Question de M. BARBIER Gilbert (Jura - RDSE) publiée le 09/06/2005

M. Gilbert Barbier appelle l'attention de M. le ministre de la santé et des solidarités sur les dérives possibles des conditions actuelles de commercialisation des génériques. En vertu de l'article L. 5121-10 du code de la santé publique, les médicaments génériques peuvent obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) deux ans avant l'expiration du brevet protégeant la spécialité de référence. L'obtention de cette AMM entraîne une inscription automatique au répertoire des génériques. Si cette disposition est utile pour promouvoir le développement des génériques en leur permettant un accès plus rapide au marché, elle favorise aussi les atteintes aux droits de propriété intellectuelle sur les médicaments princeps. En effet, certains fabricants de génériques n'hésitent pas à commercialiser leurs produits dès l'obtention de l'AMM sans attendre l'expiration des brevets. L'inscription au répertoire des génériques vaut, pour les acteurs de la chaîne de distribution qui n'ont pas les moyens de connaître l'état des brevets existants, présomption de commercialisation licite. Ainsi, les pharmaciens peuvent se rendre complices, malgré eux, de contrefaçon en exerçant leur droit de substitution. Face à de telles dérives, les titulaires de brevets rencontrent des difficultés à faire valoir leurs droits devant les tribunaux. En effet, les recours en contrefaçon pour des produits pharmaceutiques sont particulièrement longs et leur issue est souvent incertaine. Cette situation est préjudiciable tant pour les laboratoires de recherche que pour les fabricants de génériques et les pharmaciens d'officine. Princeps et génériques ont tous deux leur place dans le système de santé : le développement de l'un ne doit pas pénaliser l'autre. La création d'un registre des brevets des médicaments hébergé par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et vérifié par l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI) permettrait à toutes les parties d'avoir accès facilement aux informations relatives à la validité des titres de propriété intellectuelle et d'agir en connaissance de cause. Il lui demande quelles mesures il envisage pour assurer une coexistence harmonieuse entre les princeps et les génériques dans l'intérêt des patients.

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Réponse du Ministère délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille publiée le 26/10/2005

Réponse apportée en séance publique le 25/10/2005

M. Gilbert Barbier. Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, j'avais attiré l'attention du ministre de la santé sur d'éventuelles dérives dans la commercialisation des médicaments génériques. N'ayant pas reçu de réponse satisfaisante sur le fond, je me permets de reprendre aujourd'hui mon propos.

Comme vous le savez, l'article L. 5121-10 du code de la santé publique rend possible l'obtention d'une autorisation de mise sur le marché pour un médicament générique deux ans avant l'expiration des droits de propriété intellectuelle qui s'attachent à la spécialité de référence.

Cette disposition, introduite en décembre 2003, permet un accès plus rapide des médicaments génériques au marché.

Certains, jouant les Cassandre, nous assuraient voilà quelques années que le médicament générique ne marcherait jamais. Les chiffres démontrent qu'ils ont eu tort : son taux de pénétration est en progression constante dans notre pays !

L'article L. 5121-10 du code de la santé publique devrait renforcer encore cette tendance. Cependant, en prévoyant l'inscription de la spécialité générique dans le répertoire des groupes génériques dès l'obtention de l'autorisation de mise sur le marché, il favorise aussi le risque de commercialisation illicite.

En effet, les fabricants peuvent avoir la tentation - et il semble que certains y succombent assez facilement - de commercialiser leurs produits sans attendre l'expiration des brevets. Cela leur est d'autant plus facile que l'inscription au répertoire rend possible la substitution sans considération de la validité des brevets.

N'ayant pas les moyens de vérifier cette validité, les pharmaciens peuvent ainsi se rendre complices malgré eux de contrefaçons, en exerçant leur droit de substitution.

Vous le savez, face à de telles dérives, les titulaires de brevets ont bien des difficultés à faire valoir leurs droits devant les tribunaux, en raison de l'inefficacité des procédures de référé, de la longueur des actions en contrefaçon et de l'incertitude qui pèse sur l'issue des procès.

Il me paraît primordial de garantir à ces titulaires de brevets une exploitation paisible de leurs produits. Le médicament princeps et le générique ont tous deux leur place dans le système de santé, comme le soulignent de nombreuses discussions relatives au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le développement de l'un ne doit pas pénaliser l'autre.

Certains proposent la création d'un registre des brevets des médicaments, à l'instar de l'Orange book américain. Hébergé par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et vérifié par l'Institut national de la propriété industrielle, celui-ci permettrait à toutes les parties d'avoir accès facilement aux informations relatives à la validité des titres de propriété intellectuelle et de pouvoir agir en connaissance de cause.

Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre opinion sur cette proposition. Il me semble que la création d'un registre des brevets ne ralentirait en rien l'arrivée sur le marché des génériques : aux Etats-Unis, où ce registre existe, une boîte de médicaments sur deux contient des génériques !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur les conditions actuelles de commercialisation des médicaments génériques. Je tiens d'abord à souligner que le développement de ces derniers est à l'évidence une nécessité économique, qui concilie les exigences de santé publique et notre préoccupation commune de garantir l'avenir de l'assurance maladie. En maîtrisant les dépenses de médicaments, nous dégageons les moyens d'admettre au remboursement de nouveaux produits nés des innovations thérapeutiques de l'industrie pharmaceutique.

Certes, se pose la question de l'obtention de l'autorisation de mise sur le marché, pour des médicaments génériques, deux ans avant l'expiration du brevet protégeant la spécialité de référence issue de la recherche et du développement de l'industrie. Si l'on veut que cette recherche se poursuive en France, il faut, bien sûr, protéger les brevets et éviter qu'avant leur expiration les médicaments génériques ne puissent effectivement être commercialisés en violation de toutes nos règles de droit.

A ce sujet, je tiens tout d'abord à vous préciser que la vérification de l'exploitation d'un brevet ne relève pas de la compétence de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé : les objectifs de l'agence sont avant tout la sécurité sanitaire au service de la santé publique et la gestion des autorisations de mise sur le marché. L'agence s'efforce de faciliter la mise sur le marché de tous les médicaments pouvant profiter à la santé publique, qu'il s'agisse de génériques ou de médicaments sous brevets.

Je voudrais également vous indiquer qu'autorisation de mise sur le marché ne signifie pas droit de commercialiser. L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé peut être amenée, pour permettre la commercialisation d'un médicament générique dès le jour de l'expiration du brevet, à autoriser sa mise sur le marché antérieurement à sa commercialisation effective, afin que les industriels puissent anticiper sur la commercialisation en fabriquant les médicaments et en préparant leur distribution pour le jour J.

Ce dispositif a été mis en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003. Il avait été observé, en effet, que le conditionnement de l'autorisation de mise sur le marché à la fin de la période de protection du brevet pouvait entraîner des délais de plusieurs mois avant que les génériques ne soient effectivement disponibles sur le marché. Nous avions voulu à l'époque, avec la représentation nationale, éviter ces retards, parce que nous souhaitions le développement effectif des génériques.

Le souci de permettre la commercialisation des médicaments génériques dans les meilleurs délais ne doit toutefois pas porter préjudice au droit de propriété intellectuelle détenu par les fabricants des molécules princeps.

Pour cela, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé informe systématiquement le fabricant de la molécule princeps avant de l'inscrire au répertoire des groupes génériques. Cela permet au laboratoire, s'il s'y croit fondé, de saisir le juge pour commercialisation illicite d'un générique. Les cas de ce type sont d'ailleurs très rares : à ce jour, un seul nous a été signalé. Nous resterons bien sûr très vigilants pour qu'il continue à en aller ainsi.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Monsieur le ministre, votre réponse est satisfaisante en théorie. Mais vous savez bien qu'une procédure judicaire engagée contre une contrefaçon exercée avant l'expiration du brevet durera deux, trois, quatre, voire dix ans.

Ester en justice dans ce type d'affaire est très difficile, d'autant que la procédure du référé est rarement utilisée. Certains laboratoires ont tenté de faire juger leur affaire en référé, seule procédure susceptible d'arrêter la commercialisation du médicament. Cela leur a toujours été refusé, au motif que les contrefaçons ne menaçaient pas fondamentalement les laboratoires.

Il serait intéressant d'améliorer l'information du public et des pharmaciens à cet égard : la protection offerte par les brevets permet en effet aux laboratoires, en particulier aux laboratoires français, de réaliser des recherches et des investissements financiers pour développer de nouvelles molécules.

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