Question de Mme BEAUFILS Marie-France (Indre-et-Loire - CRC) publiée le 27/10/2005

Marie-France Beaufils interroge Monsieur le Ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et de l'aménagement du territoire sur la gestion des conséquences de la canicule 2003 et des effets des mouvements de terrain.
Elle s'étonne que les arrêtés ne correspondent pas aux réalités des sinistres, les communes les plus touchées étant celles qui n'ont reçu aucun arrêté de catastrophe naturelle.
Elle souligne qu'au bout de deux ans beaucoup de sinistrés n'ont reçu aucune information sur leur situation, alors que les arrêtés de catastrophe doivent être transmis dans les trois mois.
Elle demande dans quelle mesure les compagnies d'assurance ne pourraient à titre conservatoire assister les victimes pour les réparations urgentes.

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Réponse du Ministère délégué à l'aménagement du territoire publiée le 17/11/2005

Réponse apportée en séance publique le 16/11/2005

Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Indre-et-Loire fait partie des départements particulièrement touchés par les conséquences de la canicule de 2003. Il est en effet concerné par des phénomènes de retrait-gonflement de certaines formations géologiques argileuses.

Actuellement, l'ensemble des arrêtés délivrés représente 30 % des communes du département, mais seulement 17 % des sinistrés, selon l'association de défense.

Les habitants dont le logement n'est pas pris en compte par ces arrêtés vivent cette situation avec une grande angoisse. Celle-ci est d'autant plus forte que les premiers arrêtés portant constatation de l'état de catastrophe naturelle semblent décalés par rapport à la réalité.

Les cartes d'aléa établies par le bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, sont pourtant très éloquentes. Cette cartographie, qui classe les risques en trois niveaux que l'on connaît bien - fort, moyen et faible -, correspond aux zones où les dégâts les plus importants ont été subis par ces habitants.

J'en veux pour preuve la situation de nombreuses communes, telles Chambray-lès-Tours, Monts ou Joué-lès-Tours, pour ne citer que les plus importantes, qui, à ce jour, n'ont été informées d'aucune décision alors que d'autres communes, malgré un nombre de dossiers beaucoup plus faible, ont été très rapidement déclarées en situation de catastrophe naturelle.

Les habitants ressentent, à juste titre, une réelle injustice, puisque les données scientifiques ainsi que les dégâts réellement constatés ne semblent pas avoir servi de base à la désignation des communes. Pourtant, j'y insiste, les cartes du BRGM établissant le risque sont très claires.

En outre, comment admettre que les citoyens aient l'obligation de respecter le délai de dix jours pour remplir leur déclaration de sinistre et que l'État se permette de laisser sans réponse les victimes de la canicule, qui vivent dans des maisons souvent délabrées, pendant plus de deux ans ? Les hésitations de l'État dans la gestion des conséquences de ce phénomène font vivre à ces victimes des situations catastrophiques.

Je le rappelle, l'article L.125-1 du code des assurances dispose que l'arrêté portant constatation de l'état de catastrophe naturelle doit être publié au Journal officiel dans un délai de trois mois à compter du dépôt des demandes à la préfecture. Ce délai a été largement dépassé. Cette situation est inacceptable, et vous portez là, monsieur le ministre, une lourde responsabilité !

Les habitants d'Indre-et-Loire que j'ai pu rencontrer et avec lesquels je me suis entretenue sont excédés. Ils souhaiteraient au moins pouvoir effectuer les premières réparations. Ils attendent toujours que des solutions de fond puissent être mises en oeuvre afin que leurs biens soient totalement remis en état. Ils sont obligés de vivre dans des maisons à ce point fissurées que la sécurité n'y est plus assurée. Leur vie au quotidien devient intenable !

Monsieur le ministre, le régime des catastrophes naturelles est géré en commun par l'État et par les assurances. Ne pourriez-vous pas obtenir de ces dernières qu'elles interviennent financièrement, dans l'urgence, afin que des mesures conservatoires puissent être prises dans l'intérêt des victimes ?

En outre, quand comptez-vous répondre aux demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle afin que la situation angoissante vécue par les victimes de la canicule de 2003 puisse enfin s'achever ?

Les rapports de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de l'administration semblent confirmer que le régime des catastrophes naturelles n'est pas « au bord de l'implosion », contrairement à ce qui avait été dit. D'ailleurs, un journal que vous connaissez bien, Le Figaro, a constaté dans son édition du 21 octobre 2005 que ce régime avait rapporté 1,4 milliard d'euros à l'État et aux compagnies d'assurance en vingt ans, dont 660 millions d'euros pour les assureurs.

Les victimes de la canicule de 2003 viennent en outre de subir la sécheresse de 2005, et leurs constructions continuent à se dégrader. Il est donc urgent que ces familles bénéficient d'une décision ministérielle constatant l'état de catastrophe naturelle. En plus des deux ans d'attente, vous ne pouvez pas leur infliger des frais de justice, à laquelle elles ne manqueraient pas de recourir en l'absence de réponse, afin d'obtenir gain de cause.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Madame la sénatrice, vous le savez, même si vous avez feint de l'ignorer, l'instruction des dossiers relatifs à la sécheresse de 2003 a été particulièrement complexe.

Je tiens à le souligner, si nous nous étions contentés d'appliquer le critère habituellement utilisé par la commission interministérielle compétente chargée de l'instruction des demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, nous aurions été conduits à reconnaître très peu de communes.

Les critères retenus pour accorder cette reconnaissance ont été assouplis en 2004 par rapport aux années précédentes. Ainsi, près de 4 400 communes ont été reconnues en état de catastrophe naturelle ou sont en voie de l'être du fait de la sécheresse de l'été 2003, ouvrant ainsi un droit à indemnisation des sinistrés.

Reconnaissez-le, c'est un chiffre sans précédent ! Jamais la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle n'avait permis de prendre en compte un aussi grand nombre de communes.

Dans le département d'Indre-et-Loire, le préfet a adressé 109 dossiers à la commission interministérielle. Trente-quatre communes bénéficient déjà d'une reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle et un prochain arrêté en reconnaîtra deux de plus.

Le Gouvernement est néanmoins conscient que cette procédure, bien que fondée sur des critères scientifiques, n'a pas permis de répondre aux difficultés de certaines communes particulièrement affectées. C'est pourquoi nous avons souhaité un ultime réexamen des demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, comme l'avait annoncé dès le 16 juin dernier, devant votre Haute Assemblée, le ministre délégué aux collectivités territoriales, M. Brice Hortefeux.

Écoutez-moi bien : les propriétaires sinistrés dans les communes qui ne sont pas dans les zones éligibles pourront présenter au préfet du département, donc au représentant de l'État qui est au plus près des réalités locales, un dossier qui permettra aux experts d'évaluer l'aide de l'État. Dès que les modalités de ce nouveau dispositif, qui nécessite, en raison de son financement à hauteur de 150 millions d'euros, un amendement législatif et des mesures réglementaires, auront été définitivement arrêtées, les demandes des propriétaires pourront être présentées à l'instruction.

Cette déconcentration permettra un traitement plus rapide, sans recourir à des expertises compliquées et coûteuses, tout en bénéficiant du concours des assureurs pour le montage et l'examen des dossiers.

Un amendement gouvernemental fixant ces nouvelles modalités et impliquant étroitement les préfets des départements vient d'être finalisé. Le projet de loi de finances pour 2006, actuellement en cours de discussion, sera utilisé comme vecteur législatif afin que la phase d'examen des dossiers par les préfets puisse commencer dès le 1er janvier 2006. Le Sénat en débattra très prochainement.

Ainsi, le Gouvernement peut confirmer son objectif : annoncer les bénéficiaires de cette ultime procédure dès la fin du premier trimestre de 2006.

Madame la sénatrice, il s'agit donc, pour le Gouvernement, de répondre aux attentes légitimes des sinistrés en traitant les dossiers au cas par cas le plus équitablement et le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. J'ai bien écouté votre réponse, monsieur le ministre. Vous venez de dire que deux nouvelles communes d'Indre-et-Loire seraient prochainement concernées par la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Cette annonce ne coïncide pas avec le nombre de communes qui sont encore en attente d'une réponse.

J'ai examiné avec attention les cartes d'aléas établies par le BRGM à la demande du ministère de l'écologie et du développement durable afin de lui permettre de mieux apprécier la difficulté posée par les sols argileux. Il s'avère que bien plus de deux communes sont encore classées en aléa fort. Or celles-ci n'ont toujours pas été prises en compte par l'arrêté de catastrophe naturelle. Le fait que seules deux nouvelles communes pourraient être concernées ne correspond donc pas à l'ampleur du phénomène.

Vous proposez une étude des dossiers au cas par cas. Je suis toujours inquiète quand on passe aux situations individuelles sans prendre en compte la situation des communes, car cette méthode rend toujours plus complexe l'appréciation de la réalité du terrain.

Je resterai donc attentive, surtout lorsque l'amendement du Gouvernement sera présenté au Parlement. Cela étant, j'aimerais que l'on sache rapidement à quel moment les décisions seront communiquées aux communes, y compris aux deux nouvelles communes de mon département, afin d'accélérer les procédures.

Mme Hélène Luc. Très bien !

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