Question de Mme BEAUDEAU Marie-Claude (Val-d'Oise - CRC) publiée le 09/10/2003

Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur l'application de l'article 62 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 " Démocratie de proximité " concernant l'exercice de la profession d'exploitant de taxis. Elle lui rappelle que l'article 1er bis modifié précise que " les taxis ne peuvent stationner dans des lieux que si les conducteurs peuvent apporter la preuve, en cas de contrôle, qu'ils stationnent dans les communes où ils ont fait l'objet d'une réservation préalable, ainsi que dans celles faisant partie d'un service commun de taxis comprenant leur commune ". Elle lui fait remarquer que ces dispositions excluent du droit au travail dans les aéroports d'Orly et de Roissy les exploitants de taxis franciliens au profit des seuls exploitants parisiens du fait d'une décision du préfet de police de Paris anachronique, dépassée, injuste, prise il y a trente ans. Les taxis parisiens bénéficient dans un département extérieur à Paris d'un statut privilégié et exclusif. Elle lui demande de lui faire connaître les mesures visant à annuler cet article 62 et à garantir le droit au travail pour tous les taxis franciliens sur les aéroports de Roissy et d'Orly.

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Réponse du Secrétariat d'Etat aux transports et à la mer publiée le 05/11/2003

Réponse apportée en séance publique le 04/11/2003

Mme Marie-Claude Beaudeau. Depuis trente ans, c'est-à-dire depuis l'ouverture de l'aéroport Charles-de-Gaulle à Roissy-en-France, la guerre des taxis fait rage sans qu'aucun gouvernement, aucun ministre, aucun préfet de police n'ait été capable de mettre sur pied un armistice et encore moins un traité de paix.

Mon intervention vise à proposer une sorte de pacte entre chauffeurs de taxis val-d'oisiens et parisiens.

Je ferai référence à trois textes ou avis pour replacer le problème.

Le 14 avril 1998, M. Chevènement, alors ministre de l'intérieur, m'écrivait ceci : « Il convient de rappeler que conformément aux articles L. 213-2 et R. 213-6 du code de l'aviation civile, les autorisations de stationnement aux abords des aérodromes sont délivrées par le préfet du département où se situe l'aéroport. »

L'aéroport Charles-de-Gaulle est situé pour les deux tiers de sa surface en Val-d'Oise. L'aéroport est cependant placé sous la responsabilité du préfet de Seine-Saint-Denis. Ni le premier préfet ni le deuxième préfet n'ont droit de regard sur le stationnement des taxis. C'est un troisième préfet le préfet de police de Paris, qui a la compétence de fixer le nombre de taxis autorisés à l'aéroport Charles-de-Gaulle parce qu'un arrêté du 19 février 1974 en décide ainsi puisqu'il rattache à sa compétence la commune de Tremblay-en-France, en Seine-Saint-Denis, et celle de Roissy-en-France, dans le Val-d'Oise, sur lesquelles est situé l'aéroport.

Le 24 avril 2003, M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales m'a réaffirmé, dans une réponse à une question écrite, l'interdiction faite aux taxis communaux, donc aux taxis val-d'oisiens, de stationner, donc de charger, sur l'aéroport Charles-de-Gaulle, ce qui déclenche l'hostilité des taxis val-d'oisiens et de la chambre de commerce et d'industrie.

Depuis 1974, les taxis val-d'oisiens sont ainsi interdits de séjour, et donc privés du droit de travailler, sur une partie de leur département. Cet interdit n'est-il pas illégal en droit au travail ?

C'est ma première remarque. Tous les ministres ont, en fait, admis cette situation.

M. le préfet de police exprimait le 3 février 2003, donc à la même période, l'analyse suivante faite à la chambre de commerce et d'industrie : l'article 1er de la loi du 1er mars 1937 lui donne le droit « de réglementer le nombre de voitures en circulation autorisées à stationner et charger la clientèle ». Mais, d'autre part, « il n'est pas possible d'envisager la création d'un service de taxis spécifiques à l'aéroport de Roissy qui dérogerait au principe d'unicité au sein de la zone d'activité des taxis parisiens ». L'augmentation de la flotte des taxis parisiens sera de 1 500 à l'exclusion de taxis val-d'oisiens ou seine-et-marnais. »

La situation était donc bloquée. Elle vient de se « verrouiller » avec l'article 62 de la loi relative à la démocratie de proximité du 27 février 2002, qui précise que les taxis ne peuvent stationner dans des lieux que si les conducteurs peuvent apporter la preuve qu'ils travaillent sur réservation et lorsqu'ils stationnent dans les communes faisant partie d'un service commun de taxis comprenant leur commune.

Or un taxi val-d'oisien ou seine-et-marnais ne fait pas partie de la flotte des taxis parisiens. Il ne peut donc travailler à Roissy, ce qui est injuste.

On se réfère à une législation remontant à 1937 pour réglementer le fonctionnement du service des taxis sur l'un des plus grands aéroports du monde. C'est anachronique.

En attendant qu'un peu de modernisme et de décentralisation soient apportés dans cette situation ubuesque, je propose, monsieur le secrétaire d'Etat, l'abrogation de l'article 62 de la loi relative à la démocratie de proximité pérennisant l'archaïsme et l'injustice et, dans l'attente d'une réglementation nouvelle, la création d'une catégorie « taxis aéroport Charles-de-Gaulle » autorisée à ne desservir que les départements de l'Oise, de la Seine-et-Marne, des Yvelines, de l'Essonne et du Val-d'Oise, sachant que ces destinations ne représentent actuellement que 6 % de l'ensemble du trafic de l'aéroport.

Mme Hélène Luc. On pourrait en dire autant à propos d'Orly !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Je vous prie, madame Beaudeau, de bien vouloir excuser M. Nicolas Sarkozy, qui m'a demandé de vous répondre. Si le contenu de cette réponse devait ne pas vous satisfaire complètement, il se tiendrait naturellement à votre disposition pour continuer à réfléchir sur ce sujet important et complexe, en particulier sur le plan juridique.

Vous avez appelé l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la loi du 20 janvier 1995 relative à l'accès à l'activité de conducteur et à la profession d'exploitant de taxi, modifiée par l'article 62 de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, cette nouvelle disposition ayant été prise par le législateur afin de clarifier les modalités de stationnement des taxis.

Antérieurement à cette modification législative, le Conseil d'Etat, par un arrêt du 6 juin 2001, avait estimé que, eu égard à l'importance que revêt la desserte d'une gare, dont l'intérêt dépasse largement le cadre de la commune où cette dernière est édifiée, le maire ne pouvait légalement réserver aux seuls taxis de sa commune le stationnement sur les emplacements réservés aux taxis devant la gare.

Cet arrêt du Conseil d'Etat permettait donc aux taxis extérieurs à la commune-centre de venir stationner devant la gare, en faisant ainsi une concurrence déloyale aux taxis locaux qui, souvent, ont acquis une autorisation de stationnement à titre onéreux à un prix nettement supérieur à celui des taxis extérieurs venant de communes rurales.

La loi du 20 janvier 1995 a donc été modifiée dans la mesure où le dépassement du cadre communal remettait en cause la logique de cette loi et risquait d'engendrer des situations conflictuelles entre conducteurs de taxis.

Toutefois, cette modification des textes ne remet pas en question le développement de zones de prise en charge plus importantes des clients, que le ministère de l'intérieur encourage au contraire vigoureusement. Ainsi, la circulaire du 15 mai 2001 relative au stationnement des taxis dans les cours de gare a enjoint aux préfets de susciter la création par les maires concernés de services intercommunaux de taxis.

Un tel service permet en effet aux taxis de desservir plusieurs communes après accord des maires, ceux-ci conservant néanmoins, dans le cadre de ce groupement, leur pouvoir de délivrance d'autorisations sur le territoire de leurs communes. Un modèle d'arrêté type de service intercommunal de taxis a d'ailleurs été transmis aux préfectures lors de la diffusion de cette circulaire.

En ce qui concerne la desserte des aéroports d'Orly, je rappelle que deux catégories de taxis sont admises à stationner : les taxis parisiens et les taxis de banlieue, chacune d'entre elles disposant d'un emplacement réservé.

S'agissant de la desserte de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, elle est en effet exclusivement assurée par les taxis parisiens, dont la zone d'activité couvre Paris et quatre-vingts communes de la région Ile-de-France.

Le préfet de police de Paris a été chargé, par arrêté du 10 novembre 1972 portant organisation de l'industrie du taxi dans la région parisienne, d'exercer les attributions en matière de taxis, à l'exception de celles qui sont relatives au tarif de location des voitures. Cet arrêté réserve donc au préfet de police le pouvoir de délivrer les autorisations de stationnement à l'aéroport de Roissy.

Dans ce contexte, les taxis communaux n'ont pas été admis à stationner dans l'enceinte de l'aéroport, du fait, notamment, qu'ils ne sont pas soumis au même régime tarifaire que les taxis parisiens. Ils perçoivent ainsi un droit de retour, alors que les taxis parisiens n'ont pas cette possibilité. Cela est d'ailleurs heureux pour les clients, car le prix de la course entre Roissy et Paris est déjà élevé !

La présence des taxis communaux à l'aéroport serait, en outre, source de conflits préjudiciables aux usagers. A cet égard, l'expérience de « cohabitation » entre taxis communaux et taxis parisiens menée à Roissy de mars à septembre 1974 a été particulièrement éclairante.

Les conducteurs qui refuseraient de prendre en charge des clients sont passibles de sanctions administratives pouvant aller de l'avertissement au retrait définitif de la carte professionnelle de conducteur de taxi, prises par la commission de discipline des taxis parisiens. Les services du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales veillent à la stricte application de la réglementation en la matière.

Par conséquent, et même si cela n'est peut-être pas la réponse que vous attendiez, madame le sénateur, il n'est pas envisagé à l'heure actuelle de modifier les modalités d'application de la loi du 20 janvier 1995 précitée, le dialogue restant toutefois bien sûr ouvert.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons tous deux souligné à quel point la législation relative à la desserte de l'aéroport Charles-de-Gaulle est complexe.

Certes, je suis toujours prête au dialogue, mais la réponse qui m'a été donnée ce matin témoigne d'une certaine fermeture. Elle m'a d'ailleurs semblé assez imprécise s'agissant des objectifs à atteindre.

J'estime qu'il convient de modifier la législation pour que justice soit rendue aux taxis du Val-d'Oise. Le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 6 juin 2001, a estimé que la mesure prise par la ville de Vannes tendant à interdire aux taxis extérieurs à la commune de stationner sur les emplacements de la gare SNCF ne tient pas compte de la réalité du bassin de vie desservi par celle-ci. Il s'agit de répondre à une demande forte des usagers des gares et des aéroports.

Par ailleurs, le président du tribunal administratif de Rennes a suspendu l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine qui interdisait aux taxis extérieurs à la ville de Saint-Malo de prendre en charge des clients à la gare de cette ville. Le Gouvernement ferait bien, à mon sens, de ne pas attendre qu'une décision analogue soit prise en ce qui concerne l'aéroport de Roissy-en-France.

Ce retard dans la modernisation d'un service public entraîne actuellement des conséquences graves. Ainsi, de nombreux taxis clandestins s'organisent, parfois sur une base communautaire, pour se livrer à un véritable racket autour de l'aéroport Charles-de-Gaulle. Les clients voulant se rendre non seulement à Paris, mais aussi dans le Val-d'Oise ou en Seine-et-Marne, devront-ils désormais recourir à de tels taxis clandestins ? Cette pratique se répand largement, monsieur le secrétaire d'Etat, et toute faiblesse à cet égard n'est plus acceptable. J'interrogerai de nouveau M. Sarkozy sur ce problème dès cet après-midi, en commission des finances.

Mme Hélène Luc. Très bien !

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