Question de M. JOLY Bernard (Haute-Saône - RDSE) publiée le 19/12/2003

Question posée en séance publique le 18/12/2003

M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question complète celles qui ont déjà été posées concernant l'Europe.

Lors du lancement, en octobre dernier, à Rome, des travaux de la conférence intergouvernementale chargée d'adopter la future Constitution européenne, les divergences apparues entre différents groupes d'Etats sur des points majeurs du texte de la convention laissaient entrevoir combien l'exercice serait difficile.

Mais comment, pour autant, imaginer qu'un texte élaboré durant seize mois, résultant d'un consensus entre 108 conventionnels et salué par le Conseil européen de Thessalonique comme une bonne base de départ pour la conférence intergouvernementale ne pourrait aboutir ?

Hélas ! Le miracle, que nous étions nombreux à espérer, n'a pas eu lieu au sommet de Bruxelles des 12 et 13 décembre : les vingt-cinq chefs d'Etat et de gouvernement ne sont pas parvenus à trouver un compromis et ne se sont fixés aucun rendez-vous pour la poursuite des discussions.

M. René-Pierre Signé. Surtout Chirac !

M. Bernard Joly. S'agit-il d'un manque de volonté politique des dirigeants, de l'incapacité des autres à faire passer l'intérêt général avant les intérêts nationaux ? Quoi qu'il en soit, cet échec marque la première crise de l'Europe élargie.

Les parlements nationaux, qui représentaient de loin la composante la plus nombreuse de la Convention, seraient en droit de dénoncer le mépris des gouvernements pour leur travail.

Il est vrai néanmoins que la présidence italienne avait enfermé la conférence intergouvernementale dans un calendrier très strict sans se donner les moyens de rapprocher les positions et qu'un échec à Bruxelles ne préjuge pas de demain. C'est en tout cas toujours préférable à un mauvais accord. Pour une Constitution, on n'a pas le droit de se tromper d'ambition.

Mais il ne faudrait pas que chacun « se passe le mistigri ». L'Irlande, qui succédera à l'Italie à la tête de l'Union au 1er janvier 2004, a déjà annoncé qu'elle se donnerait un délai de trois mois avant de relancer les négociations. Les échéances cruciales des prochains mois plaident pour la fixation d'une date butoir.

Quel calendrier estimez-vous réaliste, madame la ministre ?

Par ailleurs, Jacques Chirac a immédiatement évoqué, à l'issue du sommet, la mise en place de groupes pionniers afin de permettre aux plus volontaires des Etats membres d'aller de l'avant. Ne pensez-vous pas que cette « Union à la carte » annoncerait immanquablement la fin de la méthode et de l'intégration à l'origine du succès de la construction européenne ?

Enfin, peut-on espérer que l'accord intervenu à Naples sur l'Europe de la défense trouve une traduction concrète malgré le report de la Constitution ?

- page 10279


Réponse du Ministère délégué aux affaires européennes publiée le 19/12/2003

Réponse apportée en séance publique le 18/12/2003

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d'abord de remercier l'ensemble des orateurs qui sont intervenus sur ce sujet de l'Europe de la qualité de leurs propos. L'Europe, c'est vrai, est au coeur de tous les thèmes qui nous préoccupent aujourd'hui.

M. René-Pierre Signé. Cela fait un peu de temps passé !

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Vous m'avez interrogée sur le calendrier, sur les modalités qui nous sont offertes pour faire progresser l'Europe malgré l'absence de conclusions lors du dernier Conseil européen et, enfin, sur la défense.

S'agissant du calendrier, notre horizon se situe en 2004. Il est vrai, vous l'avez vous-même relevé, que le Conseil européen a assigné à la présidence irlandaise la mission de faire des propositions de reprise des négociations lors du prochain Conseil européen de mars. Si la présidence irlandaise, dont nous allons appuyer très fortement la démarche, ne parvient pas à aboutir, il appartiendra à la présidence néerlandaise de se livrer à la tâche de finalisation des travaux de la conférence intergouvernementale. Nous l'appuierons fortement également.

Nous ne souhaitons pas que l'horizon s'étende jusqu'à la présidence luxembourgeoise en 2005, considérant que l'Europe à ving-cinq doit s'armer et être prête à fonctionner le plus tôt possible.

Par ailleurs, il faut dire que la volonté des Etats est là.

M. Raymond Courrière. Dans les deux sens !

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Ils ne sont pas parvenus à un accord, mais nous devons avoir confiance dans la volonté politique de nos partenaires et de leurs peuples, notamment des nouveaux entrants, qui ont été soumis à un rythme accéléré de réformes, précisément du fait de l'attractivité de l'Union européenne.

M. Raymond Courrière. Eh oui !

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Sur les groupes pionniers, le Président de la République a été très clair lors de sa conférence de presse.

M. René-Pierre Signé. Il a été clair, lui !

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Il ne s'agit pas d'un « plan B » et de faire l'Europe en dehors de l'Europe. Nous, Français, avons conçu ce projet européen, qui est un projet extraordinaire en ce sens qu'il est unique, et nous tenons à la méthode communautaire.

M. Raymond Courrière. Il faut respecter tout le monde alors, y compris les Polonais !

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Nous pensons qu'il existe des mécanismes de flexibilité, qui ont été utilisés...

M. Raymond Courrière. Mais oui !

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. ... par exemple, pour la zone de l'euro, qui regroupe douze Etats membres, mais également pour l'espace Schengen, qui ne compte lui aussi qu'un certain nombre d'Etats membres.

Ces mécanismes de flexibilité, les coopérations renforcées, doivent être utilisés si besoin est pour faire progresser l'Europe, de sorte que ceux qui veulent avancer moins vite ne retardent pas ceux qui entendent progresser plus rapidement.

Il faut cependant tenir compte de deux principes que le Président de la République a soulignés et qui marquent que l'Europe est un espace de solidarité, d'inclusion, et non pas un espace d'exclusion : premièrement, ces coopérations renforcées doivent être mises en oeuvre suivant la méthode communautaire, sous l'impulsion, voire la supervision de la Commission.

M. René-Pierre Signé. Pas pour les déficits !

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Deuxièmement, il s'agit de mécanismes de coopération qui sont ouverts aux autres. C'est cela l'idée de l'Europe et de la solidarité européenne.

Nous continuerons, notamment avec nos partenaires allemands, à faire avancer l'Europe suivant les mécanismes qui sont offerts à nous, mais dans l'idée d'entraîner, à terme, l'ensemble des Etats membres.

- page 10280

Page mise à jour le