Question de M. BOYER Jean (Isère - RI) publiée le 19/10/2000

M. Jean Boyer attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur les conséquences de l'usage de drogues lorsque les personnes qui les consomment conduisent un véhicule. Selon certains témoignages qu'il a récemment recueillis, les pertes de conscience, causées par l'état de dépendance, peuvent entraîner une perte de contrôle du véhicule. Si la loi prévoit le dépistage de l'alcoolémie, au contraire, la vérification de la consommation de stupéfiants est inexistante. Dans le cadre de la lutte contre la toxicomanie, il lui demande si le Gouvernement pourrait agir pour que soit mis au point un texte qui permettrait de révéler la consommation de drogues chez les conducteurs.

- page 5338


Réponse du ministère : Santé publiée le 20/12/2000

Réponse apportée en séance publique le 19/12/2000

M. Jean Boyer. Entre le 1er novembre 1999 et le 31 octobre 2000, 7 644 personnes sont
mortes sur les routes. Selon le livre blanc sur la sécurité routière, dans 10 % à 15 % des cas,
c'est la drogue qui est responsable de ces accidents mortels.
Cette proportion risque malheureusement d'augmenter compte tenu de la consommation
croissante de drogues dans notre pays. Une enquête réalisée en milieu scolaire en 1999 a
montré que 32 % des jeunes de quatorze à dix-neuf ans avaient consommé au moins une fois
dans l'année du cannabis et 14 %, au moins dix fois. Or ces jeunes sont de futurs
conducteurs.
Les tests existants sont fiables mais leur mise en oeuvre est lourde. Ils ne peuvent être
pratiqués au bord de la route. Le conducteur doit être emmené en milieu hospitalier ou dans
un cabinet médical, où il est soumis à un test urinaire. Si ce dernier est positif, il doit ensuite
être confirmé par une analyse sanguine effectuée dans un laboratoire de toxicologie.
Cette procédure longue empêche de développer un dépistage systématique de la conduite
sous l'emprise de stupéfiants. C'est pourquoi il est temps, madame le secrétaire d'Etat, de
mobiliser des moyens et de financer la recherche afin que soit élaboré, à l'image de
l'alcootest, un drogtest, facile d'usage, peu coûteux et fiable dans ses résultats.
Un expert européen, le docteur Charles Mercier-Guyon, affirme que ce test pourrait
fonctionner de façon satisfaisante par contact avec la peau et la sueur. D'autres ont évoqué
des tests salivaires.
Quand, madame le secrétaire d'Etat, allez-vous mettre en oeuvre les moyens nécessaires à
l'élaboration de ce test ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Monsieur le
sénateur, dans notre pays, plus de 8 000 personnes décèdent chaque année dans des
accidents de la circulation. On estime que l'alcool est à l'origine de 35 % des décès, mais la
consommation d'autres substances psychoactives comme les stupéfiants et certains
médicaments peut expliquer les troubles de vigilance des conducteurs. Dans ce domaine, les
connaissances sont incertaines, les produits consommés multiples - et ils sont parfois
associés - et les techniques de dépistage complexes.
Même si l'on peut faire état d'affirmations de certains spécialistes, il nous paraît important de
les soumettre à expertise.
Face à ces interrogations, le Gouvernement a décidé de mettre en place une étude
épidémiologique destinée à améliorer l'état des connaissances et des techniques pour
proposer, le cas échéant, une incrimination spécifique de conduite sous l'empire d'un état
psychique lié à la consommation de stupéfiants.
L'article L. 3-1 de la loi du 18 juin 1999 a instauré le dépistage systématique de stupéfiants
chez tous les conducteurs de véhicule impliqués dans un accident mortel de la circulation.
Les textes réglementaires destinés à organiser ce dépistage systématique et à mettre en
place l'étude épidémiologique que j'évoquais sont en voie de finalisation.
D'ores et déjà, dans l'hypothèse d'un accident mortel, le dépistage systématique de
stupéfiants permet aux parquets de poursuivre les conducteurs dont les épreuves d'analyse
biologique se révèlent positives du chef d'usage de produits stupéfiants, cela se cumulant
avec les infractions au code pénal ou au code de la route.
Dans les autres accidents de la circulation, pour parfaire la manifestation de la vérité, les
parquets recourent de plus en plus fréquemment au dépistage de stupéfiants, bien que cet
acte de procédure ne soit pas obligatoire. Le Gouvernement veille actuellement à la mise en
oeuvre de l'étude épidémiologique et à la cohérence, sur l'ensemble du territoire, des
pratiques des différents parquets.
M. Jean Boyer. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Madame la secrétaire d'Etat, je me réjouis de cette prise de conscience.
Nous ne sommes pas les seuls à rechercher des moyens efficaces de dépistage puisque,
dans l'excellent rapport établi par un député, M. Delnatte, il est indiqué que, dans un certain
nombre de pays européens tels que l'Italie, la Belgique, le Royaume-Uni, la Suède et la
Suisse, on se pose le même genre de questions, sans toutefois aller guère plus loin.
C'est pourquoi il me paraîtrait judicieux de demander à tous les laboratoires français -
éventuellement en les « dopant » financièrement - de conduire des recherches tendant à la
mise au point de tests qui permettraient de réaliser un dépistage systématique. La
technologie française est très en avance dans ce domaine et pourrait parfaitement être
utilement mobilisée à cet égard. Peut-être un « patch » pourrait-il être apposé sur la peau des
contrevenants, de manière à établir s'ils ont ou non fait usage de stupéfiants. Ce n'est là
qu'une piste que je suggère modestement.
Madame la secrétaire d'Etat, au moment où nous constatons dans notre pays une
augmentation de la consommation des drogues, il serait souhaitable que tout soit mis en
oeuvre pour que notre jeunesse ne perde pas... sa jeunesse. La mise au point d'un test de
dépistage fiable permettrait aussi d'empêcher que nos lycées ne soient remplis de dealers.
Pourquoi la France ne serait-elle championne dans le domaine du dépistage des drogues ?
Nos laboratoires sont capables d'une telle découverte.

- page 8027

Page mise à jour le