Question de M. DELFAU Gérard (Hérault - RDSE) publiée le 20/10/2004

M. Gérard Delfau attire l'attention de M. le ministre délégué aux relations du travail sur le risque de dumping social que représente l'ouverture du marché du travail aux dix pays ayant été admis récemment dans l'Union européenne. Et il ne s'agit pas seulement de délocalisations d'entreprises françaises. Il y a aussi la menace d'importation d'une main-d'oeuvre de ces nations à un coût très inférieur aux salariés français. Ainsi, une entreprise polonaise, spécialisée dans le montage des échafaudages, démarche en ce moment en Languedoc des entreprises du bâtiment avec comme principal argument : " Le contrat conclu entre nos sociétés vous donnerait une possibilité de réduire vos charges d'environ 40 à 50 %. " Le déséquilibre introduit par une telle concurrence n'est pas supportable, ni par les salariés français ni par le tissu économique local. Il souhaite savoir quelles mesures peuvent être prises en France pour encadrer la nouvelle réglementation européenne et éviter ce type de pratiques.

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Réponse du Ministère délégué aux relations du travail publiée le 03/11/2004

Réponse apportée en séance publique le 02/11/2004

M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur le risque de dumping social que représente l'ouverture du marché du travail aux dix pays ayant été admis récemment dans l'Union européenne.

Je ne parle pas ici seulement de délocalisations d'entreprises françaises. Il y a aussi la menace d'importation en provenance de ces nations d'une main-d'oeuvre à un coût très inférieur à celui des salariés français.

Ainsi, une entreprise polonaise spécialisée dans le montage des échafaudages démarche en ce moment en Languedoc des entreprises du bâtiment avec comme principal argument : « Le contrat conclu entre nos sociétés vous donnerait une possibilité de réduire vos charges d'environ 40 % à 50 %. » Lettres, fax, relances téléphoniques, tout est bon pour convaincre les chefs d'entreprise.

Le déséquilibre introduit par une telle concurrence n'est évidemment supportable ni par les salariés français ni par le tissu économique local.

A cet égard, je rappelle, monsieur le ministre, que le département dont je parle, l'Hérault, a un taux de chômage qui est parmi les plus élevés de l'Hexagone.

Aussi je souhaite savoir quelles mesures peuvent être prises, en France et à l'échelle de l'Union européenne, pour encadrer la nouvelle réglementation et éviter ce type de pratique.

Je me souviens que, lors de l'adhésion de l'Espagne au Marché commun, nous avions pris de telles mesures. Tout le monde en fut satisfait, car ce fut pour le plus grand bien à la fois de l'Espagne, de la France et de l'ensemble de l'Union européenne.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Monsieur Delfau, vous avez appelé mon intention sur le risque de dumping social qui serait lié à l'ouverture de notre marché du travail aux ressortissants des dix nouveaux Etats membres. Vous vous êtes en cela appuyé sur certaines pratiques d'entreprises, notamment polonaises, qui proposeraient aux entreprises françaises du bâtiment une main-d'oeuvre à faible coût. Je pense aussi à l'agriculture spécialisée, et plus particulièrement au maraîchage, secteur dans lequel les comparaisons transfrontalières, entre l'Alsace et la région voisine par exemple, font apparaître que les travailleurs polonais sont employés dans des conditions assez différentes dans notre pays et en Allemagne.

Je rappelle que les conditions dans lesquelles des entreprises appartenant à des Etats membres de l'Union européenne peuvent détacher des salariés en France sont encadrées par la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs. Celle-ci vise justement à prévenir le risque de dumping social que vous soulignez dans le respect des règles relatives à la libre circulation. Elle a été transposée dans le code du travail.

Selon notre législation, un salarié détaché ne peut en effet percevoir un salaire inférieur au SMIC. Il doit également bénéficier des mêmes garanties en terme de protection sociale, de durée du travail et de conditions de travail que celles qui sont prévues par la loi et les conventions collectives. Une affaire récente, que je ne citerai pas puisqu'elle en cours de jugement, nous a rappelé les conditions qui président au respect de ce code.

S'agissant de la nature des prestations réalisées sur le territoire français, les entreprises étrangères peuvent réaliser des prestations dans le cadre de contrats d'entreprises. Ces derniers supposent l'autonomie du prestataire dans la réalisation de sa prestation, à l'égard de son donneur d'ordre. L'importation de main-d'oeuvre évoquée dans votre question semble plutôt viser le prêt de main-d'oeuvre, monsieur le sénateur. Je rappelle qu'un tel prêt ne peut être réalisé que dans le cadre de la législation française sur le travail temporaire, qui prévoit notamment la justification par l'entreprise étrangère d'une garantie financière.

Si l'exemple que vous avez présenté révélait l'existence de prêt de main-d'oeuvre illicite, l'entreprise étrangère en cause s'exposerait à de lourdes sanctions pénales : amende de 30 000 euros et/ou emprisonnement de deux ans. De plus, les entreprises françaises recourant à ce prêt de personnel illicite seraient passibles des mêmes peines.

En tout état de cause, le Gouvernement est mobilisé dans la lutte contre le travail illégal sous toutes ses formes. Ces pratiques frauduleuses doivent être prévenues et sanctionnées avec détermination, car elles portent atteinte tant aux droits essentiels des travailleurs qu'à la concurrence entre les entreprises ou à l'équilibre de nos finances publiques. C'est pourquoi j'ai présenté, avec Jean-Louis Borloo, le 18 juin dernier un plan de lutte contre le travail illégal. Et je vous indique que la lutte contre les fraudes transnationales que vous évoquez en constitue l'une des priorités.

La commission nationale sera de nouveau réunie d'ici à la fin de l'année pour faire le bilan de six mois d'activité et, naturellement, je me tiens à votre disposition si tel ou tel cas était porté à votre connaissance pour que nous le soumettions tout simplement à la délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal, la DILTI

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Je voudrais tout d'abord rappeler que je suis profondément européen et que je me suis réjoui à chaque étape de l'élargissement de l'Union, tout comme je me félicite qu'un pays comme la Pologne nous ait rejoints : c'est une force pour la France et c'est un gage de paix à l'échelle non seulement du continent européen, mais aussi, sans doute, du monde.

Cela étant précisé, il nous reste à maîtriser le processus et à parvenir à un alignement des niveaux de vie, qui est évidemment l'objectif de la construction européenne.

Monsieur le ministre, vous me rappelez un certain nombre d'éléments qui encadrent les prêts de mains-d'oeuvre et qui devraient effectivement permettre que les coûts - salaires plus charges - soient à peu près égaux.

La démarche qui a été à l'origine de ma question est-elle légale ? Dans votre réponse, vous semblez m'indiquer qu'elle s'apparenterait plutôt à du travail clandestin.

Je vais évidemment reprendre contact avec les chefs d'entreprise qui m'ont alerté : ensemble, ou à titre personnel si nécessaire, nous informerons la direction départementale du travail ; je vous tiendrai au courant de la situation, monsieur le ministre, car il ne faut à aucun prix que ce type de pratiques s'installe sur notre territoire.

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