Question de M. DÉSIRÉ Rodolphe (Martinique - RDSE-R) publiée le 11/07/2002

M. Rodolphe Désiré attire l'attention de Mme la ministre de l'outre-mer sur l'application de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer. Il lui semble, en effet, que cette loi avait essentiellement pour but, notamment dans les zones urbaines et les zones d'habitat diffus du littoral, de permettre aux occupants des parcelles des cinquante pas géométriques de régulariser leur situation par l'octroi d'un titre de propriété sur une surface limitée, soit en acquérant la parcelle occupée pour une superficie inférieure à 500 mètres carrés, soit en validant un titre de propriété antérieur à 1951. Or force est de constater que de nombreux propriétaires profitent de cette occasion pour demander la validation de leurs anciens titres, même si les terrains concernés, dont la superficie est par ailleurs souvent supérieure à 500 mètres carrés, restent inoccupés par les intéressés. Cette situation est encouragée à la Martinique par le fait que la commission de vérification des titres a accueilli favorablement plusieurs de ces demandes, même au détriment des collectivités locales et en dépit du fait que ces collectivités avaient signé antérieurement avec l'état des conventions d'occupation du littoral. Cela n'a pas manqué d'entraîner de sérieuses réactions d'hostilité au niveau local et a, par ailleurs, fait l'objet de recours, y compris de la part de l'autorité préfectorale. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser les objectifs de la loi afin d'éviter que l'on n'assiste à une privatisation rampante du domaine de l'Etat.

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Réponse du Ministère de l'outre-mer publiée le 17/10/2002

L'article 1er de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer a inséré dans le code du domaine de l'Etat les articles L. 89-1 à L. 89-9. L'article L. 89-1 a prévu que, dans chacun des deux départements antillais, le préfet délimiterait, par des arrêtés préfectoraux pris après consultation des communes et prise en compte des documents d'urbanisme et du schéma d'aménagement régional, les espaces urbains et les secteurs occupés par une urbanisation diffuse, d'une part, et les espaces naturels, d'autre part. En Martinique, ces arrêtés préfectoraux ont été signés entre le 11 mai 1999 et le 9 octobre 2000. L'article L. 89-2 prévoit la mise en place d'une commission de vérification des titres détenus par des personnes privées et portant sur toute la zone littorale, dès lors que ces titres seraient antérieurs au 30 juin 1955, n'auraient pas déjà été examinés par la commission créée par l'article 10 du décret n° 55-885 du 30 juin 1955 (pour ne pas porter atteinte à l'autorité de la chose jugée) et que leur détention par le requérant n'est contrariée par aucun fait de possession d'un tiers au 1er janvier 1995. Les demandes de validation de titres ont pu être formulées avant le 15 janvier 2001 auprès du secrétariat de la commission et les décisions de cette juridiction sont susceptibles d'appel de la part des parties à l'instance, du procureur de la République ou du préfet. Il s'y ajoute, le cas échéant, un possible pourvoi en cassation, voire devant les instances juridictionnelles européennes. L'action de la commission de vérification des titres de la Martinique est désormais en voie d'achèvement (environ 500 décisions ont été rendues) et, à ce jour, le préfet a introduit vingt procédures d'appel de décisions de ladite commission. Le préfet a fait appel des décisions validant des titres lorsque ceux-ci portaient sur des terrains situés en sites inscrits ou classés, des terrains situés dans des espaces remarquables ou dans des zones sensibles, des terrains pour lesquels le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a fait connaître qu'il souhaitait les acquérir ou les recevoir en gestion, des terrains très fréquentés par les populations, des terrains confiés depuis 1982-1983 en gestion à l'office national des forêts (forêt domaniale du littoral), ou des terrains situés au sein du périmètre d'une convention de transfert de gestion passés entre l'Etat et une commune au titre des articles L. 51-1 et L. 89 du code du domaine de l'Etat. En outre, le préfet a fait appel de validation de titres de jouissance contraires aux dispositions de l'article 6 du décret précité du 30 juin 1955, qui avait supprimé la tolérance d'usage dont bénéficiaient auparavant les propriétaires riverains et dont l'étendue n'avait jamais été déterminée avec précision. En agissant ainsi, le préfet a souhaité, de façon très transparente, mettre en évidence la préoccupation de préservation du littoral. Les articles L. 89-3 à L. 89-6, placés au sein du code du domaine de l'Etat après le dispositif relatif à la régularisation des titres anciens, concernent les cessions de terrains situés dans les espaces urbains et les secteurs occupés par une urbanisation diffuse, opérées soit à titre gratuit au profit des communes ou des organismes d'habitat social, soit à titre gratuit au profit des personnes qui avaient édifié ou fait édifier sur ces terrains, avant le 1er janvier 1995, des constructions à usage professionnel ou à usage d'habitation principale (avec, en ce dernier cas, la possibilité de céder aux ayants droit, voire à des tiers occupant les lieux). Ces cessions, dont les modalités ont été précisées par les décrets n° 2000-345 du 18 avril 2000 et n° 2000-375 du 27 avril 2000, sont effectuées par le préfet après avis de l'agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques. Le préfet apprécie s'il y a lieu ou non de donner suite aux demandes, car la loi précise que les cessions peuvent être accordées et ne sont donc pas un droit reconnu à l'occupant irrégulier du domaine public maritime de l'Etat, notamment pour les occupants installés dans des zones à risques naturels potentiels. Dans le même temps, le préfet peut continuer à accorder des cessions de terrains en application des articles du titre III de la loi " littoral " du 3 janvier 1986 et du décret du 13 octobre 1989. Ces cessions ne peuvent être accordées que pour des occupations antérieures à l'intervention de la " loi littoral " mais ne sont pas conditionnées à présence de constructions utilisées à usage professionnel ou à usage d'habitation principale. Ces cessions, pour lesquelles il n'a pas été prévu de superficie maximale, sont soumises à l'avis de la commission des cinquante pas géométriques. Elles ne donnent pas lieu à l'éventuel octroi de l'aide exceptionnelle de l'Etat, laquelle ne concerne que certaines des cessions octroyées au titre de l'article L. 89-5 du code du domaine de l'Etat. Le législateur a donc entendu, en 1996, faciliter la régularisation de la situation d'un certain nombre d'occupations sans titre de terrains situés dans les espaces urbains et les secteurs occupés par une urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas géométriques et il n'a pas limité dans le temps la possibilité d'accorder de telles cessions. Il a voulu également régulariser la situation de certaines personnes privées détentrices de titres de propriétés ou de jouissance non validés auparavant et, contrairement à ce qu'il a prévu pour les cessions, il n'a pas limité ces régularisations aux seules parties urbanisées.

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