Question de M. MARC François (Finistère - SOC) publiée le 24/03/2005

M. François Marc attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité sur le nouveau mode de répartition des aides PAC. Sachant que la protection de l'environnement constitue une préoccupation majeure de nos concitoyens et que la consommation en produits bio augmente chaque année, avec plus de clients et plus de produits consommés, sachant que, dans le même temps, le Parlement européen reconnaît que ce type de production contribue de manière importante à la fonction polyvalente de l'agriculture européenne, réduit la pollution, protège la biodiversité et les paysages cultivés, préserve ou même crée des emplois, il est désolant de constater que la France reste à la traîne des autres Etats membres de l'Union européenne en matière de production biologique. Cette réalité profite à d'autres zones de production européenne au détriment de l'ensemble des producteurs français. Pire, l'application française de la politique agricole commune conduit à pénaliser les agriculteurs qui ont adopté les systèmes les plus respectueux de l'environnement. Pour répondre aux agriculteurs qui se sont engagés dans l'agriculture durable et qui se considèrent durement pénalisés par la mise en application de la nouvelle politique agricole commune, différents outils existent pourtant dans le règlement européen pour rééquilibrer les soutiens entre les agriculteurs : redéfinition du mode de répartition des aides PAC, rémunération de reconnaissance des bénéfices pour l'environnement et l'emploi rural qu'ils apportent à l'ensemble de la société et qui ne sont pas du domaine marchand, reconnaissance de l'agriculture biologique en tant que vecteur d'écoconditionnalité. Face à l'urgence qu'il y a à développer la production biologique en France et à privilégier et soutenir l'excellence environnementale, il lui demande par conséquent quelle régulation il entend mettre en oeuvre pour rétablir l'égalité de traitement entre agriculteurs en apportant à l'agriculture biologique les soutiens indispensables aujourd'hui autorisés par la réglementation européenne.

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Réponse du Secrétariat d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et à la ruralité publiée le 04/05/2005

Réponse apportée en séance publique le 03/05/2005

M. François Marc. Ma question porte sur le développement de l'agriculture biologique en France qui connaît une situation pour le moins paradoxale, pour ne pas dire quelque peu caricaturale.

En effet, à l'heure où l'environnement figure en tête des préoccupations de nos concitoyens, alors que la consommation en produits biologiques augmente chaque année en nombre de clients et de produits consommés, la France reste à la traîne de nombreux autres Etats membres de l'Union européenne en matière de production biologique.

L'application française de la PAC semble même pénaliser les agriculteurs qui ont adopté les systèmes les plus respectueux de l'environnement ; quant aux agriculteurs qui se sont engagés dans l'agriculture durable, ils se considèrent comme durement traités.

C'est notamment sur le différentiel de DPU, droit à paiement unique, entre agriculteurs biologiques et agriculteurs conventionnels que je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture.

A système agronomique équivalent, l'écart de droit à paiement unique entre agriculteurs biologiques et agriculteurs conventionnels s'échelonne, en effet, de 5 % à 50 %, selon les productions. Cet écart est dû aux choix techniques induits par la pratique de l'agriculture biologique : plus faible chargement en bétail, plus forte proportion de prairies, etc.

On peut signaler à titre d'exemple que la perte de DPU chez les éleveurs laitiers biologiques varie entre 35 % et 50 %. Les élevages laitiers biologiques sont en effet les plus pénalisés par le calcul des DPU sur la base des références historiques.

Au total, les inégalités de traitement entre agriculteurs sont telles qu'à type équivalent de production un paysan « bio » touchera 20 % à 40 % en moins. Les agriculteurs qui se sont engagés dans l'agriculture durable et biologique touchent en effet 150 à 250 euros par hectare d'aides publiques en moins, soit jusqu'à 10 000 euros par exploitation.

On observe également une distorsion de concurrence chez nous entre les agriculteurs « bios » installés avant 2001 et les « nouveaux convertis », mais aussi à l'échelle européenne.

Par conséquent, la pérennisation de ce mode de production est très difficile.

Pourtant, au moins trois outils existent dans le règlement européen pour rééquilibrer les soutiens entre les agriculteurs.

Il s'agit, d'une part, de la redéfinition du mode de répartition des aides PAC.

Il s'agit, d'autre part, d'une « rémunération de reconnaissance » pérenne qui aurait pu être mise en place dès 2005, comme ce fut le cas en Allemagne. Ainsi, dans le bassin versant de Munich, il a été procédé à une reconversion totale à l'agriculture biologique, de sorte que le prix de l'eau à Munich est aujourd'hui vingt fois inférieur à ce qu'il est en moyenne en France. Cette rémunération de reconnaissance serait parfaitement possible en utilisant les premier et deuxième piliers de la PAC.

Il s'agit, enfin, de la reconnaissance de l'agriculture biologique en termes d'écoconditionnalité dans toutes les mesures où celle-ci est exigée.

La situation est inquiétante, voire alarmante. Très peu de conversions ont été constatées en 2003 et très peu d'installations dans l'agriculture biologique ont eu lieu en 2004.

Y a-t-il une volonté politique en la matière ? Ne refuserait-on pas de considérer l'agriculture « bio » comme un véritable mode de développement agricole ?

Voilà quelques jours, M. Sido, rapporteur de la commission des affaires économiques du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, déclarait ici même que l'agriculture biologique n'était pas viable en France, qu'il ne connaissait pas d'exploitation capable de réussir dans ce cadre et qu'il valait donc mieux importer les produits. De telles déclarations sont inquiétantes ; je ne sais si elles correspondent à la position de la majorité ou à celle du Gouvernement dans son ensemble. Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, être éclairé sur ce point.

En tout état de cause, le Gouvernement a-t-il l'intention de réorienter sa politique de manière que notre pays puisse rattraper le retard considérable de la production biologique en offrant aux agriculteurs qui s'installent dans ce mode de production des aides au moins équivalentes à celles qu'ils obtiendraient en restant dans le système traditionnel ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et à la ruralité. Monsieur le sénateur, vous avez souligné avec raison que la France s'intéresse à l'agriculture biologique et en soutient la démarche.

Je voudrais, pour répondre directement à votre question, réaffirmer devant vous avec force l'engagement du Gouvernement.

Vous rappeliez que la France se trouve actuellement en retard sur le plan de l'agriculture biologique. C'est le résultat d'une évolution qui s'est faite depuis un certain nombre d'années. Alors que nous étions précurseurs dans ce domaine il y a quinze ou vingt ans, nous constatons que d'autres pays ont progressé bien plus que nous, l'Allemagne en particulier.

C'est la volonté du Gouvernement que d'adopter une démarche active pour le « bio ».

En février dernier, j'étais à Nuremberg avec ma collègue Mme Renate Kunast, ministre de l'agriculture allemande, pour inaugurer le plus important salon bio d'Europe, Biofach, qui est comparable au salon international de l'alimentation, le SIAL. Il est intéressant de constater à quel point les produits biologiques ont évolué, y compris en termes de présentation.

Le Gouvernement souhaite donner un signe fort aux agriculteurs « bio ». Il s'agit notamment d'intégrer l'ensemble de la chaîne alimentaire et les produits alimentaires ou agro-alimentaires transformés et ainsi d'aller plus avant dans une réflexion globale.

En outre, le Gouvernement a annoncé le 2 février 2004 des mesures en faveur du développement de l'agriculture biologique, qui ont pour objectif d'encourager le développement de ce mode de production et de transformation, respectueux de l'environnement et de la biodiversité.

Vous avez appelé à rattraper le retard, mais tout ne se fait pas, vous le savez, d'un coup de baguette magique. Les mesures annoncées par le Gouvernement, sur la base du rapport du député Martial Saddier, répondent à six objectifs.

Il s'agit, tout d'abord, de parvenir à une meilleure connaissance des marchés et à une prise en compte des contraintes économiques du « bio », de procéder à un rapprochement des réglementations nationale et européenne, d'engager des actions de communication et d'information des consommateurs.

A ce sujet, l'évolution constatée au salon Biofach, en matière d'emballage, de présentation des produits, de mode de consommation, nécessite un important travail d'explication aux consommateurs. Souvent, on constate un décalage important entre la réalité des produits « bio » et la représentation que les consommateurs s'en font, ce qui ne les incite pas à rechercher ces produits.

Il s'agit aussi de procéder à un développement accru de la formation et de la recherche, d'optimiser les soutiens des pouvoirs publics et, enfin, de définir des lieux de concertation et de coordination adaptés.

Monsieur le sénateur, la mise en oeuvre de ces mesures, qui s'inscrivent pleinement dans les orientations du plan d'action européen sur l'alimentation et l'agriculture biologiques, adopté par le Conseil européen en octobre 2004, est engagée.

La demande d'harmonisation des aides à l'agriculture biologique faite auprès de la Commission européenne n'ayant pas abouti, nous réfléchissons à la possibilité de dispositifs complémentaires qui puissent être une alternative.

Les propositions qui en résulteront seront examinées dans le cadre des négociations globales menées pour la prochaine programmation de développement rural qui couvrira la période 2007-2013, ainsi que dans le cadre de l'application de la nouvelle politique agricole commune.

D'ici là, et cela répond bien à votre interrogation, sous réserve de l'avancement de ces discussions au niveau européen, afin de réduire les distorsions de concurrence avec nos voisins européens qui ont instauré une aide pour les producteurs au-delà de la période de conversion, des mesures complémentaires sont à l'étude.

Parmi ces mesures, une disposition fiscale spécifique sera proposée dans le cadre du projet de loi d'orientation agricole qui devrait être présenté très prochainement au Conseil des ministres.

Elle consiste à attribuer un crédit d'impôt aux exploitations agricoles qui pratiquent l'agriculture biologique lorsque les recettes issues de cette activité représentent au moins 40 % de l'ensemble de leurs recettes agricoles.

Le financement de cette mesure a été estimé à 18 millions d'euros en 2006, ce qui, vous en conviendrez, est une somme importante.

Monsieur le sénateur, voilà les quelques éléments très précis que je voulais apporter en réponse à votre interrogation sur les distorsions que vous avez évoquées. Sachez que nous n'avons pas terminé notre travail et que je recevrai volontiers vos propositions ainsi que celles du Parlement.

Le Gouvernement est déterminé à soutenir le secteur de l'agriculture biologique et, plus généralement, de l'agriculture durable.

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, des précisions que vous avez apportées.

Les mesures envisagées par le Gouvernement sont nécessaires, mais il me semble qu'il y a urgence.

L'agriculture est aujourd'hui dans une phase difficile de reconversion, de crise pour un certain nombre de productions. Il serait particulièrement opportun d'inciter à l'installation d'exploitations « bio », d'autant plus que la France importe 50 % des produits consommés.

L'information du consommateur est utile, mais c'est dans le domaine de la production qu'il faut fournir l'effort le plus important. Dans d'autres pays européens, comme l'Allemagne, l'Italie, la Grande-Bretagne, l'Autriche ou l'Espagne, des financements directs des agriculteurs « bio » ont été mis en place.

Vous évoquiez le chiffre de 18 millions d'euros : c'est sur ce point qu'il faut très vite mettre en oeuvre une compensation de rémunération suffisamment incitative.

Il est nécessaire de faire vite. Car, dans plusieurs régions de France, l'agriculture connaît une crise profonde et c'est aujourd'hui qu'il faut inciter véritablement à l'installation et à la reconversion.

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