Question de M. TRÉGOUËT René (Rhône - RPR) publiée le 28/11/2002

M. René Trégouët rappelle à l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, les termes d'un article intitulé " Le parquet doit connaître une réforme profonde " publié dans l'édition du 21 novembre 2002 du magazine L'Express. Un procureur général y constate que l'incrimination de " haute trahison " contre le chef de l'Etat inscrite dans la Constitution date d'il y a plus quarante ans et que le constituant " a négligé de donner une définition de la haute trahison et la nature de la sanction qui la punissait " si bien qu'une éventuelle condamnation sur ce fondement " serait à coup sûr déclarée non conforme à la Convention européenne des droits de l'homme ". Est-il d'accord avec cette affirmation et, dans l'affirmative, entend-il faire évoluer cette situation ?

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 21/08/2003

Le garde des sceaux a l'honneur d'indiquer à l'honorable parlementaire que les dispositions actuelles de l'article 68 de la Constitution relatives à la responsabilité pénale du chef de l'État ne sont effectivement pas satisfaisantes. Ces règles sont critiquables non seulement en raison de l'absence de définition de la notion de " haute trahison ", mais également du fait qu'elles ont suscité certaines difficultés d'interprétation, le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation ayant procédé à des lectures de l'article 68 peu compatibles entre elles. C'est la raison pour laquelle le Président de la République a demandé à une commission présidée par le professeur Pierre Avril de réfléchir au statut pénal du chef de l'État et de formuler, le cas échéant, les propositions de réforme paraissant appropriées. Au vu des conclusions du rapport de cette commission, remis le 12 décembre 2002 au chef de l'État, un projet de loi portant modification du titre IX de la Constitution a été adopté en conseil des ministres puis déposé devant l'Assemblée nationale le 3 juillet dernier. Tout en supprimant la notion de haute trahison, ce projet maintient le principe de l'irresponsabilité pénale du chef de l'État pour les actes commis dans l'exercice de ses fonctions, sous réserve des dispositions relatives à la compétence de la Cour pénale internationale. Il précise par ailleurs la portée de l'immunité dont le chef de l'État bénéficie pendant son mandat. Il prévoit enfin que, en cas de " manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat ", notion qui, clarifiant le texte constitutionnel, se substitue à celle de " haute trahison ", le chef de l'État pourra être destitué par le Parlement constitué en Haute Cour, pour être alors jugé selon les règles de procédure pénale et de droit pénal de droit commun. Ces dispositions, qui concilient la nécessité de garantir le respect dû à la fonction présidentielle et la possibilité de sanctionner certains manquements incompatibles avec l'exercice de cette fonction, suppriment ainsi l'existence d'une infraction pénale qui ne semble effectivement pas conforme au principe de légalité criminelle et à la Convention européenne des droits de l'homme, et elles répondent ainsi pleinement aux interrogations exprimées par l'honorable parlementaire.

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