Question de M. SEILLIER Bernard (Aveyron - RDSE) publiée le 02/12/2005

Question posée en séance publique le 01/12/2005

M. Bernard Seillier. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Monsieur le ministre, un collégien sur cinq ne sait pas lire à l'entrée en sixième, ce qui représente plus de 100 000 élèves chaque année. De plus en plus de jeunes souffrent d'un trouble spécifique du langage oral et écrit, ce qui devient un problème de société majeur. Les enfants qui n'ont pas acquis suffisamment tôt la maîtrise de la lecture en subissent à jamais les conséquences néfastes.

L'impossibilité d'exprimer clairement et aisément, par le langage, ce que l'on pense et ce que l'on ressent est, en effet, source de violence. La crise que nous venons de connaître dans les banlieues doit tous nous inciter à y réfléchir.

La méthode par laquelle on apprend à lire est d'une importance capitale.

Ainsi, bien que dénoncées par vos prédécesseurs, les méthodes globale ou semi-globale sont devenues au fil du temps un véritable dogme.

Or il est désormais prouvé que, avec de telles méthodes, l'enfant ne lit pas, il devine. Elles s'appuient en effet sur un processus analogique de décryptage, au détriment d'un système analytique, pourtant indispensable à la formation tant de la pensée rationnelle que du dialogue interpersonnel. Nous sommes donc aux antipodes de la formation d'une pensée logique.

Bien que votre prédécesseur, monsieur le ministre, ait affirmé en 2002 que la méthode globale était abandonnée, la méthode semi-globale, qui dérive de la précédente et provoque les mêmes effets, subsiste.

Les neurosciences démontrent aujourd'hui - nous le savions par l'expérience - que les pédagogies fondées sur des méthodes analytiques sont les seules qui correspondent au fonctionnement normal du cerveau et qui permettent un apprentissage efficace de la lecture et de l'écriture. Ces méthodes constituent en outre, pour ceux qui sont affectés de troubles spécifiques, une véritable voie de rééducation, d'ailleurs pratiquée depuis longtemps, ce qui confirme la nécessité de les généraliser.

Partout dans notre pays, des parents, soit par eux-mêmes, soit via des cours particuliers, quand ils le peuvent, essaient de pallier les insuffisances du système d'apprentissage de la lecture.

Il faut remédier à la situation actuelle, afin de permettre à tous les enfants de réussir cette première étape, qui est décisive et qui conditionne toute leur scolarité.

Des professeurs des écoles souhaitent enseigner la lecture avec la méthode syllabique, mais en sont empêchés. Ils ne doivent plus être sanctionnés lors des inspections pédagogiques. Vous devez, monsieur le ministre, donner des instructions précises en ce sens aux inspecteurs d'académie.

En outre, la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école précise que les formateurs des instituts universitaires de formation des maîtres, les IUFM, devront connaître les recherches sur les méthodes d'apprentissage de la lecture. Les futurs professeurs des écoles seront désormais ainsi informés des études scientifiques rigoureuses, qui montrent l'absolue nécessité de l'enseignement du code alphabétique dans les langues combinatoires.

M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas une question d'actualité, ça !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Bernard Seillier. Monsieur le ministre, vous aurez à coeur, j'en suis certain, compte tenu de la gravité de l'enjeu, de veiller à ce que le Haut Conseil de l'éducation, qui vient d'enregistrer, peu de temps après son installation, la démission fracassante du mathématicien M. Laurent Lafforgue à propos de ce sujet brûlant, fasse appel, pour ses travaux, aux neurosciences contemporaines et aux connaissances reconnues par la communauté scientifique internationale.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, prendre un engagement concret sur ce point ?

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 02/12/2005

Réponse apportée en séance publique le 01/12/2005

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la question de l'efficacité de la méthode d'apprentissage de la lecture est essentielle.

Certes, les enseignants remplissent en général très bien leur mission. Ainsi, 80 % à 85 % des jeunes savent lire dès l'âge de cinq ou six ans. Mais ce qui nous préoccupe - vous comme nous -, ce sont les 15 % restants.

C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a annoncé ce matin que, dès le début du CE1, des épreuves et des tests seraient organisés pour repérer les élèves ne sachant pas lire.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela se fait déjà !

M. Gilles de Robien, ministre. Les jeunes concernés bénéficieront alors des « programmes personnalisés de réussite éducative », destinés à des petits groupes de moins de dix élèves, afin de leur permettre de rattraper le niveau et de maîtriser, comme tous les autres, la lecture à l'entrée en CE2.

M. Jean-Marc Todeschini. Et quels moyens y consacrerez-vous ?

M. Gilles de Robien, ministre. J'en viens à présent à la question de la technique d'apprentissage de la lecture.

La méthode globale a, il est vrai, fait couler - c'est le cas de le dire - beaucoup d'encre. Nous savons que cette approche est cause de difficultés de langage chez nombre de jeunes, d'ailleurs considérés à tort comme dyslexiques. Cette méthode doit donc être abandonnée. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

C'est pourquoi, en lien avec les spécialistes, je ferai des propositions sur l'évolution des méthodes de lecture. Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de leur confirmer, les enseignants doivent se sentir totalement libres d'utiliser la méthode traditionnelle - elle a fait ses preuves -, sans pour autant être sanctionnés.

Enfin, je veux que les méthodes d'apprentissage de la lecture deviennent une priorité absolue dans la formation des enseignants eux-mêmes.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, ce qui nous importe avant tout, c'est l'égalité des toutes premières chances. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

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