Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - RPR) publiée le 22/08/2002

M. Jean-Louis Masson attire l'attention de M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie sur le fait que la Commission européenne a demandé à la France de ne plus imposer l'étiquetage en français des produits alimentaires vendus sur son territoire. La Commission se réfère à un arrêt rendu en septembre 2000 par la Cour européenne de justice, lequel interdit qu'une réglementation nationale impose l'utilisation d'une langue déterminée pour l'étiquetage des denrées alimentaires. Manifestement, il s'agit là d'une atteinte grave à la langue française car cette démarche s'inscrit dans la logique de ceux qui veulent imposer l'anglais comme langue européenne unique. La situation ainsi créée met en cause un intérêt vital pour la France, à savoir celui de la préservation de sa culture. Il lui demande en conséquence quelles sont les mesures que le Gouvernement envisage de prendre afin que le droit de chaque pays à défendre sa langue sur son propre sol soit considéré comme fondamental et absolument prioritaire par rapport à toute préoccupation économique ou autre que peuvent avoir les différents organes de l'Union européenne. Par-delà le problème spécifique posé, il s'agit en effet d'un principe global qu'il faut réaffirmer.

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Réponse du Ministère délégué à la coopération et à la francophonie publiée le 07/11/2002

L'honorable parlementaire relève à juste titre l'importance qui s'attache au respect de l'usage de notre langue dans les documents disponibles pour les consommateurs de produits distribués en France. Par un arrêt rendu le 12 septembre 2000 la Cour de justice des communautés européennes a répondu à une question préjudicielle soulevée par la cour d'appel de Lyon sur la compatibilité de l'article R. 112-8 de notre code de consommation, qui prévoit que les mentions d'étiquetage des denrées alimentaires doivent être rédigées en langue française, avec le droit communautaire. La Cour de justice des communautés a alors estimé que la législation européenne sur l'étiquetage " s'oppose à ce qu'une réglementation nationale impose l'utilisation d'une langue déterminée pour l'étiquetage des denrées alimentaires sans retenir la possibilité qu'une autre langue facilement comprise par les acheteurs soit utilisée ou que l'information des consommateurs soit assurée par d'autres moyens ". La Commission européenne ayant par la suite interrogé les autorités françaises sur les conséquences qu'elles entendaient tirer de cet arrêt, la France a soumis à la Commission européenne, en janvier 2002, un projet de décret autorisant l'étiquetage en français et en d'autres langues, afin de se mettre en conformité avec la législation européenne, et a reçu son accord sur ce texte. Celui-ci ayant cependant tardé à être adopté, la Commission a réitéré à plusieurs reprises le souhait que la France mette sa législation en conformité avec l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, puis a émis, le 17 juillet dernier, un avis motivé enjoignant à la France de s'exécuter. Cet avis motivé constituait la marque de son impatience et l'interpréter comme offrant la possibilité accordée, au nom de la libre circulation des marchandises, de libeller les étiquettes des produits vendus en France dans une autre langue que le français, à l'exclusion de ce dernier, paraît heureusement, très excessive au regard de sa portée réelle. Une telle lecture irait en effet à l'encontre des progrès significatifs qu'une étroite concertation entre la France et la Commission de Bruxelles a permis d'accomplir sur cette question. Ce serait d'autant moins acceptable qu'une telle conséquence irait à l'encontre des termes de la loi du 4 août 1994 (loi Toulon) relative à l'emploi de la langue française au respect de laquelle le gouvernement est très attaché. Le 1er août 2002, un décret, n° 2002-1025 est donc venu modifier la rédaction de l'article R. 112-8 du code de consommation qui dispose dorénavant que " les mentions d'étiquetage prévues par le présent chapitre peuvent figurer en outre dans une ou plusieurs autres langues ". Dans la pratique, l'étiquetage en plusieurs langues, dont le français, qui obéit à un double impératif de sécurité sanitaire et d'information, est déjà fréquent même s'il n'est pas explicitement prévu par le code de la consommation. Plus généralement, le gouvernement partage le souci de l'honorable parlementaire pour la défense mais aussi le développement de l'usage de la langue française dans les institutions européennes. La France conduit une politique volontariste visant à consolider la présence de notre langue dans ces institutions. Elle inscrit désormais son action dans un cadre francophone, afin d'en améliorer la cohérence et d'en accroître les moyens, et la concentre sur la perspective du prochain élargissement. Le 11 janvier 2002 a ainsi été adopté un plan d'action pluriannuel pour le français, en préparation de l'élargissement de l'Union européenne. Ce plan associe la France, la Communauté française de Wallonie-Bruxelles, le Luxembourg et l'agence intergouvernementale de la francophonie. Ce plan, à l'élaboration et au suivi duquel contribuent le ministère des affaires étrangères et le ministère de la culture et de la communication, vise principalement à assurer la formation au français et en français de nombreux fonctionnaires, diplomates, interprètes et traducteurs appelés à rejoindre les institutions européennes de manière à les mettre en mesure de s'exprimer dans notre langue lorsqu'ils rejoindront les institutions européennes et travailleront en liaison avec elles. Le gouvernement entend consolider et amplifier cette action, essentielle pour préserver le plurilinguisme dans une Europe élargie.

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