Question de M. FRANCHIS Serge (Yonne - UMP) publiée le 30/04/2003

M. Serge Franchis attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur le préjudice d'image et sur le déficit des ventes que la mise en marché de " faux chablis " fait subir à l'appellation chablis. En volume mondial, le " faux Chablis " produit chaque année, bien qu'en réduction très importante par rapport aux évaluations pratiquées en 1989, représente encore l'équivalent de 7 à 8 fois la production totale du vignoble chablisien en Bourgogne. Les Etats-Unis sont les principaux producteurs de " faux chablis ", qu'ils exportent essentiellement au Canada. En conséquence, le chablis français pénètre peu le marché de l'Amérique du Nord (3,55 % des exportations aux Etats-Unis et 2,28 % au Canada). L'Argentine reste le deuxième producteur de faux chablis avec une consommation réservée au marché intérieur. Le chablis argentin, comme le chablis américain, est considéré comme un vin d'entrée de gamme et se vend à un prix inférieur à 4 dollars argentins (1,1 euro). Sur ces marchés, les professionnels ont à manifester leur réaction par voie de campagne de communication et par une démarche commerciale auprès des principaux distributeurs de chablis français. L'accompagnement de l'Institut national des appellations d'origine (INAO) dans une action juridique pour la reconnaissance des indications géographiques paraît également souhaitable. Il lui demande si son ministère s'est saisi de ce problème complexe pour faire jouer la carte de la différenciation, notamment sur le marché américain, entre le vrai et le faux chablis.

- page 2786


Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales publiée le 28/05/2003

Réponse apportée en séance publique le 27/05/2003

M. Serge Franchis. Monsieur le ministre, la période n'est peut-être pas très favorable pour évoquer les relations commerciales courantes avec les Etats-Unis. Ma question porte toutefois sur l'usurpation de l'appellation « chablis » dans le monde, et essentiellement aux Etats-Unis. C'est en effet à moyen terme que nous pouvons espérer voir se réduire de façon significative le marché de « faux chablis ».

Les Etats-Unis en sont les principaux producteurs, avec un volume qui excède 1,2 million d'hectolitres, qu'ils exportent essentiellement au Canada. Trois grands groupes se partagent la production du chablis américain, qui est officiellement toléré par la réglementation nationale, considéré comme un vin générique et consommé comme un vin d'entrée de gamme.

L'Argentine reste le deuxième producteur de faux chablis, avec un volume de 120 000 hectolitres, dont plus de 97 % se vend à un prix inférieur à quatre dollars argentins.

Le volume mondial de faux chablis, qui est compris entre 1,3 million et 1,6 million d'hectolitres, représente ainsi l'équivalent de sept à huit fois la production du vin de Chablis en Bourgogne.

Parmi les conséquences de cette situation, nous notons que le chablis français pénètre peu le marché de l'Amérique du Nord, avec 3,55 % d'exportations aux Etats-Unis et 2,28 % au Canada. Outre ce déficit de vente, c'est le préjudice d'image qui est à déplorer.

Ma question, monsieur le ministre, est la suivante : que comptez-vous faire pour accompagner les actions des opérateurs de la filière viticole française, notamment pour la prise en compte des indications géographiques ? Qu'en est-il de la loi sur les appellations d'origine qui, depuis 1938, fonde la reconnaissance du chablis et du terroir chablisien ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, la protection des appellations d'origine constitue une priorité de notre action au sein du ministère. Il s'agit effectivement d'enjeux économiques majeurs pour les viticulteurs français, nos appellations constituant un patrimoine national que nous nous devons de protéger d'éventuelles usurpations - puisque c'est bien de cela qu'il s'agit - de la part de pays tiers.

Le ministère de l'agriculture connaît bien les difficultés rencontrées par les appellations « chablis », notamment sur les marchés américains et canadiens. Ces pays considèrent en effet que cette dénomination est générique et qu'elle peut être utilisée pour décrire un certain type de vin sans pour autant que celui-ci provienne de l'aire d'appellation chablis en France.

Ces faux chablis, principalement produits aux Etats-Unis, sont interdits non seulement sur le territoire des Etats membres - désormais au nombre de vingt-cinq - de l'Union européenne, mais aussi sur le territoire de tous les pays avec lesquels l'Union européenne a conclu des accords « vin », lesquels comportent toujours un volet assurant la protection des appellations d'origine.

A ce titre, les faux chablis ne peuvent pénétrer les marchés de la Suisse, de l'Afrique du Sud, du Chili, de l'Australie et, évidemment, de tous les pays d'Europe centrale et orientale qui viennent de rejoindre l'Union européenne.

Sur le marché canadien, monsieur Franchis, le problème des faux chablis trouvera rapidement une solution dans le cadre de l'accord « vin » sur le point d'être finalisé entre l'Union européenne et le Canada.

Les Canadiens ont ainsi convenu de cesser de considérer l'appellation « chablis » comme une appellation générique, et l'expérience des accords conclus avec d'autres pays, en particulier avec l'Australie, a montré que, même avant l'expiration du délai de cessation de l'usurpation, l'affichage du principe provoquait une modification des comportements, les opérateurs - en l'occurrence les producteurs de faux chablis - cessant d'investir en faveur de dénominations qu'ils savent condamnées à terme.

C'est pourquoi la France a mis beaucoup d'énergie à appuyer la Commission européenne dans la négociation avec le Canada : l'enjeu était très important, et je crois qu'il faut se féliciter de cette issue positive.

Reste le problème des Etats-Unis : l'Union européenne travaille actuellement avec les autorités américaines à la négociation d'un accord « vin » dont une des principales finalités est l'élimination des génériques usurpant des appellations européennes.

Je me suis rendu aux Etats-Unis à la fin du mois de janvier pour traiter des problèmes de l'Organisation mondiale du commerce, et j'ai réservé dans ce déplacement une place très importante à la défense de nos appellations viticoles. Auprès des autorités américaines aussi bien que des organisations de producteurs de vin américains que j'ai pu rencontrer, j'ai bien évidemment soutenu la position de l'Union européenne dans cette négociation extrêmement importante.

Au-delà de ces efforts qui visent à protéger juridiquement le chablis sur les marchés nord-américains, il est utile que les producteurs sensibilisent les distributeurs et les consommateurs des pays concernés aux qualités du chablis authentique, afin que ceux-ci ne confondent plus notre vin avec ses imitations de médiocre qualité.

Monsieur le sénateur, qu'il s'agisse du chablis en particulier ou des appellations d'origine contrôlée en général, nous nous battons donc avec beaucoup d'énergie, en particulier devant l'Organisation mondiale du commerce.

Le principe des appellations d'origine contrôlée a été, vous l'avez rappelé, inventé à la veille de la Seconde Guerre mondiale, et c'est un assez bon article d'exportation puisque nombre de pays ont adopté en la matière le modèle français.

Il faut que celui-ci devienne un modèle universel dans le cadre des négociations de l'OMC, et il nous appartient donc d'éviter qu'il ne soit au contraire ruiné par une vision ultralibérale de la mondialisation.

M. le président. La parole est à M. Serge Franchis.

M. Serge Franchis. Je tiens à remercier M. le ministre du soin qu'il a pris à me répondre et, surtout, du combat qu'il conduit en faveur de la défense des appellations d'origine contrôlée, tout particulièrement du chablis.

- page 3661

Page mise à jour le