Question de M. PICHERAL Jean-François (Bouches-du-Rhône - SOC) publiée le 07/06/2001

M. Jean-François Picheral appelle l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les modalités de mise en oeuvre des droits fondamentaux reconnus aux détenus, et notamment à ceux condamnés à de longues peines. Depuis peu, le statut du prisonnier fait l'objet de nombreuses reflexions, aussi bien politique qu'au sein de la société civile. La proposition de loi votée à l'unanimité par notre Haute Assemblée a participé dernièrement à cette nouvelle prise de conscience. Par ailleurs, l'administration pénitentiaire semble être arrivée à un consensus relatif à la nécessité d'accorder, outre les droits fondamentaux, un succédané de vie familiale et sexuelle aux condamnés aux longues peines. Aussi, trois " unités de visites familiales ", à titre expérimental, devraient-elles être mises en place par vos services avant la fin de l'année. Ces mesures courageuses et votre politique pénitentiaire ambitieuse sont bien évidemment un progrès souhaitable pour une humanisation progressive d'un milieu trop longtemps resté une zone de non-droits. Pourtant, il est apparu que certains directeurs de maison centrale ont supprimé la possibilité, pour des détenus condamnés à de lourdes peines, de bénéficier aux parloirs de quelques moments d'intimité avec leurs proches. Issue d'une tolérance ancienne propre à chaque établissement, cette pratique semblait être la mise en oeuvre pratique, la reconnaissance effective d'un droit à l'intimité et à l'intégrité tant physique que morale. Ainsi, même si ces décisions administratives peuvent être justifiées par des consignes de sécurité évidentes, elles n'en demeurent pas moins surprenantes et en contradiction avec la volonté politique de votre ministère. Il lui demande donc de lui indiquer quelles seront à court terme les dispositions envisagées, afin de mettre en oeuvre efficacement le respect des droits élémentaires de tout individu.

- page 1890


Réponse du ministère : Justice publiée le 31/01/2002

La garde des sceaux fait connaître à l'honorable parlementaire que le développement des liens familiaux est une priorité du ministère de la justice. Le maintien des liens familiaux constitue en effet un élément primordial de l'insertion. Cette orientation, dont l'objet intéresse au premier chef les collectivités territoriales et le secteur associatif, s'est naturellement inscrite dans les actions relevant de la politique de la ville. Par ailleurs, l'INSEE a procédé pour la première fois à l'intégration de la population détenue dans l'enquête famille intégrée au recensement de 1999. Ce travail sur l'histoire familiale des détenus, auquel était associée l'administration pénitentiaire, démontre la fragilité du réseau familial entre les personnes détenues et leurs parents. L'enquête montre également que le risque de rupture est important au moment de l'incarcération : 11 % des détenus qui avaient un conjoint déclarent que leur union s'est terminée durant le premier mois de leur incarcération. S'agissant de la situation des parloirs et de la création de lieux de rencontres adaptés entre les personnes incarcérées et leurs familles, les conditions matérielles et les règles d'organisation actuelles du déroulement des parloirs confèrent à ces locaux un caractère de lieu public et ne permettent pas véritablement aux personnes incarcérées de recevoir leur visiteur dans un lieu garantissant l'intimité des échanges. Aussi, un programme de construction d'unités de vie familiale a été élaboré afin d'améliorer les conditions du maintien des liens familiaux des personnes détenues compte tenu de l'allongement de la durée des peines et de l'accroissement des périodes du sûreté faisant obstacle à l'octroi d'aménagements de peine. La réflexion portant sur le dispositif d'unités de vie familiale en France s'inspire également d'expériences étrangères comparées dont le modèle canadien. Les unités de vie familiale sont des lieux permettant à la famille, dont l'un des membres est incarcéré, de vivre dans l'enceinte pénitentiaire, pendant un certain temps, toutes les dimensions de la vie familiale. Ce dispositif est ouvert aux membres de la famille des détenus (conjoint, concubin, enfant et parents). L'accès aux UVF est réservé aux détenus de ces établissements ne bénéficiant pas de permissions de sortir. Les unités de vie familiale sont en cours d'implantation sur trois établissements pénitentiaires à titre expérimental : le centre pénitentiaire de Rennes et les maisons centrales de Poissy et Saint-Martin-de-Ré. Leur ouverture est programmée pour l'année 2002. Le choix des sites expérimentaux a été fait notamment en fonction du nombre de détenus ne bénéficiant pas de permission de sortir et ayant conservé des attaches familiales ainsi que des possibilités matérielles de réaliser dans des délais raisonnables de telles installations. La constitution d'équipes projet à l'échelon national et au niveau local dans les trois établissements pilotes a pour objectif de suivre la construction du projet en identifiant les questions concernant l'aspect financier, les équipements, le personnel, le lien avec l'extérieur (les familles, les associations d'accueil...), l'impact sur les relations sociales, l'incidence d'un dispositif de ce type sur la détention. L'élaboration des modalités de fonctionnement des unités de vie familiales est examinée autour de trois thèmes : les personnes bénéficiaires, les modalités d'accès au dispositif, l'organisation du déroulement des visites et les missions des personnels. La réflexion sur l'élaboration d'outils d'évaluation et de suivi permettra d'envisager la question de la généralisation des UVF dans les meilleures conditions possible. Enfin, dans le cadre de l'élaboration du projet de loi sur la peine et le service public pénitentiaire, la réflexion porte également sur le droit à la vie privée et au maintien des liens familiaux des personnes détenues. Le souci de permettre aux personnes détenues et à leurs familles de se rencontrer avec une plus grande intimité est présent dans cette réflexion qui inclut une conception de parloirs adaptés.

- page 313

Page mise à jour le