Question de Mme DEMESSINE Michelle (Nord - CRC) publiée le 17/10/2003

Question posée en séance publique le 16/10/2003

Mme Michelle Demessine. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires sociales et concerne les décrets d'application de la réforme des retraites.

En effet, des informations alarmantes nous parviennent s'agissant du projet de décret concernant les départs anticipés pour les salariés ayant commencé à travailler entre quatorze et seize ans.

A la lecture de ce projet, force est de constater que le Gouvernement cherche à atteindre son objectif de réduire à la portion congrue le nombre de salariés qui pourront être concernés.

Alors que 800 000 salariés étaient concernés par la proposition de loi initiée par mon collègue Alain Bocquet et déposée par les groupes communistes de l'Assemblée nationale et du Sénat, on peut s'interroger sérieusement s'ils seront encore 150 000 au final si les choses restent en l'état.

Pourtant, cette mesure était présentée comme une avancée majeure dans votre réforme.

M. René-Pierre Signé. Effet d'annonce !

Mme Michelle Demessine. Et maintenant, monsieur le ministre, tel Harpagon, vous calculez soigneusement toutes les soustractions qui excluront encore un nombre important des bénéficiaires qui espèrent aujourd'hui encore en faire partie. En témoignent, d'ailleurs, les milliers de dossiers qui affluent dans les caisses régionales de l'assurance vieilesse.

Ainsi, ne seront pris en compte que les trimestres cotisés et non l'ensemble des trimestres validés, ce qui est pourtant le cas pour le calcul normal des droits à la retraite.

Ainsi seront exclus les périodes de maladie, d'invalidité, de chômage, les mois d'armée au delà d'un an. Et ce n'est pas fini : « cerise sur le gâteau », seront exclus les congés de maternité et les bonifications pour enfants,...

M. René-Pierre Signé. C'est honteux !

Mme Michelle Demessine. ... ce qui, du reste, témoigne de l'intérêt que le Gouvernement porte à la maternité !

A ce rythme, on peut donc légitimement s'interroger sur le nombre de salariés concernés qui pourront réellement partir en retraite anticipée.

M. René-Pierre Signé. Ce ne sera pas brillant !

Mme Michelle Demessine. De plus, nous savons que l'effectivité de ce départ anticipé à la retraite est suspendue à la négociation sur les retraites complémentaires. Et, de ce côté, rien ne permet encore d'être rassuré.

Ce projet de décret, monsieur le ministre, est très révélateur.

Par son contenu, il acte une nouvelle fois un changement de nature du système par répartition, allant de plus en plus vers le tout contributif, s'inscrivant dans une logique assurantielle et, surtout, gommant les valeurs de solidarité.

Monsieur le ministre, devant les protestations émanant en particulier des organisations syndicales, allez-vous reconsidérer ce projet de décret, reconnaître les périodes validées, et donc réintégrer les périodes que je vous ai citées dans le calcul du droit à la retraite anticipée pour les salariés ayant commencé à travailler entre quatorze et seize ans ?

Allez-vous aussi tout mettre en oeuvre pour que cette mesure soit effective rapidement, en incitant notamment le MEDEF (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE) à négocier un accord spécifique dans le cadre de la négociation sur les retraites complémentaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

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Réponse du Ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité publiée le 17/10/2003

Réponse apportée en séance publique le 16/10/2003

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame le sénateur, la mesure que le Sénat a votée et qui, je vous le confirme, entrera en application au 1er janvier 2004, coûtera à la caisse nationale d'assurance vieillesse un peu plus d'un milliard d'euros.

Les 800 000 personnes qui étaient visées par la proposition de loi de M. Bocquet n'ont évidemment jamais rien coûté à la caisse nationale d'assurance vieillesse, pour la bonne raison que cette proposition de loi, défendue par le groupe communiste depuis très longtemps, est toujours demeurée virtuelle.

Je ne sais pas qui aujourd'hui est Harpagon, mais la vérité, c'est que nous avons engagé une réforme qui représente une avancée sociale importante...

M. René-Pierre Signé. Elle n'est pas financée !

M. François Fillon, ministre. ... même si, naturellement, elle ne va pas aussi loin que le projet que vous aviez défendu. Mais elle est votée et elle va entrer en application, alors que vous avez eu cinq ans pour mettre en oeuvre la vôtre, qui n'a jamais été soutenue par la majorité de l'époque. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Ce sont donc 200 000 personnes, comme je m'y étais engagé lors du débat au Sénat, qui, à partir du 1er janvier, pourront partir en retraite.

Le décret que le Gouvernement prépare et qui sortira avant la fin du mois d'octobre est parfaitement conforme à la loi : ce sont les trimestres cotisés qui sont pris en compte ; de même, la loi a étendu, à la demande du Parlement, les dispositions du décret au service militaire pour une durée de douze mois.

Quant aux gestionnaires des régimes complémentaires, ils sont, vous le savez, en négociation. Ils ont disposé, pour préparer la concertation, de tous les éléments financiers que leur a fournis le Gouvernement, et notamment du projet de décret.

Je suis convaincu que nous parviendrons à un accord sur les régimes complémentaires avant la fin de l'année et, par conséquent, au 1er janvier, ce sont 200 000 Français qui seront en mesure de prendre une retraite anticipée bien méritée.

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