Question de M. ADNOT Philippe (Aube - NI) publiée le 19/02/2004

M. Philippe Adnot appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les difficultés d'interprétation soulevées par l'article L. 225-103 du code de commerce - qui permet aux actionnaires minoritaires de provoquer une assemblée générale, sous réserve de rassembler 5 % du capital social -, dans son application concrète par les juridictions consulaires. La jurisprudence actuelle aboutit, en fait, d'une part, à accorder au requérant une mesure correspondant à une action ayant un objet différent de celui de la mesure sollicitée et, d'autre part, à mépriser l'urgence de la protection des intérêts du demandeur. A titre d'exemple, la jurisprudence commerciale a décidé d'accepter, sur le fondement de l'article 225-103 précité, l'inscription d'une demande de révocation du conseil d'administration à l'ordre du jour d'une assemblée générale annuelle se tenant quatre mois après la demande de convocation d'une assemblée générale par les actionnaires minoritaires. Ce résultat est exactement contraire à l'esprit du législateur quant à cette disposition introduite, selon lui, pour rééquilibrer les pouvoirs au sein de l'entreprise en diminuant le seuil nécessaire pour permettre aux minoritaires de provoquer une assemblée générale, sous réserve de rassembler 5 % du capital social. Afin de pallier cette difficulté qui ruine le principe directeur même du dispositif, il lui demande de bien vouloir préciser si la condition de franchissement du seuil de 5 % posée par l'article susvisé doit être satisfaite seulement au moment où la requête est formée ou perdurer jusqu'à ce que le juge statue, voire jusqu'au jour de la tenue de l'assemblée. Par ailleurs, il souhaite savoir si la condition du respect de l'intérêt social doit être également remplie. Enfin, il lui semble que, toujours dans l'intention du législateur, l'urgence soit requise lorsque la demande de convocation d'une assemblée générale émane des actionnaires. Afin de clarifier cette situation et de donner à la disposition législative sa pleine et réelle efficacité, en pratique, il souhaiterait qu'il lui fasse part d'une mesure d'ordre réglementaire précisant que tout regroupement d'actionnaires représentant au moins 5 % du capital est en droit d'obtenir la convocation d'une assemblée générale dans les trente jours suivant la date de la preuve de cette représentativité de 5 %.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 10/02/2005

Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que, en application des dispositions du deuxième alinéa du II de l'article L. 225-103 du code de commerce, l'assemblée générale peut être convoquée par un mandataire désigné en justice, à la demande soit de tout intéressé, en cas d'urgence, soit d'un ou plusieurs actionnaires réunissant au moins 5 % du capital, soit d'une association d'actionnaires répondant aux conditions fixées par l'article L. 225-120 du même code. La condition d'urgence visée par ce texte ne s'impose que lorsque l'action est engagée par toute personne intéressée, indépendamment de sa qualité d'actionnaire ou du nombre de parts qu'elle détient. Cette circonstance particulière d'urgence permet notamment à des créanciers, à des obligataires ou même au commissaire aux comptes d'agir en vue de voir désigner un mandataire aux fins de convocation. Pour les actionnaires, l'exigence tenant à la détention de 5 % du capital est alors écartée. Hors les cas d'urgence, l'action est ouverte aux seuls actionnaires et associations d'actionnaires réunissant les seuils de détention du capital précités. Ce quorum doit être apprécié au jour de l'acte introductif d'instance, s'agissant d'une condition de recevabilité de l'action. Il appartient, en toute hypothèse, à la juridiction saisie d'apprécier l'intérêt à agir des demandeurs et la conformité de la demande à l'intérêt social, sans pour autant se prononcer sur l'opportunité de celle-ci. Si la loi ne fixe aucun délai pour la convocation de l'assemblée générale par le mandataire, celle-ci se doit d'intervenir dans un délai raisonnable et, en cas d'urgence, à bref délai. Il n'apparaît à cet égard pas opportun de fixer par voie réglementaire un délai de convocation trop restrictif, que la taille importante et la diffusion de l'actionnariat de certaines entreprises ne permettraient pas de respecter. Enfin, l'article L. 225-103 ne saurait servir de fondement légal à l'inscription d'un projet de résolution à l'ordre du jour d'une assemblée déjà convoquée, cette possibilité étant reconnue par le deuxième alinéa de l'article L. 225-105, qui constitue un fondement distinct.

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