Question de Mme LÉTARD Valérie (Nord - UC-UDF) publiée le 18/12/2002

Mme Valérie Létard attire l'attention de M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire sur la réflexion actuellement en cours sur une réforme de la fiscalité locale, et notamment une remise à plat des dotations de l'Etat aux collectivités locales. Dans ce contexte, elle souhaite mettre l'accent sur la nécessité de revoir le mécanisme d'attribution de la dotation de solidarité urbaine. Créée initialement pour " contribuer à l'amélioration des conditions de vie dans les communes urbaines confrontées à une insuffisance de leurs ressources et supportant des charges élevées ", cette dotation est aujourd'hui assez largement répartie, puisque 70 % des communes de plus de 10 000 habitants et le premier dixième des communes entre 5 000 et 10 000 habitants en bénéficient. Dans le même temps, dans certaines communautés d'agglomération ou communautés urbaines, des communes de moins de 5 000 habitants peuvent connaître des problématiques urbaines tout à fait voisines de celles de villes un peu plus grandes et ne pas pouvoir, en raison de leur taille, bénéficier du régime prévu pour les communes éligibles à la DSU, alors même que leur potentiel fiscal est extrêmement faible. Elle a, à maintes reprises, cité la commune de Maing, 3 800 habitants, 198 euros de potentiel fiscal par habitant, 60 % des foyers fiscaux de la commune non imposables, chiffres qui lui paraissent emblématiques et ce problème. A l'occasion de la réflexion qui a été annoncée sur ce sujet, elle lui demande s'il sera envisagé de prendre en compte de manière plus spécifique la situation des communes urbaines les plus pauvres et si un groupe de travail ne pourrait pas se constituer sur cette question.

- page 3196


Réponse du Ministère délégué aux libertés locales publiée le 05/02/2003

Réponse apportée en séance publique le 04/02/2003

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, auteur de la question n° 127, adressée à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
Mme Valérie Létard. Le 3 décembre dernier, lors du débat sur les crédits de la décentralisation, le Gouvernement a reconnu l'insuffisance de la péréquation actuelle dans l'architecture des dotations de l'Etat aux collectivités locales. Comme cela a alors été rappelé, les trois quarts des communes de plus de 10 000 habitants bénéficient de la dotation de solidarité urbaine, la DSU. « Quel sens a encore la péréquation, disait M. le ministre, si la quasi-totalité des communes de notre pays sont jugées défavorisées à un titre ou un autre ? L'égalité "à la française" consiste à considérer que tout le monde est dans une situation inégalitaire, et dès lors, bien sûr, tout le monde doit faire l'objet de compensations... La réponse à cette remise en ordre n'est pas évidente mais elle est indispensable. » La péréquation constitue d'ailleurs l'une des trois composantes de la réforme des finances locales annoncée par le Gouvernement pour 2003.
La DSU a été créée initialement pour « contribuer à l'amélioration des conditions de vie dans les communes urbaines confrontées à une insuffisance de leurs ressources et supportant des charges élevées ». Il est urgent, me semble-t-il, de revenir à cet objectif premier. L'octroi de la DSU doit être rendu plus sélectif si l'on veut qu'il puisse être atteint.
Nous observons en effet que certaines communes membres d'une communauté d'agglomération ou d'une communauté de communes, parce qu'elles ne répondent pas aux critères de seuil de population, sont exclues du bénéfice de la DSU alors qu'elles sont confrontées aux mêmes problématiques urbaines que leurs voisines plus peuplées. Il y a là une incohérence au regard du développement de la rurbanité.
Dans mon département, des communes pauvres, éligibles aux grands projets de ville, n'ont pas accès à la DSU en raison de leur taille. Ces communes, dont le potentiel fiscal est faible, ne parviennent pas, faute de fonds propres, à mobiliser le préfinancement et la part communale incompressible qui sont nécessaires pour bénéficier des crédits alloués à la politique de la ville. Cette difficulté est similaire à celle que j'avais déjà exposée ici même s'agissant de l'utilisation des fonds structurels européens.
Ma question sera simple, monsieur le ministre : pouvez-vous, d'une part, m'assurer que la réforme en cours prendra réellement en compte la nécessité de garantir une véritable péréquation en faveur des communes les plus pauvres, qu'elles soient grandes, moyennes ou petites, afin qu'elles puissent disposer des fonds propres qui leur permettront de mobiliser des crédits auxquels elles finissent aujourd'hui souvent par renoncer, et, d'autre part, m'indiquer à quelle date cette réforme serait susceptible d'aboutir ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Madame la sénatrice, votre question est tout à fait judicieuse.
Prochainement, si le Congrès en décide ainsi, la péréquation deviendra un objectif à valeur constitutionnelle. Les lois portant sur ce thème seront donc soumises au contrôle du Conseil constitutionnel et nous serons dans l'obligation de respecter le principe de péréquation, qui pour l'heure n'est pas mis en oeuvre de façon efficace, j'en conviens volontiers.
La réforme des dotations de l'Etat aux collectivités locales est un chantier très important. Cette réforme, qui sera engagée cette année, devra prendre en compte plusieurs objectifs, mais aussi plusieurs contraintes.
S'agissant des objectifs, il paraît en premier lieu nécessaire de simplifier de manière drastique le dispositif actuel des dotations, dont les enchevêtrements et la complexité sont sources de confusion, de manque de lisibilité et de prévisibilité pour les élus locaux. L'opacité est telle que l'objectif démocratique n'est pas atteint : bien peu d'élus comprennent l'architecture de ce dispositif.
En second lieu, conformément à l'objet du projet de loi constitutionnelle, la réforme des dotations devra viser à renforcer significativement la place et l'efficacité des dispositifs de péréquation, de manière à assurer une répartition plus équitable des ressources entre les collectivités locales, ce qui, pour l'heure, vous l'avez dit, madame la sénatrice, n'est pas toujours le cas.
En ce qui concerne ce second volet, plusieurs axes d'amélioration sont envisageables et pourraient être explorés à échéance rapprochée.
Il paraît ainsi possible d'accroître les volumes financiers consacrés à la péréquation, en profitant notamment de l'effet de masse que permettra le regroupement, au sein de la dotation globale de fonctionnement, de plusieurs dotations actuellement autonomes. A ce titre, le basculement, d'ores et déjà prévu, de la compensation de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle vers la DGF, qui fera passer le montant de celle-ci de quelque 20 milliards d'euros à 30 milliards d'euros, fera bénéficier la péréquation des gains tirés de l'indexation annuelle d'une masse financière particulièrement importante.
Un autre axe de renforcement de la péréquation consisterait à améliorer les critères et les formules de répartition des dotations de péréquation, diverses possibilités étant actuellement à l'étude pour parvenir à mieux assurer la pertinence de l'utilisation de ces crédits.
La mise en oeuvre de l'ensemble de ces mesures suppose toutefois un consensus, car les enjeux financiers d'une telle réforme sont évidemment très importants, et les conservatismes sont très puissants, hélas !
A cet égard, le Gouvernement entend nouer avec les élus locaux une concertation étroite avant d'arrêter ses propositions en matière de réforme des dotations. Le comité des finances locales est bien sûr appelé à jouer un rôle majeur dans ce processus. Il pourrait constituer en son sein un groupe de travail sur cette question, comme vient de l'annoncer voilà quelques jours M. le Premier ministre.
Quoi qu'il en soit, madame Létard, il est bien évident que le système de péréquation doit être réformé dans les meilleurs délais, car il est actuellement très inégalitaire.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le ministre délégué, je tiens tout d'abord à saluer l'effort consenti par le Gouvernement pour essayer de mettre en oeuvre une véritable péréquation, non seulement, vous l'avez souligné, en augmentant le volume financier qui sera affecté à celle-ci, mais aussi en modifiant les critères de répartition.
J'aimerais, à cet instant, évoquer la situation de quelques arrondissements du département du Nord, afin d'alimenter la réflexion sur le problème de la politique de la ville.
Dans le Valenciennois, par exemple, dix des vingt-sept communes éligibles au contrat de ville ne bénéficient pas de la DSU ; il en va de même pour six des dix-sept communes concernées par le contrat de ville du Douaisis, et pour six des treize communes adhérentes au contrat de ville Sambre-Avesnois.
Un nombre important de communes de moins de 10 000 habitants ne bénéficient donc pas de dotations de péréquation et rencontrent, par voie de conséquence, de très grandes difficultés pour mobiliser les crédits de la politique de la ville, qui ne sont affectés que pour une durée déterminée.
De la même manière, les problèmes liés à l'octroi des fonds structurels européens représentent un véritable drame pour ma région : si nous sommes aujourd'hui éligibles à l'objectif 1, c'est précisément en raison de la faiblesse de notre potentiel fiscal et des obstacles avérés auxquels nous nous heurtons pour relancer notre économie. La mobilisation de ces fonds structurels se révèle extrêmement complexe et ardue, le taux de consommation de l'enveloppe n'étant que de quelque 20 %. La première règle de dégagement d'office s'appliquera à la fin de 2003, et il est donc urgent de pratiquer une péréquation substantielle au profit des territoires concernés, qui pourront alors utiliser les crédits exceptionnels aujourd'hui à leur disposition et faire jouer l'effet de levier.
Mme Valérie Létard. Monsieur le ministre délégué, je tiens tout d'abord à saluer l'effort consenti par le Gouvernement pour essayer de mettre en oeuvre une véritable péréquation, non seulement, vous l'avez souligné, en augmentant le volume financier qui sera affecté à celle-ci, mais aussi en modifiant ls critères de répartition.
J'aimerais, à cet instant, évoquer la situation de quelques arrondissements du département du Nord, afin d'alimenter la réflexion sur le problème de la politique de la ville.
Dans le Valenciennois, par exemple, dix des vingt-sept communes éligibles au contrat de ville ne bénéficient par de la DSU ; il en va de même pour six des dix-sept communes concernés par le contrat de ville du Douaisis, et pour dix des treize communes adhérentes au contrat de ville Sambre-Avesnois.
Un nombre important de communes de moins de 10 000 habitants ne bénéficient donc pas des dotations de péréquation et rencontrent, par voie de conséquence, de très grandes difficultés pour mobiliser les crédits de la politique de la ville, qui ne sont affectés que pour une durée déterminée.
De la même manière, les problèmes liés à l'octroi des fonds structurels européens représentent un véritable drame pour la région : si nous sommes aujourd'hui éligibles à l'objectif 1, précisément en raison de la faiblesse de notre potentiel fiscal et des obstacles avérés auxquels nous nous heurtons pour relancer notre économie. La mobilisation de ces fonds structurels se révèle extrêmement complexe et ardue, le taux de consommation n'étant que de quelque 20 %. La première règle de dégagement d'office s'appliquera à la fin de 2003, et il est donc urgent de pratiquer une péréquation substantielle au profit des territoires concernés, qui pourront alors attirer les crédits exceptionnels aujourd'hui à leur disposition et faire jouer un effet de levier.

- page 556

Page mise à jour le