Question de M. CHARASSE Michel (Puy-de-Dôme - SOC) publiée le 17/02/2005

M. Michel Charasse demande à M. le Premier ministre de bien vouloir lui faire connaître si le projet de directive relative aux services, actuellement en cours d'examen auprès des services de la commission de Bruxelles, est bien conforme aux dispositions du traité européen signé le 29 octobre 2004 et non encore approuvé par la France. Il lui demande en particulier si ce projet de directive respecte bien les prescriptions dudit traité et si, ayant été provisoirement retiré par la Commission européenne, il peut toujours être repris un jour dans les mêmes formes, puisque n'étant pas contraire au traité.

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Transmise au Ministère délégué aux affaires européennes


Réponse du Ministère délégué aux affaires européennes publiée le 15/09/2005

L'honorable parlementaire a bien voulu interroger le Gouvernement sur la conformité de la proposition de directive sur les services dans le marché intérieur avec les dispositions du traité européen signé le 29 octobre 2004. Les articles III-144 et III-145 de ce traité, dont la ratification n'a pas été approuvée par le référendum du 29 mai, reprennent très largement les articles 49 et 50 du Traité instituant la communauté européenne, actuellement en vigueur. L'article 50 CE prévoit que, sans préjudice des dispositions du chapitre relatif au droit d'établissement, le prestataire peut, pour l'exécution de sa prestation, exercer, à titre temporaire, son activité dans le pays où la prestation est fournie, dans les mêmes conditions que celles que ce pays impose à ses propres ressortissants. Toutefois, la Cour de justice des communautés européennes a interprété l'interdiction des restrictions à la libre prestation des services de l'article 49 CE comme exigeant non seulement l'élimination de toute discrimination à l'encontre du prestataire de services établi dans un autre Etat membre en raison de sa nationalité mais également la suppression de toute restriction, même si elle s'applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres Etats membres, lorsqu'elle est de nature à prohiber, à gêner ou à rendre moins attrayantes les activités du prestataire de services établi dans un autre Etat membre où il fournit légalement des services analogues. Une réglementation nationale n'échappe à l'interdiction de l'article 49 CE que si quatre conditions sont remplies, à savoir 1) qu'elle s'applique de manière non discriminatoire, 2) qu'elle se justifie par des raisons impérieuses d'intérêt général, 3) qu'elle est propre à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et 4) qu'elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (voir, notamment, arrêts du 25 juillet 1991, Collective Antennevoorziening Gouda, C-288/89 et du 24 janvier 2002, Portugaia Construçoes, C-164/99). Dès lors, malgré les termes mêmes de l'article 50 CE, la jurisprudence de la Cour peut d'ores et déjà aboutir à ce qu'un Etat membre ne puisse imposer aux prestataires d'un autre état membre la totalité de la législation qu'il impose à ses propres ressortissants. Au surplus, l'article 50 CE n'a vocation à s'appliquer que lorsque le Conseil n'a pas procédé, sur le fondement des articles 47 CE et 55 CE, à l'harmonisation et/ou à la coordination des réglementations nationales des Etats membres en matière de services. Par conséquent, on ne peut soutenir que la proposition de directive sur les services serait contraire au traité CE. Le Gouvernement est convaincu de l'importance du secteur des services à la fois pour la croissance et pour l'emploi. D'autant que notre pays compte parmi les principaux exportateurs dans ce domaine. A cet égard un acte européen est nécessaire, ne serait-ce que pour stabiliser le cadre juridique pour l'exercice de la liberté d'établissement et de la libre prestation de services. Il faut ajouter que la proposition de la Commission européenne compte des aspects positifs qu'il convient de souligner, et notamment la simplification des procédures administratives, qui doit être un facteur de développement de la compétitivité de nos entreprises. La méthode envisagée par la Commission n'est cependant pas la bonne. La France a souligné les nombreuses et sérieuses difficultés soulevées par le projet de texte, dès le Conseil Compétitivité du 11 mars 2004 - à l'occasion duquel la Commission européenne a présenté sa proposition de directive - et à chaque rencontre du groupe d'experts et surtout du Conseil des ministres (Compétitivité) de l'Union. La position française a été rappelée à de nombreuses reprises, en particulier au Conseil Compétitivité et lors d'entretiens bilatéraux avec les membres de la Commission. L'approfondissement nécessaire du marché intérieur des services doit se faire dans des conditions qui garantissent de manière satisfaisante, dans toute l'Europe, la protection des consommateurs ainsi que celle des travailleurs, la santé humaine et la sécurité juridique pour les opérateurs économiques. La proposition de la Commission ne remplit pas ces conditions, comme l'a clairement indiqué le Conseil européen le 23 mars dernier. Elle devra être remise à plat, comme le Président de la République et le Premier ministre l'avaient demandé le 2 février 2005, et comme l'ont souhaité l'Assemblée nationale et le Sénat. Cette volonté marquée par le Conseil européen correspond très largement à ce qu'expriment les parlementaires européens, qui se prononceront à l'automne sur cette proposition de directive. La Commission devra donc faire une proposition révisée de texte à la lumière de la première lecture du Parlement européen. Cette indispensable remise à plat devra notamment comporter l'exclusion des secteurs les plus sensibles, l'affirmation de la primauté du droit du travail (c'est-à-dire l'application du droit social français aux travailleurs et prestataires de service venant exercer leur métier en France même pour une durée limitée) ainsi qu'une remise en cause du principe du pays d'origine (PPO). Il convient désormais de travailler, avec la Commission européenne, le Parlement européen et les États membres au sein du Conseil, aux contours d'une directive susceptible de stimuler l'emploi dans les services sans porter atteinte aux principes qui doivent inspirer l'action de l'Union.

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