enfants de deux ans.

J'évoquerai aussi le problème de l'intégration des enfants handicapés. Encore une fois, monsieur le ministre, vos responsables académiques sur le terrain ne peuvent que faire appel aux maires et à la bonne volonté des collectivités locales pour aider les enseignants à intégrer ces enfants qui leur sont imposés.

L'intégration des enfants handicapés semble reposer totalement sur le volontariat des maîtres, qui se sentent complètement abandonnés, et sur le financement des collectivités locales. Je pourrais vous communiquer des courriers d'inspecteurs demandant aux maires de fournir un certain nombre d'heures hebdomadaires pour tenter d'intégrer des enfants handicapés. Ce sont toujours les collectivités locales qui paient.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre. Sans vouloir faire de polémique, monsieur Todeschini, je relève que vous avez parlé de dégradation du taux d'encadrement.

M. Jean-Marc Todeschini. Je vous ai dit que cela allait arriver !

M. Gilles de Robien, ministre. Pour ma part, je vous ai prouvé que ce n'était pas la réalité !

Je vous rappelle que, pour obtenir des précisions établissement par établissement, il est souhaitable que vous vous mettiez en rapport avec le recteur ou l'inspecteur d'académie,...

M. Jean-Marc Todeschini. Nous venons de les voir !

M. Gilles de Robien, ministre. ...qui connaissent parfaitement le terrain et ils pourront vous répondre, école par école, avec plus de précision que mon cabinet ou le ministère, qui est une grande administration, très déconcentrée sur le terrain.

- page 371

Page mise à jour le