Question de M. SOUVET Louis (Doubs - UMP) publiée le 01/07/2004

M. Louis Souvet attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur le comportement de certains élus locaux visant à mettre en échec les règles en matière d'immigration. Certains élus procèdent en toute connaissance de cause à des mariages alors que l'un des conjoints est en situation irrégulière. Les services compétents sont alors confrontés à des situations inextricables. D'autres élus remettent à l'honneur des cérémonies purement symboliques pour accentuer la pression vis-à-vis de ces mêmes services préfectoraux. De tels comportements mécontentent fortement les citoyens qui ne comprennent pas pourquoi les engagements (ex aide au retour) ne sont pas tenus par les intéressés.

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Réponse du Ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales publiée le 10/02/2005

L'honorable parlementaire appelle l'attention du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les problèmes que soulève la célébration de mariages concernant des étrangers qui se trouvent en situation irrégulière au regard de la législation sur le séjour des étrangers en France. Il convient de rappeler que la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité comporte un certain nombre de mesures qui visent précisément à rendre plus efficace le dispositif de lutte contre les mariages frauduleux ou de complaisance qui peuvent être conclus par des étrangers dépourvus de titre de séjour. Ces dispositions doivent être désormais prises en compte et appliquées par les différentes autorités administratives et judiciaires qui sont appelées à intervenir dans les procédures de mariage. En premier lieu, il convient de préciser que l'étranger qui se trouve en situation irrégulière et qui engage les démarches administratives en vue de son mariage ne peut revendiquer, du seul fait de son projet de mariage, un droit au séjour. Le préfet a la possibilité de faire cesser l'irrégularité de son séjour par le prononcé et la mise à exécution d'un arrêté de reconduite à la frontière sans porter atteinte au droit au mariage. En second lieu, en application de la loi nouvelle, les officiers de l'état civil ont désormais, préalablement à toute célébration de mariage, obligation de s'entretenir ensemble ou séparément avec les personnes concernées. Cet entretien doit leur permettre d'identifier, suffisamment tôt par rapport à la date de la cérémonie, les indices d'un mariage de complaisance. Les maires peuvent en outre saisir le procureur de la République, qui seul peut ordonner une enquête civile et former opposition au mariage ou décider qu'il sera sursis à sa célébration dans l'attente des résultats de l'enquête à laquelle il fera procéder. Si le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 novembre 2003, a considéré que le fait pour un étranger de ne pouvoir justifier de la régularité de son séjour ne pouvait dans tous les cas constituer l'indice exclusif de l'absence de consentement au mariage justifiant une saisine du procureur de la République en vue de faire opposition au mariage, il a admis clairement que le caractère irrégulier du séjour d'un étranger, rapporté à d'autres éléments du dossier, constituait un indice d'un mariage de complaisance. Ces dispositions confèrent donc aux maires, en leur qualité d'officiers de l'état civil, des possibilités d'action renforcée lorsqu'ils sont en présence d'indices sérieux présumant l'existence d'un mariage de complaisance. Il leur appartient en conséquence d'exercer dans leur plénitude les pouvoirs qui leur sont dévolus par la loi, dans le respect des principes et des objectifs fixés par le législateur. Cela signifie qu'il n'est pas possible, compte tenu de la décision du Conseil constitutionnel, de refuser de célébrer un mariage au seul motif qu'un des époux serait en situation irrégulière, mais que les maires et les préfets ne sont, pour autant, pas dépourvus de moyens d'action pour lutter contre l'abus de droit que constitue le fait de se marier en espérant échapper à un éloignement. Si l'enquête enclenchée par le procureur de la République établit l'existence d'un mariage de complaisance, des poursuites pourront être engagées sur le fondement du nouvel article 21 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée. La loi nouvelle institue en effet un délit spécifique de participation à un mariage de complaisance ou d'organisation d'un tel mariage. Le fait de contracter ou d'organiser un mariage aux seules fins d'obtenir, ou faire obtenir, un titre de séjour ou aux seules fins d'acquérir ou de faire acquérir la nationalité française est ainsi puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Il doit être précisé que ni la condamnation pénale au titre de l'infraction de mariage de complaisance, ni l'annulation du mariage pour absence de consentement en application de l'article 146 du code civil ne sont un préalable nécessaire à la faculté reconnue aux préfets de refuser ou de retirer un titre de séjour à un étranger dont le caractère frauduleux du mariage est établi par l'administration. Conformément à la théorie jurisprudentielle de la fraude, qui permet à l'administration de remettre en cause à tout moment un droit obtenu par un administré de façon frauduleuse, le droit au séjour qui aurait été reconnu à un étranger sur la base d'une fraude perd sa validité (Conseil d'Etat, Abihilali, 9 octobre 1992). Une mesure de reconduite à la frontière peut être prononcée et exécutée par le préfet à l'encontre d'un ressortissant étranger convaincu de telles manoeuvres. La protection contre l'éloignement prévue par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée en faveur des étrangers mariés depuis au moins deux ans avec une personne de nationalité française ne pourra pas jouer en cas de fraude au mariage avérée. Enfin, lorsque le mariage est célébré, le préfet peut refuser la délivrance d'un titre de séjour si l'étranger ne justifie pas de la régularité de son entrée sur le territoire ou si la communauté de vie entre les époux n'est pas établie. La loi nouvelle porte à deux années le délai de vie commune exigé pour l'obtention de la carte de résident de dix ans. Un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière peut être prononcé et mis à exécution lorsque le mariage date de moins de deux ans. En cas d'absence de communauté de vie, la mesure de reconduite peut être prise quelle que soit l'ancienneté du mariage. L'ensemble du nouveau dispositif juridique en vigueur doit ainsi permettre de lutter plus efficacement contre les actions frauduleuses des ressortissants étrangers qui auraient pour objectif de conclure un mariage aux seules fins d'obtenir la régularisation de leur situation au regard du séjour ou d'acquérir la nationalité française.

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