Question de M. FISCHER Guy (Rhône - CRC) publiée le 08/02/2001

M. Guy Fischer appelle l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'article 36, modifié par la loi nº 2000-516, de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 : " L'offense commise publiquement envers les chefs d'Etat étrangers, les chefs de gouvernement étrangers et les ministres des affaires étrangères d'un gouvernement étranger sera punie d'une amende de 300 000 francs. " Cet article de loi n'est plus adapté et il est dangereux. Il n'est plus adapté, car aucune démocratie ne peut se permettre de poursuivre un journaliste sous un tel prétexte, qui ressemble fort à l'ancien crime de " lèse-majesté ". Les chefs d'Etat français ont d'ailleurs renoncé à se prévaloir de la protection que leur confère cet article. Il est dangereux, car les auteurs de propos qualifiés d'" offensants " pour des chefs d'Etat étrangers peuvent être poursuivis en France plus sévèrement que s'ils diffamaient n'importe quelle autorité constituée. De plus, la jurisprudence montre que les offenses peuvent concerner aussi bien la vie privée que les fonctions exercées et ne donne pas la possibilité à l'accusé d'apporter la preuve de ce qu'il a écrit. Ainsi, le général Pinochet aurait pu faire poursuivre ses détracteurs en France par les tribunaux français, même s'ils disaient la stricte vérité. Il souhaite connaître son sentiment sur l'abrogation de cet article qui permettrait de mettre en conformité la loi sur la liberté de la presse avec les exigences d'une expression publique réellement démocratique.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 28/06/2001

La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'il n'est pas actuellement envisagé d'abroger les dispositions de l'article 36 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse réprimant l'offense envers les chefs d'Etat étrangers. Cette disposition a été récemment modifiée par la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, qui a supprimé la peine d'un an d'emprisonnement auparavant encourue. Par ailleurs, si une jurisprudence ancienne a considéré que les personnes poursuivies du chef de ce délit ne pouvaient juridiquement, comme en matière de diffamation, invoquer l'exceptio veritalis à titre de moyens de défense, il demeure que les tribunaux jugent l'infraction non constituée si les propos contestés ne constituent pas un abus de droit de libre expression. Ce délit de presse doit en effet être interprété au regard des dispositions constitutionnelles et conventionnelles qui garantissent la liberté d'expression dans une société démocratique. Dans ces conditions, pour reprendre les exemples cités par l'honorable parlementaire, il n'apparaît pas que le fait de rappeler qu'un dirigeant ou un ex-dirigeant d'un Etat étranger se serait rendu coupable de comportements que condamne la communauté internationale, et qui peuvent d'ailleurs faire l'objet de procédures judiciaires, puisse constituer le délit prévu par l'article 36 de la loi du 29 juillet 1881. Il convient enfin d'indiquer, d'une part, que la 17e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris, par un jugement du 25 avril 2001 frappé d'appel, a estimé que les dispositions de l'article 36 de la loi précitée étaient incompatibles avec les principes d'égalité des armes et de liberté d'expression tels qu'énoncés par les articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et, d'autre part, que la Cour européenne des droits de l'homme, saisie d'une requête contestant l'article 36 précité, ne s'est pas encore prononcée à ce jour.

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